Changer d’idée après avoir embauché : $$$$

Une décision précipitée n’est pas toujours payante

À titre d’employeur, il peut arriver que vous soyez séduit par une personne présentant sa candidature pour un poste au sein de votre entreprise.

Le candidat est à l’emploi d’un autre employeur et vous signale être en mesure de répondre aux exigences du poste, souhaitant, de plus, vouloir relever de nouveaux défis.

Des discussions s’amorcent alors sous forme de rencontres additionnelles et/ou d’échanges de courriels. Des négociations interviennent entre les parties, entre autres, quant à la rémunération.

Vous décidez enfin d’embaucher le candidat et convenez de la rémunération, des tâches et de la date d’entrée en fonction, le tout, par écrit ou verbalement.

Ce faisant, le candidat postulant remet sa démission à son employeur actuel en lui donnant un préavis, à titre d’exemple, de 2 ou de 3 semaines.

Pris d’un vent de panique, vous réalisez ultérieurement avoir pris une mauvaise décision et vous communiquez avec le candidat pour l’informer qu’il a un profil intéressant, mais qu’il n’est finalement pas embauché, et qu’il n’est pas nécessaire de se présenter au travail. Estomaqué, le candidat vous dit que cette situation est inacceptable, et que vous ferez l’objet de poursuites judiciaires.

Qu’en est-il exactement ?

Dans une affaire récente*, le tribunal a condamné un employeur à payer la somme de 10 000 $ à une employée considérant qu’un contrat verbal de travail est intervenu, et que l’employeur n’avait pas permis à l’employée d’exécuter sa prestation de travail. Les faits peuvent se résumer comme suit :

L’employée travaille pour une firme de consultants en marketing et manifeste son intérêt pour travailler pour une entreprise qui œuvre dans l’organisation d’événements. La candidate postulante remet à son éventuel employeur un document décrivant les responsabilités qu’elle pourrait avoir dans le cadre de son nouvel emploi. Des discussions s’ensuivent. Elle visite par la suite les locaux de son éventuel employeur en compagnie des représentants de l’entreprise. Ensemble, ils discutent des conditions de travail, s’entendent sur un salaire de 35 000 $ et conviennent de préparer un document écrit pour sa date d’entrée en fonction.

Convaincue qu’une entente est conclue, l’employée remet sa démission à son employeur actuel. Ce dernier informe l’employée qu’elle peut quitter après deux semaines de préavis. Effectivement, l’employé termine son ancien emploi. Elle en profite pour prendre ses vacances. Avant son entrée en fonction, l’employée reçoit un appel de son nouvel employeur qui lui annonce que son salaire devra être révisé temporairement à la baisse et qu’il sera réévalué dans six mois.

L’employée, bien que secouée, comprend que c’est temporaire et avise son nouvel employeur de son accord. Dans l’intervalle, l’employée procède, avec sa sœur, à l’achat d’une maison. Par la suite, elle reçoit un appel de son nouvel employeur pour l’informer qu’il n’y a pas de poste pour elle par suite d’une restructuration.

Son nouvel employeur lui reproche également d’avoir précédemment donné sa démission. L’employée rétorque qu’elle n’aurait jamais démissionné sans être certaine d’avoir un nouvel emploi et transmet par la suite une mise en demeure à son employeur lui réclamant la somme de 50 000 $.

La cour

Le tribunal a effectivement statué qu’un contrat verbal de travail était intervenu entre les parties, et que l’employeur avait contrevenu à son obligation en refusant à la salariée d’exécuter sa prestation de travail.

Selon la Cour, le comportement des parties confirme l’existence d’un contrat de travail considérant, entre autres, l’accord sur des considérations essentielles, soit : les tâches, la rémunération et la date d’entrée en fonction. La démission préalable de l’employée confirme également le contrat de travail entre les parties même si celui-ci a été conclu verbalement.

Pour la Cour, l’employeur n’avait aucune raison de résilier unilatéralement le contrat de l’employée sans préavis.

Compte tenu que l’employée s’est retrouvée sans emploi pendant 7 semaines, de sa difficulté à trouver un poste équivalent à celui que lui avait consenti son nouvel employeur, de la manière cavalière, inéquitable même, dont l’employée a été traitée par son nouvel employeur, le tribunal a fixé à 10 000 $ l’indemnité à accorder à l’employée au titre du préavis.

Conclusion

Bien que vous soyez enchanté par un nouveau candidat postulant, il est préférable de ne pas procéder à la hâte avant de l’embaucher et de vous accorder un certain délai de réflexion avant de prendre votre décision. Si, malgré tout, vous avez pris une décision que vous regrettez, il vaut définitivement mieux faire travailler l’employé pendant un certain temps, quitte à lui donner une période de probation à laquelle il sera assujetti. À la fin ou au cours de cette période de probation, si l’employé ne vous satisfait toujours pas, vous pourrez alors mettre fin à son emploi en précisant sur son relevé d’emploi qu’il ne satisfait pas aux exigences de la concession.

Prenez note que le caractère raisonnable d’un délai de préavis est une question de fait qui varie selon les circonstances propres à chaque situation. À titre d’exemple, si l’employé possède plusieurs années de service avec son précédent employeur, et que c’est vous qui le sollicitez dans son emploi pour aller travailler à votre établissement, le tribunal tiendra compte de ce fait dans le calcul du préavis, ce qui aura nécessairement pour effet d’augmenter le montant du préavis que vous devrez consentir à votre employé pour mettre fin à son emploi.

Comme quoi une décision précipitée n’est pas toujours payante…

* Gagné c. Staf inc. [2012 QCCQ 1482] – Décision du 28 février rendue par l’honorable Anne Laberge dans l’affaire de la Cour du Québec – 200-22-056280-100.

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