Le virage électrique : l’éléphant dans la pièce

Le Canada doit surveiller avec intérêt les élections aux États-Unis, car elles pourraient avoir des répercussions sur le rythme et l’orientation de nos politiques en matière de véhicule électrique.

Même s’il ne fait aucun doute que les discussions politiques au Canada sont centrées, pour la plupart, sur les perspectives d’élections fédérales à venir, il y a beaucoup à gagner en prêtant une plus grande attention à ce qui se passera aux États-Unis au cours des prochains mois — et plus particulièrement pour les concessionnaires d’automobiles.

En effet, le processus électoral américain a officiellement démarré avec l’Iowa et d’autres caucus républicains. Ce travail de longue haleine, qui sera sûrement ponctué de grandes annonces et de méchancetés partisanes, culminera le 5 novembre 2024 une fois qu’un nouveau président aura été choisi.

L’importance de ce résultat pour les consommateurs et les propriétaires d’entreprises canadiens est plus nuancée, détaillée et complexe que le fait traditionnel et souvent répété selon lequel les relations commerciales avec les Américains sont essentielles à la survie de notre propre économie.

En réalité, de la même manière qu’un chef d’orchestre compétent donne le tempo à ses musiciens, le président et le Congrès ont la capacité de dicter le rythme auquel les politiques et les réglementations sont déployées — ou même annulées — dans toute l’Amérique du Nord.

Que ce soit par l’entremise d’accords de libre-échange, de réglementations environnementales ou de politiques d’innovation, le gouvernement américain peut silencieusement forcer ses partenaires économiques à prendre certaines décisions qui favoriseraient un alignement et une coordination avec ses politiques.

« Cela a des implications majeures pour les concessionnaires d’automobiles canadiens, car certains sujets spécifiques liés à leurs activités deviennent rapidement des champs de bataille politiques, tant entre les partis qu’à l’interne. »

Cela a des implications majeures pour les concessionnaires d’automobiles canadiens, car certains sujets spécifiques liés à leurs activités deviennent rapidement des champs de bataille politiques, tant entre les partis qu’à l’interne.

Traditionnellement, quand une question fait l’objet d’un examen minutieux, cela tend à diviser les acteurs politiques et les pousse à adopter des arguments qui leur sont propres et qui entrent en résonance avec leur propre base électorale.

Cela génère une foule de positions, le plus souvent insuffisamment étoffées, qui aboutissant ainsi à un débat public qui manque de substance, qui favorise des déclarations faciles et bon marché, alors que la situation globale est beaucoup plus difficile à prévoir et plus volatile.

C’est ce qu’on commence à voir avec le débat sur les véhicules électriques aux États-Unis.

Au cours de ce processus au cours duquel plusieurs États travaillé à la mise en œuvre d’un mandat VÉ, des personnalités politiques majeures sont intervenues avec leurs propres idées pour tenter de générer une dynamique électorale.

L’effet d’entraînement potentiel d’une nouvelle orientation américaine sur les véhicules électriques pour l’industrie canadienne de la vente au détail d’automobiles sont très importants : le succès de la mise en œuvre des mandats fédéraux sur les véhicules électriques au Canada dépend fortement d’un alignement approprié avec la politique américaine.

Plus il devient difficile de prédire où les États et le gouvernement américain s’orienteront avec ces mandats, plus il sera difficile pour les constructeurs et les concessionnaires d’automobiles du Canada de planifier cette importante transition du marché.

La récente implication de l’ancien président Donald Trump dans ce débat est un nouvel exemple de la manière dont la transition verte est déjà, et sera de plus en plus, un sujet de bataille lors des prochaines élections.

En déclarant que les véhicules électriques « ne vont pas loin et coûtent une fortune », Donald Trump s’est clairement positionné en opposition aux orientations politiques de plus en plus répandues dans le monde.

D’un autre côté, les conseillers du président Joe Biden ont affirmé que les commentaires de Donald Trump fournissaient peu ou pas de contexte aux consommateurs américains confrontés à ces décisions financières importantes. Ils ont également souligné que cette transition générerait des niveaux historiques d’emplois dans le secteur des l’automobile aux États-Unis et que c’était la faute de Donald Trump si la Chine avait dépassé les États-Unis sur le marché des véhicules électriques.

Les étages du Capitole ont également vu des débats enflammés à ce sujet. Au début de décembre, une proposition de règlement de l’EPA (Environmental Protection Agency), qui exigeait que 67 % des véhicules neufs vendus soient électriques d’ici 2032, a été contestée par un projet de loi adopté par la Chambre avec un large soutien de tous les partis.

Une chose est sûre, la table est mise pour que la discussion sur les véhicules électriques devienne un sujet clé pour les deux partis lors des prochaines élections.

Même si ces jeux politiques peuvent sembler sans rapport avec les concessionnaires d’automobiles canadiens, il ne fait aucun doute que tout changement dans la politique américaine aurait un effet direct sur la façon dont nos propres politiciens interagissent dans ce dossier.

Il sera important et extrêmement instructif de suivre l’évolution de ce débat dans le Sud : si le sujet devient incendiaire à Washington, il pourrait très bien devenir — comme il se doit — la prochaine grande affaire à Ottawa.

About Charles Bernard

Charles Bernard est économiste en chef à la Corporation des associations de détaillants d’automobiles (CADA). Vous pouvez le joindre à l’adresse suivante : cbernard@cada.ca

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