Pendant longtemps, les ateliers de carrosserie ont été relégués à la marge de l’écosystème automobile. Jugés trop coûteux à moderniser, trop complexes à gérer et trop éloignés de l’activité principale des concessions, ils ont souvent été négligés. Mais cette perception est en train de changer, discrètement mais résolument. Aujourd’hui, la carrosserie s’impose comme un levier stratégique pour les groupes de concessions qui souhaitent renforcer leur rentabilité, fidéliser leur clientèle et reprendre la main sur l’expérience après-vente. Cette transformation coïncide d’ailleurs avec une autre tendance : un nombre croissant d’ateliers indépendants cherchent activement des repreneurs.
Une industrie à un moment charnière
Ce tournant n’a rien de fortuit. Le portrait 2025 de l’industrie de la carrosserie montre des centaines de propriétaires qui approchent de la retraite, souvent sans relève. Après plusieurs décennies à la tête de leur entreprise, ces entrepreneurs souhaitent passer le flambeau — mais dans un marché fragmenté, les repreneurs sérieux se font rares. Pour eux, vendre à un groupe de concessions structuré et reconnu représente bien plus qu’une transaction financière : c’est une manière de garantir la continuité et de respecter l’héritage de leur entreprise.
Pourquoi les concessionnaires hésitent et pourquoi devraient-ils reconsidérer ?
Du point de vue des concessionnaires, acquérir un atelier de carrosserie peut sembler, à première vue, contre-intuitif. Pourquoi ajouter une couche d’opérations supplémentaires dans un environnement déjà exigeant ? La réponse est pourtant simple : quand il est bien intégré, un atelier de carrosserie peut devenir un puissant moteur de valeur. Il permet de réduire les délais de réparation, ce qui améliore directement la satisfaction client, tant au Service qu’aux Ventes. Il permet aussi de rapatrier les travaux d’assurance souvent envoyés à l’externe et de récupérer ainsi une marge historiquement sous-estimée. Enfin, il facilite le reconditionnement esthétique des véhicules d’occasion — un facteur clé dans un contexte où les marges sur les véhicules neufs continuent de diminuer.
Des solutions financières à portée de la main
Les considérations financières freinent souvent l’élan, mais des solutions existent. De nombreux vendeurs sont ouverts à des ententes d’achat progressives, avec paiements échelonnés sur deux ou trois ans, conditionnés à la performance. D’autres acceptent de rester quelques années à la gestion pour faciliter la transition et maintenir le savoir-faire. Par ailleurs, les institutions financières, conscientes de la stabilité du secteur, sont souvent prêtes à financer ces acquisitions sur la base des flux futurs, en particulier quand le projet est porté par un groupe de concessions solide.
Bien plus qu’une opération comptable
L’intégration d’un atelier ne se résume pas à une opération financière. Elle touche aussi à la culture d’entreprise, à la gestion humaine et à la stratégie à long terme. Les transitions les plus réussies sont celles où l’équipe en place est valorisée, où les processus sont alignés avec ceux de la concession, et où les investissements nécessaires sont faits pour moderniser les équipements. Certaines concessions choisissent même d’unifier la marque de carrosserie avec leur enseigne principale et d’offrir ainsi une expérience client fluide et cohérente. Quand elle est faite avec soin et centrée sur l’humain, l’intégration est une véritable réussite.
Un exemple concret et inspirant
Les résultats d’une telle approche sont déjà visibles sur le terrain. En 2023, un groupe multimarque de Québec a acquis un atelier de carrosserie indépendant situé à seulement deux kilomètres de sa concession principale. Moins de 18 mois plus tard, l’atelier avait doublé son chiffre d’affaires. Cette acquisition a permis d’élargir l’offre de services, d’améliorer la fidélité des clients et d’inclure des forfaits esthétiques améliorés avec chaque vente de véhicule. Les clients du Service profitent désormais de délais de réparation plus courts pour les dommages mineurs, ce qui renforce encore l’expérience après-vente.
Un marché en pleine consolidation : une occasion à saisir
En arrière-plan, l’industrie de la carrosserie vit une restructuration discrète mais profonde. Des consolidateurs spécialisés, souvent venus des États-Unis, manifestent un intérêt croissant pour les ateliers performants au Canada. Le risque, pour les groupes de concessions, serait de rester spectateurs pendant que d’autres prennent une longueur d’avance. Car au-delà du revenu, c’est aussi un avantage concurrentiel précieux qui risque de tomber entre les mains du premier venu.
Une expérience client qui ne s’arrête pas à la vente
Investir dans la carrosserie n’est pas un retour en arrière : c’est au contraire une décision tournée vers l’avenir. Cela reflète une compréhension fine du parcours client, un parcours qui ne s’arrête ni à la vente, ni à l’entretien mécanique. Chaque accrochage, chaque bris, chaque retouche est une occasion de prouver sa fiabilité et de renforcer la relation client. Et dans un marché où la fidélité se gagne au quotidien, ces moments peuvent faire toute la différence.
Le moment d’agir est maintenant
Dans tout le pays, des dizaines d’ateliers cherchent actuellement des repreneurs. Pour les groupes de concessions prêts à élargir leur champ d’action, le moment est venu de considérer sérieusement ce segment souvent négligé. Avec les bonnes conditions, une vision claire et une approche humaine, la carrosserie pourrait bien devenir le meilleur investissement auquel on n’avait pas encore pensé, mais qu’on aurait tout intérêt à faire.
