Le sommet de la CADA a lancé le débat sur la Chine

Les constructeurs d’automobiles chinois lorgnent l’Amérique du Nord, mais les accords commerciaux rendent la navigation plus complexe.

Le Sommet CADA 2024 s’est révélé un événement qui a présenté à l’assistance des conférences fascinantes et instructives donnant les perspectives nouvelles et originales sur les principales tendances qui se dessinent dans notre industrie.

Étant donné que le secteur de l’automobile est en constante évolution et transformé par de nouvelles entreprises, des technologies ou des initiatives gouvernementales, il est d’une importance cruciale de s’engager sur ces sujets et de partager des idées.

La présentation de Michael Dunne, PDG de Dunne Insights, a précisément souligné ce besoin d’ouverture d’esprit, de réflexion prospective et stratégique. En soulignant l’incroyable croissance de ces constructeurs d’automobiles chinois axée sur les véhicules électriques, il a lancé les concessionnaires dans une discussion nécessaire sur le potentiel de ces entreprises à s’intégrer aux marchés nord-américains.

Les chiffres présentés par Michael Dunne sont stupéfiants et montrent à quel point la Chine est en avance par rapport au reste du monde en termes de nombre total de véhicules électriques exportés. À titre d’économiste, j’ai été extrêmement intrigué par ce sujet et j’ai pensé que nos lecteurs seraient intéressés par une analyse plus approfondie des mécanismes politiques qui régissent le marché des véhicules électriques.

La première question que je me suis posée était donc la suivante : quelle sera la complexité des interactions entre ces constructeurs d’automobiles chinois et les exigences de l’ACEUM ?

« Les chiffres présentés par Michael Dunne sont stupéfiants et montrent à quel point la Chine est en avance par rapport au reste du monde en termes de nombre total de véhicules électriques exportés. »

De toute évidence, si l’on considère le ton politique actuel des États-Unis, il sera beaucoup plus difficile d’entrer directement sur le marché américain pour les entreprises chinoises que pour les autres fabricants asiatiques. Par exemple, la volonté des consommateurs de s’impliquer dans les marques chinoises pourrait se révéler un obstacle majeur alors qu’elle fait l’objet d’une évaluation constante et approfondie de la part des législateurs canadiens et américains.

La question de l’ACEUM est un peu plus complexe. Lorsque les négociations pour l’accord ont commencé, de nombreux experts pensaient que la structure commerciale de l’industrie de l’automobile nord-américaine serait transformée pour s’aligner sur la campagne de Donald Trump et ainsi ramener des emplois manufacturiers aux États-Unis. Cependant, à mesure que les détails se réglaient, il est devenu très évident que L’ACEUM a été réorganisé pour accroître l’efficacité de l’industrie nord-américaine tout en gérant plus précisément les entreprises qui y ont accès.

En fait, en couplant des règles d’origine plus strictes (contenu en valeur régionale) avec les articles nouvellement ajoutés (contenu en valeur du travail) exigeant que 40 à 45 % du contenu automobile soit fabriqué par des travailleurs gagnant au moins 16 $/heure, ils ont créé un environnement dans lequel les fabricants exploitants ont beaucoup de difficultés à pénétrer, surtout en Amérique du Nord.1

L’ACEUM protège les chaînes de valeurs intégrées régionalement tout en préservant la plupart des avantages concurrentiels que se partagent les trois pays qui ont permis à cette industrie de prospérer au cours des 30 dernières années. À l’instar du Pacte de l’automobile de 1965, l’objectif de l’accord consiste à développer le secteur de l’automobile tout en le gardant nord-américain.

En d’autres termes, l’ACEUM reposait sur l’idée en vertu de laquelle les constructeurs étrangers étaient les bienvenus si la production d’automobiles sous-jacente était majoritairement régionale. Le problème de cette approche réside dans le fait qu’il n’existe aucun mécanisme intégré dans la loi qui permettrait aux signataires d’exercer une discrimination à l’égard d’une entreprise étrangère. De toute évidence, cela devient rapidement un casse-tête pour les décideurs et les fonctionnaires américains.

La transition vers un marché exclusivement composé de véhicules électriques est en bonne voie, ce qui exacerbe le besoin de plus de concurrence, de variété et d’inventaire. D’un autre côté, certaines entreprises américaines se sont déjà positionnées comme des leaders au cours de cette transition, tandis que les entreprises chinoises, considérées comme les autres acteurs majeurs du marché mondial des véhicules électriques, sont prêtes à rivaliser pour des parts de marché en Amérique du Nord – et l’ACEUM semble le permettre.

Les autorités mexicaines n’ont pas hésité à mentionner publiquement l’intérêt croissant des constructeurs d’automobiles chinois à investir au Mexique. À titre d’exemple, près de 400 millions d’investissements dans la fabrication d’automobiles chinoises ont été réalisés en 2023, soit une augmentation de 350 % depuis 2020. Dans le même temps, MG (fondée par SAIC Motor, un constructeur d’automobiles chinois détenu par l’État) a ouvertement mentionné qu’elle prévoyait investir 1 à 2 milliards de dollars dans la construction d’une usine au Mexique au cours des années à venir.2

Les exigences de l’ACEUM, bien qu’initialement perçues comme strictes, sont considérées par les entreprises chinoises comme une excellente option non seulement pour obtenir des capacités de fabrication plus proches de celles de la Chine, mais également pour échapper aux droits de douane de 27 % imposés par l’administration Trump.

Cette tendance du « Mexique comme intermédiaire » est déjà bien engagée. Outre les investissements susmentionnés, 18 des 33 fabricants chinois de pièces d’automobiles situés au Mexique exportaient vers les États-Unis dans le cadre de l’ACEUM.3

Même si une augmentation des investissements étrangers peut être considérée comme un bénéfice net pour l’économie mexicaine, les interactions avec les Américains devront être équilibrées et bien calculées. Les responsables publics américains surveillent la situation de près, et il semble que le gouvernement soit de
plus en plus inquiet.

Dans une lettre adressée à la représentante américaine au Commerce, Katherine Tai, quatre membres de la Chambre des représentants américaine ont demandé une nouvelle enquête sur les pratiques utilisées par la République populaire de Chine (RPC) pour développer et promouvoir son industrie de l’automobile (subventions, main-d’œuvre conditions, localisation, etc.)4

Même si l’utilisation par la Chine des mécanismes de l’ACEUM semble jusqu’à présent légitime, des tensions montent au sein de la sphère politique nord-américaine. Les gouvernements américain et mexicain ont même convenu d’introduire un contrôle des investissements étrangers comme niveau supplémentaire de protection de la sécurité dans la région.

Il sera intéressant de voir comment cette situation évoluera au cours des prochains mois, alors que le besoin de véhicules électriques (et bon marché !) continue d’être induit par les politiques américaines et canadiennes. Les dirigeants du gouvernement américain donneront sans aucun doute le ton à toutes les décisions prises par nos propres politiciens, et la direction choisie pourrait très bien être entachée de forts sentiments protectionnistes et anti-RPC.

« Cette tendance du Mexique comme intermédiaire est déjà bien engagée. »

Une chose est sûre, il faut s’attendre à ce que les discussions enflammées sur les règles d’origine reprennent entre les trois partenaires car, pour une fois, les enjeux pourraient aller au-delà de la simple performance économique – et tout le monde le sait.

RÉFÉRENCES:

1 Mathieu Arès & Charles Bernard, Make America Great Again: a new auto pact for the North American car industry? from NAFTA 2.0, pp.69, 2023.

2 Financial Times, US concern over Mexico attracting Chinese electric vehicle factories, 2023.

3 Mexico News Daily, As Chinese manufacturers set up shop near Mexico’s Tesla, the US is watching closely, 2023

4 Mexico News Daily, As Chinese manufacturers set up shop near Mexico’s Tesla, the US is watching closely, 2023

À propos de Charles Bernard

Charles Bernard est économiste en chef à la Corporation des associations de détaillants d’automobiles (CADA). Vous pouvez le joindre à l’adresse suivante : cbernard@cada.ca

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