
Le gouvernement canadien suspendra bientôt indéfiniment les incitatifs disponibles à l’achat de véhicules zéro émission (VZE) parce que le programme n’a presque plus d’argent.
Transports Canada a annoncé jeudi qu’il ne restait plus que 71 817 104 $ dans les coffres du Programme d’incitatifs pour les véhicules zéro émission (iVZE), ce qui couvre environ 16 000 VZE. Le gouvernement offre jusqu’à 5 000 $ à l’achat d’un véhicule électrique et a pour objectif que 20 % de tous les véhicules neufs vendus en 2026 soient des VE. Le programme iVZE devait prendre fin le 31 mars 2025 ou à l’épuisement complet de ses fonds.
L’annonce indique qu’une fois les coffres vides, le programme sera suspendu et les Canadiens ne pourront plus profiter d’incitatifs à l’achat ou à la location de véhicules neufs admissibles par l’intermédiaire du programme iVZE. D’ici là, selon le communiqué, les concessions et détaillants autorisés peuvent continuer de soumettre des demandes comme d’habitude, et ce, jusqu’à nouvel ordre.
Il s’agit de la plus récente mesure financière d’un ensemble de décisions annoncées au pays qui aura des retombées sur les ventes de véhicules électriques. À la surprise générale, le gouvernement du Québec a annoncé à la mi-décembre qu’il suspendait son programme d’incitatifs, qui couvrait en outre les bornes de recharge de VE et leur installation, de février jusqu’à la fin mars.
En Colombie-Britannique, les concessionnaires subissent les contrecoups de la décision du gouvernement provincial de réduire son incitatif à l’achat de VE neufs financé par B.C. Hydro de 55 000 $ à 50 000 $. Les ventes de VE ont baissé d’environ 66 % entre août et décembre 2024 par rapport à la même période l’année précédente.
Le milieu automobile canadien n’a pas tardé à exprimer son inquiétude quant au choix du gouvernement fédéral. Au dire de Tim Reuss, président et chef de la direction de la Corporation des associations de détaillants d’automobiles, la décision est « particulièrement frustrante pour les concessionnaires qui ont investi dans l’infrastructure et les ressources » nécessaires pour appuyer la transition aux VE.
« Les gouvernements fédéral et provinciaux se retirent maintenant d’un processus difficile et coûteux qu’ils ont eux-mêmes mis en place », a dit M. Reuss. « Il est évidemment hypocrite pour le gouvernement d’imposer des objectifs ambitieux en matière de VZE et des pénalités à l’industrie et aux consommateurs alors que sa motivation et son soutien envers l’atteinte de ces buts font défaut. »
Il a ajouté que l’annonce mettait en lumière un manque troublant de préparation et de prévoyance.
« En omettant de réserver des fonds suffisants pour une transition qu’il encourage activement, le gouvernement fédéral a créé de l’incertitude pour les consommateurs et l’industrie automobile », a dit M. Reuss. « Mettre abruptement fin à une initiative aussi cruciale pour les VZE tout en maintenant les objectifs ambitieux pour 2025 et 2030 passe un message contradictoire et déstabilisant. »
M. Reuss a dit que la CADA exhorte le gouvernement fédéral à combler ce manque à gagner immédiatement et à mettre en place une stratégie à long terme sérieuse pour soutenir l’adoption des VZE.
« L’atteinte des objectifs climatiques du Canada exige des engagements durables et fiables — et non des mesures sporadiques et réactionnaires », a dit M. Reuss.
Flavio Volpe, président de l’Association des fabricants de pièces d’automobiles du Canada, a dit à Affaires automobiles qu’il est « malheureux » que le programme ait dépensé la majeure partie de ses fonds sur des véhicules Tesla importés de la Chine plutôt que sur le soutien et le développement de la chaîne de production et d’approvisionnement locale.
« Des groupes de fanatiques se faisant passer pour des défenseurs de l’industrie ont convaincu le ministre de l’Environnement que le pays d’origine était sans importance, même si nous l’avions prévenu haut et fort que les objectifs de la Chine n’étaient pas louables », a dit M. Volpe. « Nous sommes impatients de recentrer les politiques industrielles sur les VE pour l’avenir. »
David Adams, président des Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada, a qualifié la nouvelle de décevante, en particulier à la suite des décisions des gouvernements du Québec et de la Colombie-Britannique.
« Elle n’améliorera certainement pas les chances d’adoption des VE », a dit M. Adams.
Il a ajouté que le gouvernement fédéral devrait pouvoir fournir la date d’échéance exacte du programme pour aider les consommateurs, les concessionnaires et les constructeurs.
« À mon avis, c’est un peu malhonnête de dire que le programme est suspendu », a dit M. Adams. « En réalité, il ne semble pas qu’il sera refinancé de sitôt. Le gouvernement sera de retour après la prorogation et, de ce que laissent entendre les médias, on procédera ensuite à un vote de confiance, le gouvernement va tomber, il y aura des élections et les conservateurs vont l’emporter. Il est possible que le gouvernement revienne sur sa décision, mais il a établi plutôt clairement qu’il n’a pas l’intention d’offrir les incitatifs qui, en particulier dans le contexte de l’engourdissement des ventes des derniers mois, seront essentiels pour que les consommateurs continuent d’acheter ces véhicules. »
Daniel Ross, directeur principal, données sectorielles, de Canadian Black Book, dit s’attendre à ce que les VE neufs représentent de 12 % à 14 % des véhicules vendus en 2024, par rapport à 10,8 % en 2023.
M. Ross s’est dit surpris de la décision du fédéral, étant donné que le programme devait passer par un processus de renouvellement en mars.
« Les demandes augmentaient vers la fin de l’année », a dit M. Ross, qui croit que la décision du fédéral a été influencée par celle du Québec, qui a suspendu son programme pendant deux mois. « Cela mettra certainement un frein aux ventes de VE au premier trimestre de 2025 au Canada. Ce sera mauvais pour l’adoption des VE d’ici à ce qu’on sache ce qui va se passer avec le processus de renouvellement. »
Au dire de Brian Kingston, président et chef de la direction de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, la pause du programme iVZE de Transports Canada fera baisser considérablement les ventes de VZE au Canada.
« En même temps, le ralentissement de la construction de l’infrastructure de recharge publique nuit déjà à la progression de l’électrification », a ajouté M. Kingston. « En raison de ces développements, les mandats de ventes de VZE du gouvernement fédéral semblent de plus en plus irréalistes. Le gouvernement fédéral doit procéder à un examen urgent de la norme sur la disponibilité des véhicules électriques du Canada pour évaluer sa faisabilité. »
Mobilité électrique Canada (MEC) a dit ne pas appuyer cette décision, qui, à son avis, met en péril l’atteinte de la cible de 20 % qu’on était en voie de rejoindre, voire de dépasser.
« Récemment, MEC a fait une série de recommandations au gouvernement fédéral pour que davantage de Canadiens aient accès au programme iVZE pendant une période plus longue », a dit Daniel Breton, président-directeur général de Mobilité électrique Canada, dans un communiqué de presse. « Aujourd’hui, au lieu d’un programme gérable et prévisible, les Canadiens qui souhaitent passer à la mobilité électrique n’ont que très peu de temps pour profiter des rabais, ce qui est exactement le contraire d’un programme prévisible et durable pour les consommateurs et l’industrie. Nous espérons que le gouvernement envisagera de renouveler le programme dans des conditions nouvelles et plus durables pour tous les Canadiens, comme nous l’avons proposé. »
Il a aussi affirmé que la décision de la province de suspendre le programme d’incitatifs « perturbait vraiment » le marché québécois.
« Pendant deux mois, les ventes vont pratiquement cesser », a dit M. Breton.







