Véhicule-en-tant-que-Service est le nouveau mantra des fabricants

Comment les concessionnaires peuvent-ils gérer le nouveau modèle de mises à jour par abonnement sans s’aliéner les consommateurs ?

Herbert Diess, ex-PDG du Groupe Volkswagen, a déclaré à la fin du mois de juin que les revenus mondiaux de l’industrie de l’automobile devraient atteindre environ 6,5 billions de dollars canadiens d’ici 2030 par comparaison avec 2,6 billions de dollars canadiens aujourd’hui, dont environ 25 % proviennent des revenus liés aux logiciels. Il a déclaré que l’avenir du Groupe Volkswagen ne dépend pas seulement de la construction de véhicules bien conçus mais aussi de sa capacité à fabriquer des appareils de pointe et à fournir des solutions de mobilité connectée pour un marché en évolution rapide.

Alors que les consommateurs attendent de plus en plus avec impatience la conduite autonome, l’expérience embarquée deviendra plus importante et lucrative pour les fournisseurs de services. L’investissement de Volkswagen dans sa propre solution logicielle propriétaire décevante, CARIAD, qui a peut-être été à l’origine du récent départ du Dr Diess, souligne l’importance que Volkswagen accorde à la victoire dans la bataille des logiciels embarqués.

En effet, les constructeurs du monde entier cherchent de plus en plus à faire évoluer leurs modèles d’affaires au-delà de la vente de véhicules par l’entremise d’un réseau de franchises, à la gestion des parcs et à la génération de revenus récurrents tout au long de la durée de vie de chaque véhicule.

Véhicule en tant que Service (VaaS) devient un mantra commun des principaux constructeurs alors qu’ils envisagent de passer du modèle de vente traditionnel avec le concessionnaire comme dernier client à une connexion plus directe avec les clients par l’entremise d’un éventail de plus en plus complexe d’intermédiaires. 

L’abandon d’un modèle de financement à l’achat et de location au profit d’une approche par abonnement est motivé par le besoin croissant pour les constructeurs de trouver d’autres sources de revenus avec des marges plus riches, en partie pour aider à investir dans de nouvelles initiatives de véhicules électriques et pour contrer les revenus de service plus faibles générés par les véhicules électriques à batterie.

Une étude du cabinet de conseil automobile allemand Berylls Strategy Advisors prévoit que le tiers des personnes de la génération X et la moitié des acheteurs de véhicules électriques de la génération Z adopteront une offre VaaS. Avec chaque abonnement subséquent pour le même véhicule offrant des bénéfices d’intégration supplémentaires, Berylls s’attend à ce que la rentabilité à long terme des constructeurs augmente de 40 à 50 % avec VaaS.

Ce modèle d’abonnement a naturellement créé une série de nouveaux fournisseurs entrant dans l’espace, notamment Finn, Sixt et VivelaCar en Allemagne, Flexigo, Onto et WagonEx au Royaume-Uni, ainsi que des constructeurs comme Audi, Jaguar, Land Rover, Lexus, Lynk & Co et Porsche proposant des offres d’abonnement direct. Volkswagen a récemment acheté Europcar, une importante entreprise de location en Europe, comme base pour offrir des véhicules par abonnement à ses clients.

Le modèle d’abonnement est attrayant pour les clients car il offre une plus grande souplesse et plus de transparence à l’expérience de propriété, avec un plan de paiement mensuel simple à comprendre, y compris l’assurance, les taxes et les frais d’entretien et la possibilité de conserver le véhicule pendant seulement un mois ou durant plusieurs années en fonction des exigences individuelles du client.

Cependant, aussi attrayant le VaaS est-il pour les clients, il n’est pas évident de faire progresser l’option d’inclure des fonctionnalités réelles dans la voiture.

Les mises à jour par abonnement ont fonctionné pour d’autres industries comme les jeux. Par exemple, 30 % des revenus du jeu FIFA 2020 d’Electronic Arts, qui a connu un grand succès, proviennent de ses modules complémentaires de paiement Ultimate Team. Les fabricants d’imprimantes ont abandonné l’idée de faire de l’argent avec le produit et misent plutôt sur la marge élevée de leurs cartouches de remplacement. Nestlé a réinventé le modèle commercial du café avec l’introduction des capsules Nespresso. Cependant, pour les véhicules, le changement d’approche peut être plus difficile à réaliser en raison des prix beaucoup plus élevés, des liens émotionnels, des problèmes de sécurité ainsi que des questions d’image qui jouent dans l’esprit du client. 

BMW a récemment suscité l’indignation sur certains marchés européens lorsqu’on a découvert que la marque facturait un supplément pour les sièges chauffants avant dans certains modèles et sur certains marchés. Cette approche serait irrecevable au Canada et sur d’autres marchés en climat froid. Cependant, pour le constructeur, il s’agissait d’un exemple de la façon de considérer les services connectés comme des fonctionnalités supplémentaires, avec le matériel requis déjà intégré dans le véhicule dans le cadre d’un processus d’efficacité de fabrication, initié et facturé par l’entremise de mises à jour en direct.

Audi, Mercedes-Benz, Tesla et d’autres marques d’automobiles haut de gamme offrent également des services connectés, qu’il s’agisse de l’aide au stationnement à distance, des modes débutant et voiturier ou de l’assistance adaptative aux feux de route de Mercedes-Benz sur certains marchés clés, ou de Tesla avec pilote automatique amélioré au Canada. De telles fonctionnalités supplémentaires peuvent être considérées comme offrant plus de choix au client.

En termes de remarketing, être en mesure d’ajouter une fonctionnalité populaire en un clic peut être un outil puissant pour retenir un nouvel abonné ou un acheteur. Il en est de même des nouvelles fonctionnalités logicielles qui peuvent être mises à jour à distance dans un véhicule d’occasion, ce qui pourrait ajouter une valeur instantanée à la voiture. Cependant, comment cela fonctionne-t-il pour le client ?

Fait intéressant, dans différentes industries, nous avons observé des tendances divergentes. Certaines entreprises essaient de faciliter la vie du client avec des prix simplifiés et sans frais cachés – pensez à Airbnb, Discover Bank, Genesis, Uber, Zappos. Ou, considérez l’approche plus différenciée, où les clients se voient offrir un prix de base – par exemple, sur une réservation de compagnie aérienne – puis invités à payer pour des fonctionnalités « standard » supplémentaires, y compris la sélection des sièges, les frais d’aéroport, les bagages et les frais de réservation, ainsi que des fonctionnalités « supplémentaires », comme l’accès au salon, l’embarquement anticipé, l’assurance voyage et, même, la nourriture précommandée à bord ou une confirmation par SMS. Bien qu’offrant un choix, ça ne laisse jamais le client se sentir particulièrement satisfait du prix final, à moins qu’il n’opte pour l’option très basique. Cela ne ressemble certainement pas à une expérience haut de gamme ou de luxe.

En allemand, ça réfère à des augmentations incrémentielles du prix de base perçues comme injustes, avec des ajouts cachés (Abzocken), ou en français une « arnaque ». L’impression que le fabricant essaie cherche des moyens de facturer un supplément, même à des montants très faibles, pour constituer un flux de revenus plus important par client. Naturellement, on peut soutenir que toutes ces fonctionnalités sont des options sur mesure, mais avec une voiture, et en particulier un véhicule haut de gamme, on peut s’attendre à ce que certaines des fonctionnalités offertes en option soient de série. De plus, pour l’infodivertissement et le confort de base, ainsi que pour toutes les caractéristiques de sécurité, il est difficile de ne pas s’attendre à ce qu’une marque haut de gamme les inclue dans le prix de base.

Ajouter de la complexité au processus de vente ou d’abonnement peut être attrayant pour le constructeur en termes de revenus supplémentaires, mais pour le concessionnaire qui essaie de communiquer la valeur de chaque mise à jour supplémentaire, cela peut être plus difficile à réaliser que prévu. Un exemple récent en Amérique du Nord est la décision de GM d’exiger un abonnement de trois ans à OnStar et aux services connectés premium de GM pour tous les véhicules Cadillac, Buick et GMC des années modèles 2023. Les concessionnaires ont été mis dans une position délicate à essayer d’expliquer pourquoi ces services, auparavant offerts en option, étaient maintenant obligatoires. De nombreux clients américains ont annulé leurs véhicules précommandés. Au Canada, GM a récemment modifié l’approche pour inclure ces services dans le PDSF pour les véhicules Cadillac, pour le moment.

De plus, tout transfert de propriété doit être géré efficacement sans coût surprise pour l’ancien et le nouveau propriétaire. Qui veut continuer à payer pour une fonctionnalité qu’il n’utilise pas, ne peut pas utiliser ou ne veut pas ?

Bien que ces services d’abonnement n’en soient qu’à leurs tout premiers balbutiements au Canada, la trajectoire est claire chez certains grands constructeurs. Les occasions d’obtenir de plus grands revenus de VaaS sont certainement attrayantes pour les acteurs nouveaux et établis, mais elles mettent également en évidence un défi pour certains acteurs traditionnels qui peuvent être évincés du marché. 

Bien que la complexité accrue de l’expérience de propriété soit intéressante à suivre, pour qu’elle soit acceptée sans nuire à l’image d’une marque, elle doit être perçue comme une valeur ajoutée pour le client, et non comme un fardeau. Essentiellement, cela nécessite une stratégie de communication efficace sur les raisons pour lesquelles certaines fonctionnalités sont standard, et d’autres sont des éléments supplémentaires basés sur les coûts. En fin de compte, le client doit sentir qu’il possède l’expérience et qu’il obtient la meilleure valeur quel que soit le prix. Les concessionnaires sont les mieux placés pour atteindre cet objectif, étant les plus proches du client, au moins pendant la période de transition vers ce qui devrait devenir un avenir VaaS.

À propos de Dr. Gordon Shields

Le Dr Gordon Shields est le fondateur et directeur général d’Angus MacBride Research Consultancy, basé à Dundee, en Écosse, spécialisé dans la recherche et le conseil en matière de nouvelle mobilité et d’expérience client. Le Dr Shields est également un partenaire stratégique de Clarify Group Inc. au Canada.

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