LES ANNÉES 80 ONT PROFONDÉMENT CHANGÉ L’INDUSTRIE MONDIALE DE L’AUTOMOBILE
Le changement s’opérait de façon graduelle dans l’industrie de l’automobile, mais un événement important dans les années 70 a complètement changé la donne.
Lorsque le gouvernement des États-Unis a soutenu Israël durant la guerre du Kippour, les pays producteurs de pétrole du Moyen-Orient ont fermé le robinet aux Américains. Les ventes de petites voitures ont atteint des sommets inégalés, et les constructeurs de véhicules importés avaient enfin accès à un marché qu’ils convoitaient depuis longtemps.
Puis, peu importe leur consommation, les petites voitures avaient la cote auprès des acheteurs nord-américains. À la fin des années 1970, les constructeurs japonais ouvraient des studios de design en Californie pour concevoir des véhicules pour ce marché spécifique.
L’usine de motocyclettes de Honda, en Ohio, a ouvert en 1979 et constituait la première installation d’un constructeur japonais en Amérique. Les travaux ont débuté en décembre 1980 et, deux ans plus tard, la première Accord sortait de l’usine. En 1983, Nissan construisait la première camionnette à sa nouvelle usine, au Tennessee.
Toyota a emprunté un chemin différent. Initialement, elle a approché Ford en vue d’une production conjointe, mais Ford craignait qu’elle concurrence la nouvelle voiture compacte qu’elle était en train de développer.

La première Toyota Camry construite aux États-Unis en 1988
Toyota s’est alors tournée vers GM, et, en 1984, les deux entreprises créaient la New United Motor Manufacturing Inc. (NUMMI) dans une usine rachetée par GM en Californie. Puis, en 1985, Honda et Toyota annonçaient la construction d’usines en Ontario.
Mais voilà qui faisait beaucoup plus que satisfaire les goûts des Nord-Américains en matière d’automobile. Inquiets de perdre des parts de marché, les constructeurs d’automobiles de Detroit ont fait pression sur le gouvernement américain pour qu’il en vienne, en 1981, à un accord avec les constructeurs d’automobiles japonais qui limitait leurs importations à 1,68 million de véhicules par an.
Les véhicules fabriqués en Amérique n’étaient pas soumis à cette entente. Ainsi, cette restriction dans les importations a fait monter le prix des véhicules japonais et, ultimement, ramenait beaucoup d’acheteurs vers les marques américaines.
Le Canada importait plus du quart des véhicules qui s’y vendaient, et recevait 22 % des véhicules fabriqués au Japon. Le gouvernement fédéral a décidé de retirer ses quotas si les Japonais acceptaient de construire des usines chez nous.
Si Honda était entrée aux États-Unis de façon discrète, elle a décidé de changer sa façon de faire. En 1986, elle a lancé sa marque de luxe Acura, dont elle vendait les voitures dans un nouveau réseau de concessions huppées plutôt que dans les concessions Honda. Trois ans plus tard, Toyota et Nissan suivaient en introduisant respectivement les marques Lexus et Infiniti.
En 1979, la descente aux enfers de Chrysler prenait fin avec un prêt garanti de 1,5 milliard de dollars du gouvernement américain. Les critiques, pour la plupart, pensaient qu’il s’agissait d’un gaspillage d’argent, mais la remontée était déjà amorcée avec l’introduction en 1981 des nouvelles voitures K, la Dodge Aries et la Plymouth Reliant.
La voiture présentait une configuration à traction qui n’était pas nouvelle, mais elle était spacieuse et abordable ; et Chrysler en a vendu plus de 400 000 exemplaires la première année.
Deux ans plus tard, le président de l’entreprise, Lee Iacocca, a dévoilé sa fourgonnette à la presse. Avec un tel succès, Chrysler a remboursé son prêt plus tôt que prévu, en 1983, et plusieurs autres constructeurs ajoutaient des berlines à traction et des fourgonnettes à leur offre.
Et comme l’économie s’améliorait et que l’industrie prenait de l’importance, un tout nouveau segment allait rapidement devenir le plus populaire de tous.
Chrysler a également fermé un chapitre de l’histoire de l’automobile avec l’achat d’AMC, en 1987, principalement pour la marque Jeep, ce qui fit disparaître le dernier fabricant d’automobiles américaines indépendant.
De retour en 1984, les Canadiens en ont ressenti les effets. Cette année-là, les taux d’intérêt sur hypothèque dépassaient les 21 %, et le prix de l’essence a atteint un sommet qu’on ne reverrait pas au cours des deux décennies qui ont suivi.
Le moment ne pouvait être mieux choisi pour Hyundai qui a ignoré complètement les États-Unis pour s’installer au Canada en 1983. Sa Pony était basique, mais, à 5 900 $, c’était moins que la moitié du prix de détail moyen d’un véhicule neuf, et elle est rapidement devenu la voiture la plus populaire vendue au Canada en 1984.
Les constructeurs allemands étaient sur une pente ascendante, dont Audi qui introduisait son système de transmission intégrale quattro en 1980. Puis, tout s’est effondré.
Une toute nouvelle berline Audi 5000 était introduite en 1984, et, un an plus tard, plus de 48 000 exemplaires sortaient des chaînes d’assemblages aux États-Unis. Puis, à la suite de collisions où les conducteurs faisaient mention d’une accélération subite, l’émission d’information 60 Minutes a présenté un segment en 1986 montrant la 5000 se déplaçant vers l’avant toute seule.
On a découvert plus tard que la boîte de vitesses était munie d’un compresseur d’air pour la faire accélérer, et la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) a déterminé que les conducteurs confondaient l’accélérateur et le frein, mais le dommage était fait. Les ventes ont plongé, et, pour un temps, Audi a sérieusement considéré un retrait du marché.
Ce n’est pas avant 1999 qu’Audi a atteint des chiffres de ventes qu’elle affichait avant l’émission 60 Minutes.

Les Dodge Caravan et Plymouth Voyager inaugurait un nouveau segment de marché
Pourtant, l’industrie de l’automobile était en train de changer et progressait au cours de la décennie. Mercedes-Benz a équipé tous ses véhicules de freins ABS en 1984, alors que la Porsche 944 Turbo était la première voiture vendue aux États-Unis avec des coussins de sécurité frontaux pour le conducteur et le passager en équipement de série. GM annonçait que sa nouvelle marque Saturn serait introduite en 1991.
Cadillac introduisit un moteur V8 à cylindrée variable ; ce moteur présentait des problèmes et ne fut produit qu’une seule année, mais il venait de paver la voie à une nouvelle technologie. L’injection de carburant était plus courante, tandis que l’essence au plomb disparaissait.
Pour ce qui était de la production, les travailleurs syndiqués des usines de fabrication d’automobiles canadiennes se sont séparés du syndicat américain pour former la TCA, pendant que, en 1987, le Canada et les États-Unis signaient un accord de libre-échange.
Et la décennie suivante allait nous en donner encore plus. Le Mexique a signé l’accord de libre-échange et a amorcé un virage manufacturier, pendant que la Corée du Sud nous envoyait une autre marque. Les véhicules électriques allaient faire les manchettes.
Un nouveau plan d’arbitrage canadien donnerait aux consommateurs une nouvelle manière de traiter avec les fabricants. Et comme l’économie s’améliorait et que l’industrie prenait de l’importance, un tout nouveau segment allait rapidement devenir le plus populaire de tous.
