Les concessionnaires discutent des principaux défis liés aux difficultés d’approvisionnement et à leurs effets d’entraînement, tout en explorant les diverses façons de s’adapter à la situation.
En 2021, un concessionnaire de Québec a résumé la pénurie de véhicules neufs et d’occasion en deux mots : « excessivement brutal ».
Au début de 2022, ces mots de Charles Saillant, président de Ste-Foy Toyota et coprésident du Groupe Saillant, continuent de décrire avec justesse la situation à laquelle de nombreux concessionnaires dans tout le Canada sont confrontés et espèrent qu’elle sera de courte durée.
« Ça n’a jamais été aussi difficile qu’en ce moment », a déclaré M. Saillant dans une entrevue avec Affaires automobiles. « Nous pouvons penser que la demande n’est pas là, mais elle est là. Elle n’a jamais été aussi forte. C’est l’offre qui n’est pas là. »
Alors que la pénurie de semi-conducteurs représente un problème mondial qui a des répercussions sur un certain nombre d’industries et d’économies, pour l’automobile, cela signifie que les constructeurs manquent de puces électroniques et d’autres pièces nécessaires pour produire les véhicules dont ils ont besoin pour répondre à la demande des clients.
En examinant l’état du secteur canadien de la fabrication d’automobiles, DesRosiers Automotive Consultants (DAC) a constaté que le transfert de production vers les véhicules électriques, les problèmes liés à la pandémie et la pénurie de semi-conducteurs ont tous contribué à ouvrir la voie à une baisse des expéditions ; le secteur de l’assemblage de véhicules a chuté de 16,8 % à la fin de novembre 2021 par rapport aux niveaux de 2020.
Il a également diminué de près de 50 % par rapport à il y a cinq ans, et les niveaux d’expédition sont tombés au plus bas depuis 2009. Andrew King, associé-directeur chez DAC, a décrit la situation comme « une période de changements structurels fondamentaux » à égalité avec les changements observés après le Pacte de l’automobile de 1965.
Cependant, tous les fabricants n’ont pas été touchés de la même manière, et certains concessionnaires ont joué le jeu un peu mieux ou de façon plus sûre que d’autres. Mais comme le note M. Saillant, personne n’en est sorti indemne. Et il estime que la situation pourrait ne pas s’améliorer de manière significative avant le deuxième trimestre de 2022, au plus tôt.
Il a peut-être raison. Rien que l’an dernier, en octobre 2021, le volume des inscriptions de concessions était en baisse de 35 % par rapport à l’année précédente, tandis que les voitures neuves étaient en baisse de 50,3 %, selon James Hancock, directeur, Stratégie et Analyse des constructeurs chez Canadian Black Book. Il a déclaré que le problème était principalement dû à la pénurie mondiale de semi-conducteurs.
« Nous prévoyons que, au cours des prochains mois, cela va empirer pour les concessionnaires, alors que la chaîne d’approvisionnement tente de s’en sortir. Nous ne prévoyons pas que la chaîne d’approvisionnement reviendra à des niveaux normaux avant le deuxième semestre de 2023 », a déclaré M. Hancock.
En octobre 2021, les stocks de voitures d’occasion étaient en baisse de 13 % par comparaison avec 2020. CBB prévoit que cela empirera au cours des prochains mois, car il s’attend à ce que les exportations augmentent tout au long de l’année, principalement en raison de la différence de prix entre le Canada et les États-Unis.
M. Hancock a fait référence à la prime actuellement élevée sur les voitures aux États-Unis comme raison et a déclaré que leur offre de véhicules était encore plus basse. En octobre de l’an dernier, ils étaient déjà en baisse d’environ 75 % du côté des voitures neuves et de 50 % dans l’ensemble.
Pour ce qui est des constructeurs, M. Hancock a déclaré que les fabricants élaboraient des stratégies sur les véhicules à produire.
« Ils cherchent à produire leurs voitures les plus rentables. Et ils sont aussi un peu stratégiques sur l’endroit où ils envoient leurs produits. Ils cherchent des marchés qui sont très rentables. Et certains concessionnaires sont pris au piège », a déclaré James Hancock. « Si vous comparez le marché canadien et le marché américain, ce dernier est plus rentable que le marché canadien pour eux. »
Au quotidien, les concessionnaires doivent composer avec des terrains et des salles d’exposition vides ou presque vides en raison de la rareté de l’offre, avec des délais de livraison longs et incertains ainsi qu’avec des consommateurs impatients.
James Hancock a déclaré que de nombreux constructeurs suggèrent que la livraison des véhicules se fera dans les six semaines à six mois. Il prévoit que les commandes, pour la plupart, que les concessionnaires ont reçues des consommateurs devraient être relativement solides, car il sera difficile pour le consommateur de se procurer un autre véhicule et de le recevoir dans les délais prévus ou correspondant à ses besoins.
Nous avons interrogé M. Saillant sur la situation mondiale ; il a répondu que, s’il est vrai que les ventes ne sont pas là, cela ne signifie pas que la demande n’y est pas.
« Dans mes quatre concessions, je n’ai jamais signé autant de contrats de vente », a déclaré M. Saillant. « Par contre, pour ce qui est de mes livraisons, c’est autre chose. Si, avant la pandémie, le prix était peut-être le facteur le plus important, maintenant, c’est la date de livraison qui importe. »
Il a mentionné qu’il y a beaucoup de magasinage, les concessionnaires le savent, même au sein du même modèle ou de la même marque, et que de nombreux consommateurs ne sont pas sensibilisés à la façon dont le problème des semi-conducteurs affecte les concessions.
De nombreux consommateurs croient encore que, si un concessionnaire s’attend à livrer en quatre mois, ils peuvent se rendre à la prochaine concession à quelques kilomètres de là en pensant qu’elle livrera son véhicule en deux mois. Comme le note M. Saillant, ce n’est pas le cas.
Affaires automobiles a communiqué avec Susan Gubasta, présidente et chef de la Direction de Mississauga Toyota, pour avoir un portrait de la situation en Ontario. Offrant un aperçu général, elle a déclaré que, vers la fin de 2021, son terrain de concession et sa salle d’exposition étaient presque vides et qu’il n’y avait pas de véhicules en exposition.
« Il est très difficile de faire comprendre au consommateur les problèmes de la chaîne d’approvisionnement. C’est intéressant car j’ai eu une conversation avec un autre cadre qui m’a posé la question : les clients comprennent-ils ? Et je lui ai dit — non, ils ne comprennent pas », a déclaré Mme Gubasta. « Quand ils entrent à la concession et voient que notre salle d’exposition est vide, ils nous demandent ce qui se passe et où sont vos voitures. Et quand vous essayez de leur expliquer, ils pensent que vous mentez. »
Elle a dit que les concessionnaires ne peuvent pas toujours supposer que le consommateur sait ce qui se passe. Ainsi, lorsque Mme Gubasta a réussi à mettre la main sur quatre véhicules neufs, elle a décidé de les conserver dans sa salle d’exposition plutôt que de les vendre, afin que les consommateurs puissent s’y asseoir ou en faire un essai routier.
« Nous vivons et nous respirons dans un monde où il y a un problème de chaîne d’approvisionnement », a déclaré Mme Gubasta. « Cela dit, il y a des gens qui vaquent à leurs occupations quotidiennes, et jusqu’à ce qu’ils se mettent à chercher quelque chose de très précis, ils n’ont vraiment aucune idée de ce qu’ils voulaient. Nous avons donc perdu des clients. »
Elle a dit que beaucoup de contrats de vente ont été signés, mais qu’ils ont également des clients qui avaient un véhicule en commande depuis six mois et que la concession n’était pas en mesure de remplir la commande dans les délais prévus. Cela a amené le consommateur à penser que le concessionnaire mentait — que son véhicule avait peut-être été vendu à quelqu’un d’autre.
« Malheureusement, il n’y a pas que les concessionnaires qui en souffrent. Cela nuit aux marques ; maintenant, les clients regardent notre marque et pensent que nous ne leur disons pas la vérité, que nous ne faisons pas preuve de transparence. Ils vont ailleurs, et nous les avons perdus », a déclaré Mme Gubasta.
Sa concession a connu un bon parcours grâce à une demande supérieure à l’offre des usines Toyota, jusqu’en septembre 2021 environ, date à laquelle ç’a vraiment commencé à diminuer pour le constructeur.
Mme Gubasta a déclaré que l’important est de rester en contact avec le client et les employés, et de garder cette communication ouverte afin que tout le monde soit au courant de ce qui se passe.
C’est un élément dont Paul Williams, concessionnaire en titre de Centaur Subaru, à Calgary, en Alberta, a fait mention dans ses commentaires, ajoutant que tout se résume à assurer une communication cohérente avec votre personnel et à leur rappeler l’objectif final.
« Je constate que, quand le personnel s’engage davantage et fait un suivi auprès de ses clients, il s’implique davantage », a déclaré Paul Williams. « La chose la plus difficile, je pense, en travaillant avec certains membres du personnel, c’est qu’il y a beaucoup d’occasions d’affaires qui arrivent. Et quand je dis beaucoup d’occasions d’affaires, je dis aussi beaucoup d’appels téléphoniques. »
Il a dit qu’il y a beaucoup de consommateurs à la recherche d’un véhicule et que les employés des concessions doivent les éduquer sur la situation actuelle. Ils doivent leur faire savoir qu’ils seront ajoutés à la liste de commandes de véhicules, sans leur donner l’impression qu’ils ne sont qu’un simple numéro ou une affaire à conclure.
Williams a appelé cela une façon différente de faire des affaires, ce qui signifie moins de gratification instantanée pour le vendeur du véhicule, mais des bénéfices élevés par vente. Cependant, bien qu’il soit agréable d’avoir un profit brut aujourd’hui, lorsque le pendule bascule dans l’autre sens — soit des constructeurs qui envoient trop de véhicules à la fois, la situation peut ne pas être meilleure.
Mais pour l’instant et pour les six prochains mois, M. Williams a déclaré que les concessionnaires devront continuer à surveiller la situation, de la pénurie de semi-conducteurs aux problèmes de fabrication de pièces, en passant par les variants COVID et les restrictions connexes, et les défis imprévus comme les inondations survenues en Colombie-Britannique en 2021.
« Je ne pense pas que vous vouliez faire un plan pour les six prochains mois. Je pense vraiment que c’est une situation fluide », a déclaré M. Williams. « Les concessionnaires ont toujours été doués pour survivre et s’adapter à ces divers changements économiques. Je ne suis pas certains de ce qui se passera au cours des six prochains mois. »
Affaires automobiles continuera de surveiller la situation à mesure qu’elle progresse et de communiquer avec les concessionnaires pour discuter des méthodes utilisées pour traverser cette période sans précédent.
