Nous croyons important de vous éclairer sur les risques que comporte l’utilisation de l’atelier mécanique à l’extérieur des heures ouvrables, autant pour l’employeur que pour l’employé visé.
Il existe actuellement une pratique plus ou moins répandue permettant aux employés des concessions d’automobiles et de camions lourds ou de garage automobile de procéder à des réparations ou à l’entretien de leur véhicule personnel sur les lieux du travail, à l’extérieur des heures normales de travail. Cette pratique, souvent tolérée, parfois convenue entre les parties, peut paraître anodine et sans conséquences, ce qui n’est pas le cas.
Toutefois, avant d’aborder spécifiquement les risques possibles, il nous semble primordial de rappeler les principes applicables en matière de santé et de sécurité du travail.
Principes applicables en matière de santé et de sécurité du travail
La Loi sur la santé et la sécurité du travail (ci-après désignée la Loi) de même que les nombreux règlements qui la complètent, vise l’élimination à la source même des dangers pour la santé et la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs. Afin d’assurer le succès et la mise en application des principes énoncés dans cette loi, le législateur a prévu la participation des travailleurs et de l’employeur à la mise en place de mécanismes visant cet objectif. Ainsi, la Loi prévoit une série d’obligations, autant pour le travailleur que pour l’employeur, dont les principales s’énoncent comme suit :
« Cette pratique, souvent tolérée, parfois convenue entre les parties, peut paraître anodine et sans conséquences, ce qui n’est pas le cas. »
Pour le travailleur :
- Prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé et sa sécurité ou son intégrité physique ;
- Veiller à ne pas mettre en danger la santé et la sécurité ou l’intégrité physique des autres personnes qui se trouvent sur les lieux du travail ou à proximité des lieux de travail.
Pour l’employeur :
- Prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur ;
- S’assurer que les établissements sur lesquels il a autorité sont équipés et aménagés de façon à assurer la protection du travailleur ;
- S’assurer que l’organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour accomplir le travail sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur.
Afin de soutenir l’employeur et les travailleurs en lien avec les obligations prescrites à la Loi, des mécanismes comme la formation d’un comité de santé et de sécurité au travail existent. Ce comité exerce plusieurs fonctions visant à atteindre l’objectif de la Loi.
Ainsi, au cours des heures normales de travail, les obligations liées à la santé et la sécurité du travail doivent être respectées par l’ensemble des mesures énoncées précédemment. Toutefois, qu’en est-il à l’extérieur des heures ouvrables où aucun membre du comité de santé et de sécurité du travail n’est en place, aucun secouriste n’est disponible pour intervenir en cas d’urgence, l’employeur ne dispose d’aucun superviseur ou responsable des lieux ? Dans les cas particuliers où un travailleur fait des réparations ou de l’entretien sur son véhicule personnel à l’extérieur des heures normales du travail, sur les lieux du travail, que se passe-t-il s’il se blesse ou endommage les biens de l’entreprise ?
Bien que ce type de situation ne puisse être considéré comme un accident survenu « par le fait du travail », il existe tout de même un risque que la CNESST analyse la réclamation logée par le travailleur sous l’angle d’un accident survenu « à l’occasion du travail ».
Qu’entend-on par accident survenu à l’occasion du travail ?
Le législateur n’a pas défini la notion d’accident survenu « à l’occasion du travail ». Il faut donc s’en remettre à la jurisprudence établie par les nombreuses décisions rendues sur le sujet. Contrairement à l’accident survenu « par le fait du travail », qui a pour cause directe le travail même de la victime, l’accident qui survient « à l’occasion du travail » est celui qui survient lors d’une activité connexe au travail ou plus ou moins utile à son accomplissement.
La jurisprudence a établi certains critères permettant d’évaluer la situation en vue de déterminer s’il s’agit d’un accident survenu « à l’occasion du travail » ou non. Aucun de ces critères n’est déterminant, c’est plutôt le cumul de plusieurs critères qui permettra de conclure dans le sens d’un accident survenu « à l’occasion du travail ».
Voici les critères :
- Lieu de l’accident;
- Moment de l’accident;
- Finalité de l’activité;
- Lien de subordination;
- Avantage pour l’employeur.
Ainsi, lorsque vous permettez ou tolérez que vos travailleurs utilisent vos locaux et votre équipement pour effectuer des entretiens mécaniques sur leur véhicule personnel ou sur tout véhicule à des fins purement personnelles, vous courez le risque que la CNESST considère ces activités comme étant des activités survenues à l’occasion du travail et ayant un lien de connexité ou une finalité avec le travail exercé. Si, au surplus, il s’agit d’un privilège consenti par un contrat de travail ou encore une convention collective, la connexité avec le travail sera encore plus facile à établir.
Que risquez-vous ?
Advenant le cas où la CNESST, compte tenu des circonstances particulières du dossier et des critères reconnus par la jurisprudence, conclut à la survenance d’un accident à l’occasion du travail, le travailleur sera indemnisé par cet organisme. Par conséquent, tous les coûts et les frais engendrés par la lésion professionnelle seront imputés à votre dossier d’employeur et auront pour effet d’augmenter votre cotisation à la CNESST au cours des années suivantes.
Également, si la CNESST considère que vous n’avez pas respecté les obligations qui vous incombent en matière de santé et de sécurité du travail, vous risquez d’être l’objet de plaintes pénales comportant la condamnation à des amendes. De plus, le fait de tolérer ou de permettre une telle pratique peut se solder par des bris matériels importants, des dommages aux immeubles et, même, des blessures ou des dommages à des tiers. Vous encourez aussi votre responsabilité civile, ce qui, en plus de vous exposer à des recours judiciaires, pourrait avoir comme conséquence une augmentation de vos primes d’assurance.
Encore plus, si un accident grave survient, l’employeur, ou la personne qui dirige le travail du travailleur, ou les deux peuvent être poursuivis pour négligence criminelle et être condamnés pour des peines importantes pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement.
La signature par vos employés d’une renonciation de reconnaissance de responsabilité ne peut vous être d’aucune utilité et pourrait même vous nuire.
Notre recommandation
Notre recommandation, compte tenu des éléments énoncés précédemment, est de refuser l’accès aux travailleurs à l’atelier mécanique à l’extérieur des heures normales de travail à des fins personnelles. En procédant ainsi, vous respecterez l’ensemble des obligations qui vous incombent en matière de santé et de sécurité du travail dont la principale est d’assurer la protection et la santé et la sécurité de tous vos travailleurs. Par la même occasion, vous éviterez que des situations dramatiques se produisent.
« Notre recommandation, compte tenu des éléments énoncés précédemment, est de refuser l’accès aux travailleurs à l’atelier mécanique à l’extérieur des heures normales de travail à des fins personnelles. »
Si ce privilège existe en vertu d’une convention collective ou d’un contrat individuel de travail ou si vous voulez permettre à vos employés d’utiliser l’atelier mécanique à leurs fins personnelles, assurez-vous que l’ensemble des obligations qui vous incombent en matière de santé et de sécurité du travail soient respectées, et que la pratique soit limitée et encadrée par une politique claire et appliquée.
