Un coup de téléphone de trop…
L’absence prolongée d’un employé pour cause de maladie au sein d’une équipe de ventes peut causer de sérieux maux de tête aux dirigeants d’une concession automobile. Surtout, quand ces derniers détiennent des informations douteuses, mais non corroborées, concernant l’état de santé et l’absence au travail de l’employé. Dans le doute, le meilleur des conseils est de conserver son sang froid et de faire une investigation approfondie avant de poser des gestes qui pourraient avoir des conséquences fâcheuses. C’est ce qu’un concessionnaire a appris à ses dépens en suivant ses faux instincts et en passant un simple coup de fil à un salarié en congé de maladie!
Les faits
Le demandeur occupait l’emploi de directeur commercial chez un concessionnaire. Il est prouvé qu’il effectuait son travail avec brio. Deux ans après son embauche, le demandeur avait dû quitter temporairement son emploi à cause d’épuisement professionnel suivi de dépression. Au moment de son départ pour congé de maladie, le demandeur s’occupait également de ses parents atteints d’un cancer. Ces derniers sont décédés, l’un après l’autre, quelques mois plus tard.
Pendant son absence au travail, le demandeur recevait des prestations d’invalidité. Après 18 mois de congé, son employeur a décidé de retenir ses chèques de prestation en lui indiquant qu’il voulait le rencontrer. Après quelques tentatives, le demandeur a réussi à rejoindre son employeur par téléphone. Lors de la conversation, le président de la concession lui a dit que des sources sûres affirmaient qu’il n’était pas malade et qu’il continuait à percevoir ses prestations d’invalidité malgré le fait qu’il occupait un nouvel emploi. Le demandeur a expliqué qu’il était toujours malade et qu’il était incapable de travailler et de retourner au travail.
Le concessionnaire a avisé le demandeur qu’il demeurait sceptique et qu’il était pour faire pressions auprès de l’assureur afin d’annuler le versement des prestations et exiger une nouvelle expertise médicale. Le demandeur a alors expliqué qu’il avait déjà subi bon nombre d’examens à la demande de l’assureur, lequel avait en main tous les rapports médicaux. Le concessionnaire lui aurait dit qu’il mentait, qu’il feignait la maladie, et que ses collègues de travail devaient payer des cotisations fortement majorées parce qu’il abusait du système.
Suite à cette conversation, selon une nouvelle preuve d’expert non contestée, les propos et le ton du concessionnaire ont eu des conséquences sérieuses sur l’état de santé du demandeur qui a connu une rechute. Considérant que le lien de confiance avait été rompu et qu’il ne serait plus jamais en mesure de travailler pour cet employeur, l’employé a entrepris une action en dommages-intérêts à la suite de ce qu’il considère être un congédiement déguisé.
Pour sa part, le concessionnaire allègue dans sa défense qu’il n’a pas congédié le salarié et que celui-ci a plutôt donné sa démission.
Le jugement
Le concessionnaire dit avoir téléphoné à son employé pour s’enquérir de son état de santé et de la date approximative de son retour au travail, sans plus. Selon sa thèse, un employeur est en droit de s’informer de la date prévue du retour au travail de son employé qui est en congé de maladie puisqu’il doit continuer à gérer son entreprise. Surtout lorsque le poste de l’employé est aussi important et que son absence dure depuis 18 mois.
Pour se justifier, le concessionnaire argumente que personne ne peut reprocher à un employeur de garder des contacts avec son employé pour prendre de ses nouvelles. Rien ne peut empêcher également un employeur de questionner ce même employé s’il a des motifs sérieux de croire qu’il occupe un autre emploi pendant son absence pour cause de maladie.
Or, selon le Tribunal, la preuve démontre que le concessionnaire ne s’est pas aussi bien comporté qu’il le dit. Le pouvoir de gérance d’un employeur ne lui donne pas le droit de se livrer à du harcèlement et à un abus d’autorité envers son employé pendant un congé de maladie. Il ressort de la preuve que le défendeur a agi envers le demandeur de façon abusive.
Lorsque le demandeur affirme qu’il a réalisé lors de cette conversation téléphonique que le lien de confiance était rompu avec son employeur et qu’il venait de perdre son emploi ne sont pas exagérés. Le Tribunal conclut que le demandeur était tout à fait justifié de tirer cette conclusion et que c’est la conclusion à laquelle en serait arrivée
une personne raisonnable se trouvant dans
la même situation et dont l’état de santé aurait été le même.
Au chapitre des dommages, le Tribunal conclut que le demandeur a droit à un délai-congé de cinq mois. Par ailleurs, le Tribunal a rejeté la demande de dommages-moraux et de dommages-exemplaires parce qu’il n’y a aucune preuve que l’employeur a tenté, de façon intentionnelle, de nuire à la réputation du demandeur et de ne pas respecter sa vie privée.
