Sommes-nous confrontés à une « inflation automobile » ?

Les prix des véhicules ont augmenté plus que ceux de nombreux biens de consommation, mais l’écart n’est pas aussi important que vous pourriez le penser.

En parcourant le Salon international de l’automobile du Canada, quelque chose m’a frappé : les prix des véhicules exposés. 

Les commentaires sur l’abordabilité de l’achat d’une voiture ne manquent pas ces derniers temps, mais je me suis demandé si la situation était vraiment aussi grave que certains le disent. La hausse des prix des véhicules est-elle un phénomène légitime ou simplement le résultat de l’inflation générale qui touche tous les biens de consommation ? Comment la mesurer ?

J’ai passé beaucoup de temps au sein de l’industrie de l’automobile, dont environ la moitié chez des fabricants d’équipement d’origine, et j’ai une expérience directe de l’établissement des prix des véhicules. Ce n’est pas une tâche facile. 

Fixer le prix d’un véhicule implique de trouver un équilibre délicat entre les objectifs financiers du fabricant d’équipement d’origine et le maintien d’un prix suffisamment attractif pour attirer les consommateurs dans les concessions. 

Il y a longtemps, j’ai également étudié l’économie et je me souviens encore (curieusement !) des cours qui portaient sur l’inflation. L’inflation est habituellement mesurée à l’aide d’un « panier de biens » qui compare le coût d’un ensemble d’articles à différents moments. La différence de prix, bien que simplifiée, correspond essentiellement au taux d’inflation. 

Cela m’a fait réfléchir : et si, au lieu d’un panier de biens, je créais un « panier de voitures » pour mesurer l’inflation des prix des véhicules au fil du temps ? Je pourrais comparer le coût des voitures d’aujourd’hui à leur prix d’il y a dix ans.  

Le processus n’a pas été simple. J’ai dû sélectionner 10 véhicules qui ont été disponibles d’une manière constante au cours de la dernière décennie avec le même nom commercial final. Après une sélection rigoureuse, j’ai compilé un ensemble de données comprenant ces 100 points de données couvrant les modèles de 2014 à 2024.  

Pour établir une base de référence, j’ai utilisé les données de l’indice des prix à la consommation (IPC) de Statistique Canada. Selon Statistique Canada, un panier de biens qui coûtait 1,00 $ en 2014 coûterait 1,29 $ en 2024, ce qui reflète un taux d’inflation général de 29 %. 

L’IPC tient compte d’un large éventail de produits, notamment les denrées alimentaires, le logement, les articles ménagers, les vêtements, les transports et le carburant. Pour effectuer ma comparaison, j’ai sélectionné dix véhicules non luxueux à fort volume sur le marché canadien et j’ai suivi leur PDSF au cours de la dernière décennie.   

J’ai découvert que l’« inflation automobile », ou mon indice d’inflation des véhicules (IIV), dépassait l’inflation générale, mais pas de manière extrême. Mon indice s’est établi à 1,40, ce qui signifie qu’une voiture qui coûtait 1 $ en 2014 coûte désormais 1,40 $ en 2024. Cela représente environ 12 points de pourcentage de plus que l’indice général des prix à la consommation.  

Pour mettre cela en perspective, une voiture qui coûtait 30 000 $ en 2014 coûterait aujourd’hui en moyenne 42 120 $. Si elle avait suivi le taux d’inflation général, son prix serait aujourd’hui de 38 554 $. La différence, soit 3 566 $, est importante, surtout pour un article coûteux comme un véhicule ; ça représente environ 60 $ par mois en remboursement sur 72 mois à un taux de 5 %.

Alors, pourquoi les prix des voitures ont-ils augmenté ? De nombreux facteurs ont contribué à cette hausse. 

Les coûts des matériaux et de la main-d’œuvre, les fluctuations monétaires et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement ont tous joué un rôle. À mon avis, le principal facteur réside dans le fait que les constructeurs d’automobiles ajoutent fréquemment de nouvelles fonctionnalités, souvent appelées « contenu », qui augmentent à la fois le coût et le prix de vente d’un véhicule tout au long de son cycle de vie. 

Ces ajouts peuvent inclure des dispositifs de sécurité obligatoires ou les dernières avancées technologiques, comme récemment les écrans d’infodivertissement beaucoup plus grands et les systèmes Apple CarPlay et Android Auto. Les voitures de l’année 2024 sont nettement mieux équipées que les modèles classiques de 2014.

Un aspect du marché que mon étude ne prend pas en compte est la disparition des modèles à bas prix du marché canadien au cours de la dernière décennie.  

De nombreux véhicules abordables, des voitures, des VUS et des multisegments d’entrée de gamme, notamment, ont été retirés du marché. Je considère qu’il s’agit là d’un problème plus grave pour les consommateurs et les détaillants. 

À titre d’exemple, l’un des véhicules que j’ai analysés pour mon indice était une traction et était équipé d’une boîte de vitesses manuelle en 2014. Aujourd’hui, ce modèle, bien qu’il ait été considérablement amélioré, coûte 60 % plus cher, sans boîte de vitesses manuelle et uniquement offert en version à transmission intégrale.

En 2015, il y avait une voiture offerte à 9 998 $, la Nissan Micra. Aujourd’hui, la voiture la plus abordable au Canada est toujours une Nissan, mais le prix de départ de la Versa est désormais de 20 798 $, soit plus du double du prix de la Micra d’il y a seulement dix ans. C’est un signe des temps.  

De nombreux fabricants d’équipement d’origine ont rationalisé leur gamme afin de se concentrer sur des modèles plus rentables et d’investir dans la commercialisation de véhicules zéro émission. Il est difficile de convaincre les entreprises d’investir leurs ressources limitées dans une voiture à bas prix.

La prochaine fois que quelqu’un se plaindra du prix des voitures, je lui répondrai : « L’augmentation n’est que d’environ 12 % de plus que l’inflation, et les voitures sont beaucoup plus équipées qu’il y a dix ans, donc ce n’est peut-être pas aussi grave que vous le pensez. »

À propos de Brian Murphy

Brian Murphy est un analyste très respecté de l'industrie de l’automobile. Il est conseiller principal auprès du groupe Clarify et directeur général des services consultatifs en matière de vision automobile. Vous pouvez le joindre à : bmurphy@vvas.ca

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