Voilà un sujet dont on parle assez souvent ces jours-ci dans les grands titres en vente d’automobiles. Mais si vous êtes un concessionnaire qui pense à l’avenir, la meilleure façon d’aborder la planification de la relève pourrait ressembler à un passage dans un champ de mines.
Pour rendre les choses encore plus compliquées, on a vu, au Canada, ce que certains décrivent comme une « frénésie » de l’acquisition avec des groupes de concessionnaires qui ont acheté de nouvelles concessions à un rythme effréné au cours des dernières années.
« Je ne pense pas qu’il existe un concessionnaire unique dans un grand marché métropolitain qui n’est pas tourné vers l’avenir et qui ne se demande pas comment il peut concurrencer les autres », dit Chuck Seguin, président de Seguin Advisory Services (et chroniqueur à Affaires automobiles).
S’il y a eu beaucoup d’activité dans l’acquisition de concessions, cela ne signifie pas les concessionnaires devraient s’appuyer sur un achat comme seule approche de la planification pour l’avenir. Richard C. Gauthier, président et chef de la Direction de la Corporation des associations de détaillants d’automobiles (CADA), affirme que, s’il est agréable de recevoir une offre lucrative qui garantit la sécurité financière du concessionnaire et de sa famille, le fait d’avoir une stratégie de relève solide en place lui donne plus d’options et entraîne moins de risques.
UNE PRISE DE CONSCIENCE ÉVIDENTE
Et la bonne façon de commencer, c’est avec le Guide de planification de la relève d’un concessionnaire de la CADA. Depuis son introduction, en 2012, M. Gauthier dit qu’il a reçu des commentaires très appréciés de la part de concessionnaires dans tout le pays. « Des concessionnaires viennent vers nous et nous disent que le guide était vraiment utile. »
M. Gauthier dit qu’un certain nombre de concessionnaires ont déclaré être intimidés par le processus de planification de la relève et ne savent pas par où commencer.
« Ils voyaient le Guide comme une feuille de route et étaient ensuite en mesure de s’asseoir et de dire : « OK, maintenant je sais par où commencer et comment élaborer un plan d’action.»
La CADA a mis l’accent sur la prise de conscience de l’importance de la planification de la relève puisqu’elle a eu un regard critique sur le sujet en 1997. La dernière fois où les concessionnaires ont été interrogés, 43 % n’avaient pas de plan de relève en place; maintenant, quelques années plus tard, la question est encore plus pressante.
La sensibilisation s’étend lentement, évidente non seulement par le nombre de transactions de concessions, mais aussi par la croissance dans les entreprises qui se positionnent comme les conseillers en planification de la relève; les experts de l’industrie conseillent toujours de faire preuve de prudence lors de la mise en place d’un plan.
UN PLAN POUR PRÉVOIR L’IMPRÉVU
Peut-être le premier et le plus important facteur consiste à vous assurer que vous prévoyez l’imprévu — les blessures, la maladie, la mort, les changements dans la situation financière nous affectent tous; alors, avoir des plans d’urgence en place pour s’assurer que le processus de planification de la relève se poursuit est essentiel.
En outre, les concessionnaires ont vraiment besoin de considérer que ces gens qu’ils veulent voir assumer la responsabilité de la gestion de l’entreprise, sont capables de le faire d’une part, et sont également prêts et approuvés par le fabricant d’autre part.
Il y a eu des cas où un concessionnaire a mis un plan de relève en place, mais le fabricant n’a pas accordé son approbation parce que l’équipe de direction proposée ne répondait pas à ses exigences. Comme le mentionne le Guide de planification de la relève d’un concessionnaire de la CADA, bien qu’il puisse s’agir de l’entreprise du concessionnaire, un nouveau point de vente de voiture de détail est toujours une franchise, et étant donné que chaque constructeur a conclu des accords spécifiques avec ses concessionnaires, cela doit être examiné avec soin pour s’assurer que les obligations, juridique ou autres, sont remplies.
Comme le note Richard C. Gauthier, de la CADA, travailler à un plan de la relève avec le constructeur est un effort de collaboration, mais c’est important.
Même si la frénésie d’achat semble se poursuivre — au cours de notre discussion, M. Gauthier a fait remarquer que, d’ici la fin de la journée, un peu plus de transactions étaient susceptibles de se conclure — il y a des preuves pour suggérer que le taux élevé de consolidation que nous avons connu au cours des dernières années ne se poursuivra pas nécessairement, et les concessionnaires doivent planifier en conséquence. Dans le cadre du processus de planification de la relève, Chuck Seguin dit qu’il n’est jamais mauvais pour les concessionnaires de mener une étude de marché pour connaître l’état de leur marché — est-il en croissance, en décroissance ou dans un état stable ? En outre, la marque que représente le concessionnaire mérite considération. Est-ce une marque solide et qui a de la longévité ?
Que pense-t-elle de l’avenir du commerce de la vente d’automobiles ? Ce sont toutes des questions qu’il faut poser.
Et tandis que les ventes de véhicules neufs, la hausse des valeurs immobilières et le rythme de la consolidation nous donnent des raisons d’être optimistes, construire l’avenir de votre entreprise sur le potentiel d’un achat, comme Richard C. Gauthier dit succinctement, c’est un peu comme « jouer à la loterie pour gagner son revenu au lieu d’aller travailler tous les jours ».
Bien qu’on mette beaucoup l’accent sur l’achat de concessions et que les groupes de concessions deviennent sans cesse plus grands, Chuck Seguin note qu’il a également vu une tendance croissante chez les petits à élargir leur propre empreinte. « Nous avons vu ceux qui ont deux concessions et qui cherchent à en acquérir une troisième, peut-être une quatrième ou une cinquième. »
M. Seguin note que la concurrence, le désir d’améliorer l’efficacité et une position forte sur le marché sont quelques-unes des raisons de cette croissance en petits groupes. Il ajoute également que les grands groupes cherchent maintenant également à acquérir de plus petits groupes, et pas seulement les concessionnaires individuels.
« En termes de rentabilité, de potentiel et de volume, je dirais que vous avez deux types
d’acheteurs », dit M. Seguin. « Ceux qui sont à la recherche d’organisations à succès et rentables, et qui sont prêts à payer le prix, ou ceux qui cherchent des occasions, qui veulent utiliser leur méthodologie pour augmenter les profits. »
Les concessionnaires qui ont eu des problèmes dans certains secteurs de leurs activités sont souvent considérés comme des cibles de choix pour l’acquisition, étant donné qu’un juste prix peut souvent être négocié pour leur achat, alors que l’acquéreur peut aussi vouloir améliorer les affaires et générer des profits dans les domaines où les concessions éprouvent actuellement des difficultés.
Chuck Seguin note cependant que beaucoup de ces types de concessions, en particulier dans les régions métropolitaines, ont déjà été acquis ou absorbés dans les grands groupes et pour les concessionnaires qui restent indépendants; si elles sont considérées comme mûres pour l’acquisition ou non dépend en grande partie de la concession et de la position de l’acheteur potentiel. En conséquence, les concessionnaires confrontés à une telle situation ont manifestement besoin d’y penser quand il s’agit de la relève.
« Les concessionnaires vendent habituellement plus cher qu’ils n’ont payé il y a cinq ans », dit M. Seguin, mais il avertit que les marges de vente rétrécissement et que les constructeurs envoient de plus en plus les coûts au concessionnaire; il y a un plafond sur le prix d’une concession.
Y a-t-il un avenir pour les concessionnaires uniques ?
Il semblerait que le rythme rapide de la consolidation, l’augmentation du coût de faire des affaires et d’autres facteurs comme la concurrence, les besoins et les attentes des consommateurs, font de plus en plus pression sur les concessionnaires franchisés indépendants, ce qui la concurrence plus difficile pour eux.
Cela dit, il est probable que les concessions uniques auront encore un rôle important à jouer dans la vente d’automobiles au Canada. Comme le note M. Seguin, dans certains marchés, la consolidation ne fait pas toujours du sens. « Il y a encore beaucoup de concessions uniques qui n’ont pas consolidées, ou si elles le sont, le taux de consolidation est très faible. »
Il dit que ça se résume souvent à la marque, au marché et à la situation géographique. « Si vous ne correspondez pas au mandat d’un groupe plus grand, il y a des chances qu’elles ne soient pas intéressées par l’acquisition de votre concession. »
Alors quoi ? Si vous êtes un concessionnaire qui cherche à céder la direction et si votre concession ne répond pas aux exigences d’un acheteur est à la recherche, quelle est la solution ? Richard C. Gauthier, de la CADA, dit que, quand la poussière de la consolidation retombe, les concessions restantes qui n’ont pas été acquises devront décider si elles sont là pour le long terme. « Les concessionnaires sont par nature optimistes », dit-il, mais plus un plan de relève est mis en place rapidement, mieux c’est. « La possibilité de vendre pourrait se présenter, mais vous aurez besoin d’être préparé. Il est beaucoup plus facile de changer un plan qui existe déjà que d’en commencer un quand il est déjà trop tard. »
POINT DE VUE D’UN CONCESSIONNAIRE UNIQUE
« La consolidation de concessions a un effet sur nous, ça ne fait aucun doute. Si vous m’aviez posé une question sur la relève il y a cinq ans, ç’aurait pu ressembler à une prise en charge de mes fils alors que je me dirigeais vers la retraite. Aujourd’hui, cependant, c’est différent. Presque tout le monde est à la recherche de la consolidation comme option. Nous sommes une concession unique, mais j’ai un partenaire ayant des intérêts dans un certain nombre d’autres concessions. Je ne vois pas les concessions uniques disparaître, mais ce que j’appelle l’intelligence de l’entreprise signifie que vous devez être très sophistiqué pour rester concurrentiel et répondre à la demande du marché. Ce sera difficile si vous ne faites pas partie ou si vous n’êtes pas associé à un groupe consolidé. »
— Alex Baum, concessionnaire en titre, Cochrane Toyota, Cochrane, Alberta.
POINT DE VUE D’UN CONCESSIONNAIRE MULTIGÉNÉRATION ET MULTIPLE
« Ne pensez pas seulement à un plan de relève, agissez maintenant. Si le plan est bien orchestré, vous réussirez. N’oubliez pas de mettre toutes les questions clés sur la table comme la protection de l’héritage familial et d’identifier les actionnaires et les dirigeants clés dans le plan. Gardez-le rationnel et pratique et minimisez tout aspect émotionnel dans le plan. Même si vous pensez que la vente de la concession se fera, assurez-vous que vous avez encore un plan de relève complet en place. Vous ne savez jamais où la vie pourrait vous mener, alors commencez à planifier dès maintenant alors que tout se passe bien. »
— Maxime Vincent, président, Groupe Vincent, Shawinigan, Québec.
