Votre processus d’embauche doit-il être revu ?

PAR CARINA OCKEDAHL ET MARIE-EVE CÔTÉ

Les concessionnaires ont des problèmes avec les stratégies d’embauche et de rétention de personnel, et ce, même si l’industrie de l’automobile est en plein essor, et si la création d’emplois ne semble pas vouloir ralentir. Est-il possible qu’ils aient simplement besoin de modifier leurs méthodes ?

Le recrutement et la rétention de personnel demeurent un enjeu prioritaire pour les concessionnaires du Canada et des États-Unis parce qu’ils sont nombreux à ne pas avoir de processus appropriés, basés sur des données et des mesures, qui pourraient augmenter leurs chances de succès.

Pour être plus précis, le problème ne consiste pas à embaucher, mais bien plutôt à trouver, à embaucher et à fidéliser les bonnes personnes — surtout à un moment où les concessionnaires cherchent à économiser de l’argent plus judicieusement et à améliorer l’efficacité de leurs opérations, selon Adam Robinson, cofondateur et président et chef de la Direction d’Hireology, une société basée aux États-Unis qui offre une plateforme d’embauche et de gestion des talents tout-en- un pour les entreprises.

« Le côté personnel de l’entreprise de la plupart des concessionnaires est vraiment la dernière zone intacte dont ils peuvent tirer certains avantages comme faire en sorte que les gens vendent leurs voitures plus rapidement et qu’ils facturent des heures aux Opérations fixes », a déclaré M. Robinson dans une entrevue avec Affaires automobiles.

Mais pour y arriver, ils devront investir plus de temps et d’efforts dans leur processus, abandonnant la bonne vieille méthode de l’entrevue et de la poignée de main (pour ceux qui l’utilisent encore) et afficher des postes au tableau d’affichage.

Les spécialistes conseillent de créer une structure (et même d’introduire un processus de sélection) basée sur des données et des mesures qui permettront aux concessionnaires de prendre des décisions plus éclairées. Autrement, le concessionnaire concurrent, qui gère les choses de façon plus « numérique, intentionnelle et axée sur les processus » aura la première offre sur les meilleures personnes.

Les spécialistes déconseillent également de se précipiter et suggèrent plutôt aux concessionnaires de prendre le temps de trouver les bons candidats potentiels et de les inciter à postuler un emploi sur leur site web.

Prenez Mississauga Toyota, par exemple : l’entreprise a embauché Justina Wilson, 25 ans, qui avait peu ou pas d’expérience dans le secteur de l’automobile, ayant étudié en commerce à l’Université Queen’s, à Kingston, en Ontario. Mme Wilson est actuellement la spécialiste de l’image de marque et des Communications de la concession et travaille chez Mississauga Toyota depuis environ deux ans. Pour obtenir le travail, elle a dû passer par un processus en trois étapes.

La première entrevue lui a permis de rencontrer son directeur et un autre gestionnaire de la concession. La deuxième entrevue s’est déroulée en présence du concessionnaire en titre, du directeur hiérarchique et d’un directeur d’un autre service pour lui donner une perspective différente. Justina Wilson dit qu’ils ont posé des questions comportementales et situationnelles relatives à la position — un peu comme à Hireology, qui propose des questions comportementales rapides et faciles, en formule vrai ou faux, pour éliminer les candidats qui ne sont pas faits pour le travail. Au dernier tour, le directeur général a présenté l’offre à Mme Wilson et a regardé tous les détails avec elle.

« Les concessionnaires embauchent essentiellement en fonction de l’attitude et donnent une formation. Ils recherchaient une attitude positive au travail et se concentraient vraiment sur l’embauche et l’adaptation à la culture; bien sûr, ils donneront une formation pour le reste », explique Mme Wilson. « J’ai l’impression qu’ils regardent beaucoup les compétences transférables et ce que les gens ont dans leurs bagages, et pas du domaine de l’automobile. »

Mme Wilson est un bon exemple d’une jeune employée provenant de l’extérieur qui semble s’intégrer parfaitement dans l’environnement de la vente d’automobiles. Son expérience montre également qu’il est maintenant plus important que jamais de cibler les bonnes personnes pour travailler dans votre entreprise. Parce que même si l’industrie de la vente au détail d’automobiles continue d’évoluer et de prospérer, offrant plus de variété et des emplois mieux rémunérés, beaucoup de gens — en particulier ceux de la génération Y — ne sont toujours pas intéressés.

QUE VEUT LA GÉNÉRATION Y ?

Une étude menée par Hireology de concert avec Cox Automotive sur l’attitude des travailleurs vis-à-vis des emplois dans le secteur de l’automobile a révélé que seulement 1 % des personnes interrogées envisageraient une carrière dans l’industrie, mais que 35 % considéreraient la vente au détail, la finance ou l’hôtellerie. Adam Robinson dit que cette information suggère que le problème lui-même n’a rien à voir avec le recrutement — c’est un problème de marketing, de communications et d’éducation.

« Les concessionnaires doivent comprendre que leurs emplois sont un produit, et que leur bassin de main-d’oeuvre est un marché. Ce sont vos clients pour vos emplois », explique M. Robinson. « Vous devez penser à vos emplois en tant que produits et vous poser la question : est-ce que je vends un produit que veut mon marché ? » Il ajoute que « le marché veut un cheminement de carrière, une rémunération stable et une vie équilibrée. Il ne veut pas un plan de rémunération variable, des semaines de travail de quatre-vingts heures et un cheminement de carrière très sombre. »

C’est un sentiment partagé par de nombreuses personnes de la génération Y, dont Coralie Gosselin, 26 ans. Cette jeune conseillère aux Ventes chez Cadillac Laval, et mère d’un bambin de deux ans, a obtenu son diplôme en études internationales et en langues modernes à l’Université Laval, à Québec, en avril 2017. Elle a ensuite déménagé à Laval, au Québec pour travailler dans une concession en août dernier.

N’ayant aucune expérience dans le secteur de l’automobile, Mme Gosselin a dit qu’elle avait postulé à quelques endroits et qu’elle avait été convoquée pour une entrevue une journée après la présentation de son curriculum vitae. Elle dit que le processus d’embauche a été assez rapide, car le directeur voulait surtout savoir pourquoi elle voulait travailler aux Ventes et dans l’automobile. Mais faisant partie de l’équipe depuis environ neuf mois, Mme Gosselin trouve maintenant que c’est difficile, non seulement parce qu’elle a un jeune enfant à charge, mais aussi à cause de la concurrence.

« Ce qui est difficile dans la vente, c’est le côté émotivité. Des hauts et des bas », explique Mme Gosselin. « Vous ne savez jamais combien vous allez gagner ni si vous allez vendre. Vous ne pouvez pas vous empêcher de vous comparer à vos collègues, donc c’est émotivement un peu difficile à ce chapitre. Je pense que c’est ce qui fait que les gens démissionnent. Peutêtre veulent-ils plus de stabilité. »

Elle dit que, malgré ses difficultés, Cadillac Laval est un excellent endroit où travailler, et c’est pourquoi elle y travaille toujours. Cependant, elle conseille, lors de l’embauche, de souligner le fait que l’entreprise évolue rapidement et qu’elle est très dynamique. Les clients sont exigeants, les marges bénéficiaires sont serrées, et la concurrence est féroce. Il faut un certain type de personnes pour gérer tout cela.

Mme Gosselin se demande aussi si un salaire de base plus élevé aiderait à retenir davantage les employés dans une province comme le Québec où les conditions météorologiques ont été particulièrement mauvaises pendant les mois d’hiver, ce qui a entraîné une baisse des ventes et moins d’argent pour payer les dépenses.

M. Robinson, d’Hireology, dit qu’il voit l’industrie s’éloigner des plans basés sur des tirages ou des commissions très variables et adopter la façon dont le reste du monde fonctionne — soit le salaire de base.

Benjamin Brunelle et Jessica Boucher sont deux autres exemples de jeunes de la génération Y travaillant dans l’industrie de l’automobile. N’ayant aucune expérience dans le domaine, ils ont toutefois rapidement trouvé du travail et sans trop de difficultés. M. Brunelle, 25 ans, a étudié en arts et a tout bonnement atterri chez Vimont Toyota d’abord, et ensuite chez Lexus Laval, où il y travaille toujours comme représentant des ventes. Mme Boucher, 23 ans, est quant à elle directrice commerciale chez Cadillac Laval. Tout comme Benjamin, elle n’a pas étudié dans le domaine de l’automobile, outre lors d’une semaine de formation afin de devenir directrice commerciale, son objectif de départ. Tous les deux sont dans le domaine depuis peu et ont réussi à obtenir un emploi assez facilement, et ce, sans même avoir d’expérience. Mais, leur personnalité a compté pour beaucoup lors de l’entretien d’embauche, tout comme la communication, qui est primordiale, selon Benjamin. Il a aussi ajouté que la ponctualité, la facilité d’approche avec les clients et un style soigné sont également d’une grande importance.

Seront-ils en poste pour de nombreuses années ? Le doute est palpable… surtout que l’on sait que la génération Y ne reste jamais au même endroit très longtemps. Peut-être que ce sera dans le domaine de l’automobile, dans le secteur de la formation comme le mentionnait Mme Boucher, mais rien n’est certain. Toutefois, la souplesse, le salaire, le contact avec les gens et le dynamisme de l’industrie semblent être des points appréciés par ces jeunes.

L’industrie devra donc rester alerte pour continuer de trouver des jeunes qui veulent travailler dans le domaine. La campagne Auto Career Start arrive à point, et ce projet de la CADA semble tout désigné pour aider les concessionnaires à trouver les employés dont ils ont besoin.

DÉPENSES D’EXPLOITATION

Que vous trouviez de nouveaux talents sur des sites d’emploi ou ailleurs, Scott Brinkman, vice-président, Produits, chez Hireology, vous conseille également de prendre le temps de revoir vos dépenses d’exploitation pour voir la majorité de vos coûts — dont vos dépenses en ressources humaines.

« C’est une industrie de franchisés. Vous ne contrôlez pas le marketing, vous ne contrôlez pas l’image de marque, vous ne contrôlez pas le produit — c’est le même modèle dans différentes concessions. Mais ce que vous contrôlez, c’est votre personnel », explique M. Brinkman. « C’est le seul levier que vous pouvez vraiment utiliser pour créer une expérience client différenciée dans votre concession. »

En ce qui concerne les frais liés au recrutement, M. Brinkman dit qu’il voit en moyenne 2 000 $ de dépenses par mois aux États-Unis pour des offres d’emploi. Il recommande de faire un budget, puis de suivre et de centraliser les dépenses. « Ne laissez pas les gens faire n’importe quoi », dit M. Brinkman. « Et quand vous dépensez, posez-vous cette question très raisonnable : qu’est-ce que j’ai obtenu pour cela ? »

Selon son expérience, 99 % des personnes interrogées sont incapables de lui dire ce qu’elles dépensent aujourd’hui. En outre, il dit que personne n’est capable de lui dire ce qu’il obtient pour l’argent qu’il dépense.

Son meilleur conseil aux concessionnaires ? Commencez à mesurer !

UNE SOLUTION CANADIENNE

D’ici là, les jeunes auront peut-être besoin qu’on les pousse pour qu’ils se sentent séduits par ce que le secteur de l’automobile a à offrir en termes d’emplois. Au Canada, la Corporation des associations de détaillants d’automobiles (CADA) et les associations provinciales de concessionnaires s’occupent de ce problème avec leur campagne nationale intitulée « Auto Career Start ». L’initiative, dont le lancement officiel est prévu en juin 2018, vise à atteindre les employés potentiels par l’entremise de sites d’emplois et autres, dans le but d’attirer des personnes plus qualifiées et diversifiées dans l’industrie tout en en faisant la promotion.

«Nous avons fait un sondage au début de l’année sur les gens de la génération Y; comme prévu, les résultats démontrent que près de 70 % d’entre eux ne considèrent pas le secteur de l’automobile comme un choix de carrière auquel ils aspirent », a déclaré Barbara Barrett, porte-parole d’Auto Career Start. Elle dit que la campagne répond à la nécessité de combler les postes nouveaux qui sont le résultat d’une industrie en pleine croissance.

Leur objectif est d’éduquer les jeunes sur les occasions d’affaires dans le secteur de l’automobile — pas seulement en ventes et en service, mais aussi en informatique, en marketing et en médias sociaux, entre autres. Ils cherchent à faire passer le mot qu’il existe d’énormes occasions dans ce domaine. « Auto Career Start est une campagne nationale avec un portail d’emplois pour plus de 3 200 concessionnaires dans tout le pays pour répondre à ce besoin », a déclaré M. Barrett.

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