L’évolution des régimes politiques influe sur l’avenir des mandats d’électrification des véhicules.
Comme beaucoup d’entre vous le savent maintenant, je m’intéresse de très près aux questions politiques bien au-delà des grands titres et j’essaie de saisir les nuances qui peuvent éclairer les lecteurs.
Depuis la fin du processus électoral américain, et à juste titre d’ailleurs, le débat sur les droits de douane a fait les manchettes. Les experts en commerce, les analystes politiques ou, même, les passionnés du secteur de l’automobile, tous s’interrogent sur les répercussions de ces droits de douane sur les prix et la disponibilité, sur la menace qu’elles font peser sur l’avenir de l’industrie de l’automobile canadienne et, d’une manière générale, sur ce qu’elles signifient réellement pour notre accord de libre-échange nord-américain.
Ces questions légitimes et globales subsisteront et alimenteront les discussions, mais la réalité est la suivante : les réponses à ces interrogations n’arriveront peut-être qu’après des mois et, même, des années d’attente.
Cependant, d’importantes luttes politiques se déroulent déjà aux États-Unis, en lien avec l’industrie de l’automobile, dont les résultats et, surtout, les comportements des acteurs concernés, pourraient très bien nous aiguiller sur ce que notre classe politique devrait faire ici au Canada ou, à tout le moins, sur ce à quoi il faut s’attendre dans les semaines à venir.
« La Californie est depuis longtemps un État baromètre en matière de politique environnementale, notamment en ce qui concerne les véhicules zéro émission (VZÉ). »
J’ai écrit il y a quelques semaines un article sur la façon dont les élections américaines pourraient orienter l’industrie de l’automobile, tant aux États-Unis qu’au Canada, dans des directions complètement différentes sinon opposées.
Dans cet article, je mentionnais la Californie comme l’un des États qui nous rappelait les différents paradigmes qui existaient dans l’orientation future de l’industrie de l’automobile. Cette observation s’appuie principalement sur le conflit direct entre la volonté de Kamala Harris d’aligner certaines politiques fédérales en matière d’énergie et de transport sur ce qui avait été proposé en Californie et l’opposition du président désigné aux mandats relatifs aux véhicules électriques et aux autres interdictions technologiques.
Bien entendu, la Californie est depuis longtemps un État baromètre en matière de politique environnementale, notamment en ce qui concerne les véhicules zéro émission (VZÉ). La campagne agressive menée par l’État pour électrifier les transports est, en fait, devenue un champ de bataille, et le combat porte autant sur la politique que sur la technologie.
De nombreux journalistes ont récemment souligné que les fabricants, les décideurs politiques et les électeurs naviguent dans un paysage où les objectifs de vente de 100 % de véhicules électriques se heurtent aux réalités économiques et aux défis de l’infrastructure du réseau1. Des événements récents ont intensifié cette dynamique.
L’objectif de l’État d’interdire la vente de nouveaux véhicules à essence d’ici 2035, soutenu par une dérogation accordée par la U.S. Environmental Protection Agency (EPA), risque d’être annulé par l’administration Trump. Le président désigné a exprimé son intention de révoquer la dérogation de la Californie, accordée par l’EPA, sur les normes d’émissions, ce qui constitue une menace importante pour les ambitions de l’État en matière de véhicules électriques.
Par ailleurs, des personnalités comme Elon Musk, aujourd’hui un conseiller de premier plan du président désigné, ajoutent encore à la complexité de la situation. Le soutien historique de M. Musk aux politiques californiennes en matière de véhicules électriques contraste avec l’orientation fédérale, ce qui crée ainsi un mélange potentiellement déroutant entre les intérêts personnels évidents, les inévitables divagations sur les médias sociaux et son rôle unique au sein de la prochaine administration. Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, est prêt à livrer bataille et à convoquer une session législative extraordinaire pour renforcer les défenses juridiques contre les contestations fédérales anticipées.
Pour le Canada, ce débat est à la fois intéressant et instructif. La Californie est souvent à l’origine de tendances qui se répercutent vers le nord et qui vont même jusqu’à façonner les aspirations de provinces comme le Québec et la Colombie-Britannique.
De surcroît, il donne une vision unique sur les interactions qui apparaissent quand une juridiction s’acharne à adopter une approche qui ne correspond pas à la nouvelle orientation fédérale. Compte tenu des prochaines élections canadiennes et de la compréhension commune de la position des conservateurs sur les mandats fédéraux en matière de véhicules électriques, il sera fascinant de voir comment réagiront les provinces qui comptent le plus de voitures électriques.
Pourtant, même dans les régions les plus enthousiastes du Canada, la prudence est de mise. Le Québec et la Colombie-Britannique ont peut-être été les provinces les plus proactives dans leur transition vers un marché complet des véhicules électriques, mais leur volonté d’investir massivement dans l’infrastructure et les rabais nécessaires a vacillé au cours des derniers mois.
Bien que ces gouvernements provinciaux aient présenté certaines de ces modifications de programmes – comme la suspension temporaire des mesures incitatives à l’achat au Québec – comme victimes de leurs propres succès, il semble évident que les doutes politiques, les réalités du marché et les capacités financières les rattrapent enfin.
Il ne s’agit pas que d’une question de budget mais aussi d’un changement de priorités politiques. Le débat sur les véhicules électriques n’est plus divisé par des lignes idéologiques. Certes, la saga Trump contre Californie fait et continuera de faire les gros titres, mais même les gouvernements progressistes modèrent leurs ambitions à mesure qu’ils font face aux défis concrets de la mise à l’échelle.
« La politique est rarement stationnaire, et il en va de même pour l’industrie de l’automobile. »
La politique est rarement stationnaire, et il en va de même pour l’industrie de l’automobile. Alors que les politiques californiennes en matière de VZÉ font face à des polémiques, les gouvernements provinciaux et fédéral du Canada ont la possibilité d’en tirer des enseignements en temps réel. Qu’il s’agisse d’adopter les pratiques exemplaires, d’éviter les faux pas et, surtout, de s’harmoniser avec les orientations du gouvernement fédéral américain, les enjeux sont importants.
Le processus d’électrification des transports est loin d’être linéaire, comme le savent très bien les concessionnaires d’automobiles, et c’est précisément la raison pour laquelle il est important d’en apprendre le plus possible sur ce qui se passe chez nos voisins.
Référence
1 Alex Nieves et Mike Lee, Trump and California draw battle lines around electric cars, Politico, 19 décembre 2024.








