La guerre commerciale fera grimper les prix

Prédire l’impact des politiques commerciales sur les concessions d’automobiles ne relève pas de la science.

La valse des tarifs commerciaux en Amérique du Nord représente pour l’industrie de l’automobile une situation très difficile où l’inconnu, l’insécurité et l’incertitude sont les seuls facteurs tangibles avec lesquels il faudra composer.

Qu’il s’agisse des personnes directement engagées dans la production de pièces et de véhicules ou du personnel des concessions, chacun essaie de comprendre les effets économiques que ces droits de douane auraient s’ils étaient imposés et maintenus en vigueur. 

Les concessionnaires d’automobiles canadiens peinent eux-mêmes à répondre à cette question, car la géométrie de ces retombées économiques est très variable et dépend de la marque, de l’emplacement et de l’état actuel de l’industrie.

Une approche qui facilite la compréhension de cet imbroglio consiste toutefois à segmenter la chronologie et à comparer les effets à court terme de ces éventuels droits de douane sur les activités des concessions ou, du moins, à en souligner les différences. 

Si les droits de douane américains et les mesures de représailles canadiennes sont appliqués au début de mars, les retombées économiques suivantes seront expliquées différemment si elles sont imposées une semaine, quelques mois ou, même, un an après leur entrée en vigueur.

À court terme, il y aura évidemment une constance : le prix des véhicules neufs livrés dans les concessions sera plus élevé. Expliqué à maintes reprises dans les médias, un marché de l’automobile nord-américain hautement intégré signifie que les intrants de production et les extrants (c’est-à-dire les produits finis) peuvent librement traverser la frontière pour bénéficier des avantages comparatifs de chaque pays ou pour répondre à la demande des consommateurs du pays.

Il s’agit là non seulement du principe fondamental qui sous-tend les accords commerciaux préférentiels, mais c’est aussi un élément qui a été confirmé dans l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC) pour l’industrie de l’automobile, où les nouvelles règles d’origine et la teneur en main-d’œuvre ont motivé les entreprises à l’extérieur de l’Amérique du Nord à accroître leurs capacités de production régionale.

L’ajout des droits de douane de 25 % sur les intrants de production, et enfin sur le véhicule fini, aura un effet direct sur la hausse du prix des véhicules, ce qui aggrave ainsi une situation par ailleurs déjà pénible. 

Pour ce qui est du service à la clientèle, les concessions d’automobiles devront trouver un équilibre délicat avec leurs clients, l’objectif étant, comme d’habitude, de leur fournir le bon produit tout en les aidant à gérer tous les enjeux liés à la hausse soutenue des prix (tant des véhicules neufs que d’occasion), aux éventuelles pénuries des stocks et au cynisme face à la politique. 

Ce difficile écosystème de vente au détail pourrait se matérialiser assez rapidement si la situation de guerre commerciale n’est pas rapidement résolue, mais certaines concessions seront à l’abri – pendant un certain temps – car les stocks se sont accumulés ces derniers mois. 

Cela est très variable, mais il est possible que certains consommateurs décident de devancer leur achat pour essayer de profiter des stocks vieillissants à un prix plus abordable. 

Les perspectives à long terme de la vente au détail, bien qu’elles soient évidemment plus spéculatives, sont plus inquiétantes car elles seraient le résultat de changements structurels majeurs dans l’industrie de l’automobile en Amérique du Nord. 

Si les hausses de prix engendrés par les droits de douane peuvent être absorbées à court terme, il est beaucoup plus difficile de le faire quand elles sont provoquées par le ralentissement de la production de véhicules et de pièces.

Autrement dit, si ces droits de douane sont maintenus pendant une période prolongée, de nombreuses entreprises, y compris les constructeurs d’automobiles, devront prendre des décisions difficiles. 

Si une récession économique se concrétise, on peut supposer à juste titre que la demande des consommateurs sera neutralisée et considérablement réduite, sabrant de ce fait dans les revenus des concessionnaires d’automobiles et menaçant la stabilité de l’emploi. 

En fait, la stabilité et la croissance de l’emploi ont été des éléments fondamentaux du secteur de la vente au détail de véhicules ces dernières années, les niveaux d’emploi actuels étant presque identiques aux niveaux antérieurs à la pandémie. 

De surcroît, la demande contractuelle pourrait encore être difficile à satisfaire si les niveaux globaux de production sont réduits. Certaines entreprises pourraient devoir donner la priorité à certains modèles, segments ou marchés généraux. 

Comme ç’a été le cas pendant la période de pandémie de COVID-19, les concessionnaires d’automobiles canadiens pourraient faire face à une offre très limitée en termes de quantité et de diversité, ce qui maintiendrait les prix des véhicules à un niveau peu accessible pour des consommateurs déjà en difficulté.

Cette dynamique particulière est l’une des principales raisons pour lesquelles le secteur de la vente au détail de véhicules s’est récemment fait entendre pour réclamer l’abrogation des mandats fédéraux actuels en matière de véhicules électriques. 

Dans un environnement où le nombre de véhicules électriques produits pourrait être réduit en raison de l’incertitude économique et du désengagement politique américain, ce serait un non-sens d’avoir une politique qui pousse les consommateurs et les détaillants à atteindre artificiellement des objectifs sur ce marché précis. 

Si cette guerre commerciale éclate, et que le Canada traverse une période économique éprouvante, il est primordial que nos gouvernements fédéral et provinciaux ciblent et éliminent tous les obstacles inutiles qui limitent la capacité des petites entreprises à faire preuve de souplesse ou qui affaiblissent le pouvoir d’achat des consommateurs.

Étant donné que les concessionnaires d’automobiles risquent d’être aux prises avec à d’énormes défis à long terme, nous pouvons nous attendre à ce que les représentants de notre industrie continuent à sensibiliser les dirigeants politiques aux nuances, à la complexité et à la fragilité de l’écosystème qui définit cet important secteur de l’économie canadienne.

À propos de Charles Bernard

Charles Bernard est économiste en chef à la Corporation des associations de détaillants d’automobiles (CADA). Vous pouvez le joindre à l’adresse suivante : cbernard@cada.ca

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