Canada : le pays qui profiterait de l’élection de Trump ?

Se trouver du bon côté de la clôture

«Soyez craintif quand les autres sont agressifs et agressif quand les autres sont craintifs. » C’est là l’une des fameuses citations que Warren Buffett a servies à une audience d’investisseurs : si le marché devient imprévisible, l’investisseur avisé conserve un profil bas. Cette approche explique probablement pourquoi M. Buffett n’a pas parié gros sur certains marchés immobiliers métropolitains au cours des dernières années.

À l’inverse, les vraies occasions d’achat surviennent quand la masse se retire par crainte de subir des pertes. Warren Buffett a utilisé cette façon de faire qui lui a rapporté des milliards et lui a conféré une aura particulière. Mais le même principe peut-il s’appliquer à l’échelle mondiale, compte tenu de la peur qu’engendrent le Trumpisme, le Brexit et la montée du populisme ? Pour un pays comme le Canada, peut-être. Le gouvernement fédéral vient d’annoncer quelques ajustements à sa politique sur l’immigration dans le but d’attirer des talents hautement qualifiés de partout dans le monde.

Le gouvernement a baptisé ce programme « Talents mondiaux » ; il insiste sur le fait que ce programme est en marche depuis des mois et n’est pas une réponse directe à la politique du président Trump. Cependant, il est difficile de ne pas détecter un soupçon d’ironie de la part des fédéraux avec la mise en oeuvre de ce programme. Les États-Unis sont depuis des décennies l’aimant de talents le plus puissant du monde, et cette qualité définit en grande partie le dynamisme économique du pays. Si cet aimant de talents s’affaiblit, le Canada pourrait être très bien placé pour rattraper son retard.

Comme Washington est dirigé par une administration toute nouvelle, le reste du monde riche a la possibilité d’attirer le talent dont il a besoin pour secouer la croissance économique à long terme.

L’immigration hautement qualifiée représente donc une occasion évidente parmi tant d’autres pour le Canada et les autres pays sous la gouverne de Trump. Comme toutes les occasions en politique et en affaires, les risques sont nombreux. D’un point de vue commercial et géopolitique, le moment actuel comporte des risques beaucoup plus élevés que ceux auxquels nous sommes habitués.

Une grande partie de notre élite politique et commerciale au Canada a vivement critiqué Trump le candidat ; mais ça n’a pas été le cas du premier ministre et de ses députés, ce qui semblait prévisible. Mais sa présomption de diriger le pays le plus puissant du monde est maintenant une réalité avec laquelle nous devons tous compter.
Au cours de sa campagne électorale, Donald Trump a frappé fort. Les intérêts américains ont été sacrifiés pour une série d’accords commerciaux avec les pays alliés, a-t-il affirmé, et grâce à ses compétences remarquables en matière de négociation, des millions d’emplois perdus seraient récupérés en Amérique. Les penseurs politiques sérieux, pour la plupart, se heurteraient à cette prémisse : le gouvernement fédéral des États-Unis n’a vraisemblablement pas le pouvoir de récupérer les emplois – dont beaucoup se trouvent dans l’industrie manufacturière – qui ont disparu d’Amérique au cours de la dernière génération. L’emploi dans ces secteurs a connu une forte baisse dans tous les pays riches au cours de cette période, indépendamment des accords commerciaux, de la même manière que, au XIXe siècle, plus de 90 % de la main-d’oeuvre était agricole.

Bien que l’argument soit faussé, il a contribué à propulser M. Trump à la Maison Blanche, et c’est lui qui a maintenant le mandat de renégocier ce qu’il considère comme les mauvais accords qui ont nui au travailleur américain. En haut de cette liste, on retrouve l’accord commercial entre les États-Unis, le Mexique et le Canada – l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Même si le gros de sa colère rhétorique à l’égard de l’ALENA visait plus le Mexique, le Canada sera toujours pris dans le processus déjà lancé pour réécrire l’accord.

Alors, est-ce que la solution se trouve dans le torpillage imminent de notre plus important accord commercial ? Comme toujours, le processus sera lourd de risques, et il est possible qu’on arrive à de mauvais résultats. Mais si nos décideurs pouvaient aller dans le même sens que Donald Trump et détruire certains des irritants commerciaux les plus persistants au Canada et rouvrir certaines de nos ententes les plus protégées (industrie du lait, des télécommunications, du transport aérien, pour n’en nommer que quelques-unes), nous pourrions envisager une éventuelle double victoire : échapper au pire de la colère de Trump et mettre à jour l’ALENA avec certaines concessions, ce qui représenterait une grande victoire pour les consommateurs et l’économie canadienne. Le Canada serait, dans ce cas, le pays qui profiterait le plus de l’élection de Trump.

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