La gradation des sanctions

En raison des dispositions de la Loi sur les normes du travail, un employeur ne peut congédier un salarié sans avoir une cause juste et suffisante, lorsque ce dernier justifie de plus de deux ans de service continu au sein de l’entreprise, sans risque de recevoir une plainte de la CNESST. Une telle plainte, en plus de demander temps et énergie pour sa gestion, peut parfois coûter très cher.

La jurisprudence a précisé dans ces cas qu’une cause est généralement juste et suffisante lorsqu’un processus disciplinaire a été vigoureusement respecté. Il importe dès lors de préciser ce que constitue une mesure disciplinaire. C’est le caractère volontaire ou non du manquement reproché au salarié qui est au cœur de la distinction entre les deux notions. Ainsi, la mesure disciplinaire ne peut s’appliquer qu’à la faute volontaire du salarié, puisqu’elle vise principalement à punir pour corriger. L’objectif d’une mesure disciplinaire consiste donc à permettre à l’employé de connaître les attentes de l’employeur et de se corriger, de s’amender. Cela étant, constituent notamment des fautes volontaires la déloyauté, le harcèlement, le manquement relatif à la présence au travail, le manquement aux règles et politiques de l’employeur, le vol et la fraude.

« Un employeur ne peut congédier un salarié sans avoir une cause juste et suffisante, lorsque ce dernier justifie de plus de deux ans de service continu au sein de l’entreprise, sans risque de recevoir une plainte de la CNESST. »

Une fois identifié le caractère volontaire de la faute, se pose la question de la détermination de la bonne mesure disciplinaire à imposer. Il existe 4 principes généraux devant servir de guide :

  1. La mesure disciplinaire doit être proportionnelle à la faute reprochée. En règle générale, même la présence d’une faute qui peut sembler importante, rares sont les circonstances où l’employeur peut imposer la peine capitale sans autre avertissement. En effet, la discipline progressive a pour but de signifier au salarié, de façon répétitive et de plus en plus sérieuse, que son comportement est inacceptable et que, à défaut d’amender sa conduite, il sera congédié.
  2. La présence de facteurs aggravants ou atténuants doit être analysée considérant que la sanction appropriée relève essentiellement des circonstances entourant la faute. La présence de facteurs aggravants, la préméditation, l’absence d’excuses, de regrets ou de volonté de s’amender de la part du salarié et la nature non isolée du manquement, à titre d’exemple, recommandera l’imposition d’une sanction plus ferme. A contrario, la présence de facteurs atténuants, notamment un dossier disciplinaire vierge, la provocation ou la pression ayant amené la faute ainsi que l’entière collaboration du salarié lors de l’enquête recommandera l’imposition d’une sanction moins sévère.
  3. Il doit y avoir une cohérence avec l’historique chez l’employeur. Une même faute doit donc mériter une même sanction. Pour pouvoir invoquer une contravention à ses directives, l’employeur ne doit pas en avoir fait une application laxiste. Une politique doit donc être appliquée de façon relativement uniforme à l’ensemble des salariés. En effet, la tolérance à l’égard de plusieurs salariés incite certainement les autres à croire que cette politique est plus ou moins importante. Cela étant, l’employeur ne peut passer d’une application laxiste à une application stricte sans d’abord informer et donner l’occasion aux employés de modifier leur comportement.
  4. Il doit y avoir une continuité avec le dossier disciplinaire de l’employé, une gradation des sanctions. Pour en arriver à la sanction ultime, à savoir un congédiement, il faut impérativement une progression au chapitre des sanctions, sauf rares exceptions, considérant que l’objectif consiste à démontrer que l’employeur a utilisé les moyens raisonnables pour que l’employé se corrige avant d’en arriver à rompre le lien d’emploi.

Pour ce qui est du côté procédural, chaque cas en est un d’espèce, et il importe donc de toujours analyser les circonstances propres à chaque dossier avant d’agir. Néanmoins, en règle générale, les étapes sont :

  • Offrir d’abord un premier avertissement de façon verbale, avec inscription d’une note au dossier, dans le but de se ménager une preuve de l’avis ainsi que des circonstances qui en ont donné lieu;
  • Remettre un avertissement écrit à l’employé détaillant la faute de même que les attentes de l’employeur. Il faut s’assurer une fois de plus de conserver une copie de cet avertissement au dossier de l’employé;
  • Imposer une suspension sans solde courte, à savoir de 1 à 5 journées, est approprié si le même type de faute se reproduit;
  • Imposer une suspension sans solde longue, pouvant aller de 1 à 8 semaines, en cas de récidive, avec ultimatum à l’effet que l’emploi est en péril à défaut d’amendement immédiat, en cas de récidive;
  • Ordonner le congédiement pourra finalement être la mesure appropriée quand l’employé démontre clairement son intention de ne pas respecter les attentes de l’employeur et qu’il récidive de nouveau.

Vous comprendrez de ce qui précède qu’il est important de bien déterminer la mesure appropriée dans chaque cas pour ensuite respecter rigoureusement la procédure, tout en l’ajustant selon les circonstances, dans le but d’éviter de recevoir subséquemment une plainte aux normes du travail ou un grief.

À tout événement, nous vous invitons à toujours communiquer avec l’un des avocats de la CCAQ afin de discuter d’un dossier précis avant de congédier un employé, le tout dans le but d’évaluer adéquatement la situation ainsi que vos risques.

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