L’industrie automobile réagit aux droits de douane de 25 % imposés par Trump sur les automobiles

Le temps où les voitures et les pièces d’auto traversaient librement les frontières américaines et canadiennes sans aucun droit de douane pourrait toucher à sa fin à la suite d’un décret-loi offensif signé par le président américain Donald Trump.

Mercredi 26 mars, Trump a annoncé son intention d’imposer des droits de douane de 25 % à partir du 3 avril sur toutes les voitures fabriquées en dehors des États-Unis. Cela a suscité l’inquiétude au sein de l’industrie automobile canadienne, dans la mesure où les intentions de Donald Trump pourraient conduire à des licenciements et à des fermetures d’usines. Précédemment, Trump avait déclaré qu’il imposerait des droits de douane généralisés à partir du 2 avril, mais mercredi, il s’est adressé spécifiquement au secteur automobile sans aucun avertissement préalable.

La Corporation des associations de détaillants d’automobiles a publié une déclaration selon laquelle les droits de douane imposés par Trump sur l’automobile : « seront néfastes pour les économies du Canada et des États-Unis, et négatifs pour les concessionnaires et les consommateurs de part et d’autre de la frontière. Le Canada doit riposter, tout en minimisant l’impact sur les familles et les entreprises canadiennes qui ont besoin de nos véhicules pour se rendre au travail. »

David Adams, président-directeur général de Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada, a déclaré que la décision de Donald Trump était « regrettable, mais sans doute pas tout à fait inattendue. »

David Adams

Il a déclaré que ce décret signifiait que chaque fabricant et chaque modèle construit par ce fabricant seraient soumis à des droits de douane légèrement différents en fonction du contenu américain. « Cela semble tout à fait irréalisable, mais c’est encore pire lorsque cela s’applique aux pièces et aux composants », a ajouté Adams. « Plus important encore, cela étripe l’accord que Trump avait lui-même négocié ».

Brian Kingston, président-directeur général de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, a publié un communiqué dans lequel il affirme que les droits de douane américains sur les véhicules et les pièces auront des « conséquences négatives immédiates » pour l’industrie automobile nord-américaine. « Le résultat se traduira par des coûts plus élevés pour les fabricants, des hausses de prix pour les consommateurs, et une industrie moins compétitive », a expliqué Kingston.

Il a insisté sur le fait que toutes les pièces, tous les composants, et tous les véhicules soient exemptés de droits de douane dans le cadre de l’accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) créé lors du premier mandat de Donald Trump, entre 2016 et 2020.

Mercredi, Trump a déclaré que ces droits de douane marqueraient « le début du jour de la libération de l’Amérique ». Il a ajouté qu’il s’agissait d’une mesure « très modérée » qui « continuera à stimuler la croissance comme jamais auparavant ».

Brian Kingston

Trump a invoqué l’article 232 du Trade Expansion Act de 1962 pour imposer un droit de douane de 25 % sur les importations d’automobiles et de certaines pièces automobiles. 

Selon lui, il répond à une importante menace pour la sécurité nationale des États-Unis, notamment en prenant des mesures pour protéger l’industrie automobile américaine qui a été mise à mal par des importations excessives menaçant la base industrielle nationale et les chaînes d’approvisionnement des États-Unis. 

Les droits de douane de 25 % s’appliqueront aux véhicules de tourisme importés, tels que les berlines, les camionnettes, les minifourgonnettes et les fourgonnettes. Ils seront également appliqués aux pièces automobiles, y compris les moteurs, les boîtes de vitesses, les pièces du groupe propulseur, et les composants électriques, avec la possibilité d’étendre les droits de douane à d’autres pièces, le cas échéant. 

Les importateurs d’automobiles dans le cadre de l’accord Canada-États-Unis-Mexique, négocié par Trump lors de son premier mandat, auront la possibilité de certifier leur contenu américain, et des systèmes seront mis en place pour que les droits de douane de 25 % ne s’appliquent qu’à la valeur de leur contenu non américain. 

Trump a indiqué dans son décret que l’accord de libre-échange entre les États-Unis et la Corée, et l’accord ACEUM « n’ont pas donné de rendements suffisants ».

Les représentants élus du gouvernement canadien et les premiers ministres provinciaux s’étaient montrés optimistes, et pensaient que les discussions avec les membres du cabinet de Trump pourraient aboutir à un nouveau report de la mise en œuvre des droits de douane, qui avait déjà fait l’objet de deux sursis, ou au moins à des discussions plus approfondies. 

« Cela montre que les discussions entre les autorités provinciales et fédérales et (les États-Unis) sont sans importance, bien qu’elles démontrent qu’ensemble, nous formons une industrie plus forte », a déclaré Adams. « Les droits de douane ne sont que des attaques contre le peuple américain et les travailleurs américains. Je pense que ces droits de douane vont à l’encontre de l’engagement pris par le président envers les Américains d’améliorer la capacité financière et de lutter contre l’inflation ».

Les dirigeants de Ford, GM et Stellantis avaient vivement conseillé à Trump de ne pas appliquer ces droits de douane, au risque de paralyser l’industrie, étant donné que les pièces détachées sont expédiées plusieurs fois de part et d’autre de la frontière. Les marchés boursiers américains ont accusé une forte baisse lorsque Trump a annoncé ses intentions en matière de droits de douane. Cette baisse s’est poursuivie mercredi.

Selon Adams, il est difficile de prédire quel en sera l’impact sur l’industrie automobile canadienne. « Du point de vue de la production, on continuera à produire des véhicules, et à en vendre aux États-Unis… mais ils seront plus chers », a précisé Adams. « Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement que la production sera automatiquement interrompue. La situation pourra être plus difficile si les constructeurs automobiles n’arrivent pas à se procurer les pièces nécessaires à la production des véhicules au Canada. Cependant, tous les constructeurs automobiles ont entrepris des efforts au cours des derniers mois, probablement depuis que le président a été élu, sachant que les droits de douane étaient l’un de ses engagements ». 

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, était moins optimiste mercredi qu’il ne l’était au lendemain de son récent voyage à Washington, où il avait déclaré que les réunions avec le secrétaire américain au commerce, Howard Lutnick, avaient été positives.

« Le président Trump appelle cela le jour de la libération; pour ma part, je dirais qu’il s’agit du jour du licenciement des travailleurs américains », a déclaré Ford.

Il a ajouté que l’attaque précipitée de Trump n’était « pas surprenante ». Quant au Premier ministre canadien Mark Carney, il s’est réuni jeudi avec son équipe pour décider de ce qu’il convenait de faire. Il a qualifié la décision de Trump « d’attaque directe » à l’encontre des travailleurs canadiens de l’automobile. 

« Nous défendrons nos travailleurs », a affirmé Carney. « Nous défendrons nos entreprises, nous défendrons notre pays, et ce, tous ensemble ».

Quelques heures avant l’annonce de Donald Trump, Mark Carney a annoncé la création d’un fonds de 2 milliards de dollars destiné à protéger l’industrie automobile canadienne. Il a déclaré que ce fonds permettrait de renforcer l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de l’industrie automobile canadienne.

L’ancien Premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé début mars son intention d’imposer des droits de douane sur 155 milliards de dollars de produits américains, en commençant par 30 milliards de dollars.

Darren Slind, analyste industriel et président du Clarify Group, a déclaré que les nouveaux droits de douane allaient complètement perturber le secteur automobile canadien, et ébranler la confiance dans les États-Unis en tant que partenaire commercial. 

« Même si l’objectif annoncé de ces droits de douane est de rapatrier la construction automobile en Amérique, les coûts de cette opération seront énormes, et entraîneront des conséquences négatives qui auraient pu être évitées pour les Américains et leurs partenaires commerciaux », a déclaré Slind. « Le fait d’aller à l’encontre de l’accord de libre-échange USMCA (connu sous le nom de l’ACEUM au Canada), négocié de bonne foi et proclamé par le président Trump comme « un formidable accord pour l’Amérique », compromet sérieusement la confiance dans l’intégrité des États-Unis en matière de respect des accords internationaux », a-t-il souligné. 

Il s’attend à court terme à une « perturbation massive » de la production automobile en Amérique du Nord, qui se traduira par une baisse des volumes de production et une hausse des prix des véhicules. Selon lui, certains analystes anticipent des hausses de prix des véhicules comprises entre 3 000 et 10 000 dollars, ce qui aurait pour effet d’augmenter l’inflation, et de rendre les véhicules moins abordables. « Il y aura une baisse des ventes de véhicules neufs, ce qui nuira à l’ensemble de l’écosystème automobile, y compris aux concessionnaires », a-t-il ajouté.

À plus long terme, Slind estime que la crise de l’abordabilité provoquée par les droits de douane ne donnera pas lieu à une augmentation des emplois dans le secteur de la fabrication pour les travailleurs américains de l’automobile. « La crise obligera les FEO américains à automatiser de plus en plus l’assemblage des véhicules, afin de maîtriser les coûts ». Alors que les chaînes d’approvisionnement ont été construites au cours des 60 dernières années dans une optique d’optimisation des coûts, ce type de perturbations anormales ne fera que réduire les bénéfices et augmenter les prix », a-t-il précisé.

Sean Mactavish, PDG d’Autozen, une plateforme numérique qui simplifie et rationalise le processus de vente de voitures pour les Canadiens, a déclaré que les fabricants implantés à long terme en Ontario essaieront de transférer leur production aux États-Unis. 

Il a également indiqué qu’à court terme, il pourrait y avoir des fermetures temporaires d’usines, en fonction de la rentabilité de fabricants tels que Stellantis et Honda. Il a ajouté qu’il serait intéressant de voir l’impact des dernières nouvelles concernant les droits de douane.

« Nous verrons quel type de pressions (Ford, GM et Stellantis) exerceront », a déclaré Mactavish. « Il m’a semblé fascinant de suivre l’évolution des marchés en fin d’après-midi. Les trois grands ont été rudement affectés ».

Selon Mactavish, il est possible que Trump tergiverse sur sa décision de mettre en œuvre les droits de douane, car c’est ce qu’il a déjà fait précédemment.

« Je pense que la bonne approche est de ne jamais dire jamais », a affirmé Mactavish. « Je suis heureux de voir que le Canada se mobilise pour soutenir les Canadiens qui seront touchés ». Mais nous devons encore voir si, et comment, le Canada ripostera à ces droits de douane par des droits de douane équivalents. Il y a encore beaucoup à faire dans les jours à venir ».

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