Les règles gouvernementales et la poursuite des crédits qui nous poussent vers les véhicules électriques auront un sens différent dans différentes régions du Canada.
La réalité « post-COVID » des concessions d’automobiles sera passablement différente de ce qu’elle était il y a quelques mois. Et il y a une différence qui n’a rien à voir avec la pandémie actuelle.
D’ici à ce que nous sortions de cette crise, les concessionnaires canadiens seront probablement divisés en deux groupes très distincts : ceux qui vendent des véhicules électriques et ceux qui n’en vendent pas.
Au cours des prochains mois, certaines concessions auront probablement obtenu un accès beaucoup plus facile à de nouveaux modèles spécifiques, tandis que d’autres auront peut-être de la difficulté à se voir attribuer un inventaire de véhicules électriques. Cela tient aux mesures prises par certains gouvernements provinciaux. Mais pour comprendre à quoi pourrait ressembler l’avenir, nous devons d’abord regarder le passé.
Le 11 janvier 2018, la norme québécoise des véhicules à zéro émission (Qc ZEV Std) est entrée en vigueur. En 2018, le Québec était l’une des onze juridictions en Amérique du Nord à se donner une norme ZEV.
Pour être clair, une norme ZEV est un règlement qui oblige les constructeurs d’automobiles à vendre un certain nombre de véhicules à zéro émission – donc des modèles électriques ou à pile à combustion à hydrogène. Les constructeurs d’automobiles accumulent donc des crédits provenant de la vente de véhicules spécifiques. Le montant des crédits requis est ordinairement lié à son volume de ventes au sein de la juridiction : plus il y a de véhicules vendus, plus le constructeur d’automobiles doit obtenir de crédits pour compenser ses ventes.
En 2018, les constructeurs ont dû accumuler suffisamment de crédits pour compenser un pourcentage de la moyenne des véhicules qu’ils ont vendus au Québec entre 2014 et 2016. En 2018, ce pourcentage atteignait 3,5 à un taux de un crédit par véhicule.
Le tableau A de la page suivante, basé sur les valeurs publiées par le gouvernement du Québec, montre pour chaque constructeur d’automobiles le calcul requis pour accumuler des crédits en 2018.
L’autonomie que peut donner un modèle à zéro émission donné détermine le nombre de crédits que chaque vente rapporte : un hybride rechargeable dont l’autonomie électrique est de 50 kilomètres seulement reçoit moins de crédits qu’un modèle tout électrique qui peut parcourir 300 kilomètres.
Selon la norme québécoise, le nombre maximal de crédits que chaque véhicule peut accorder à un constructeur est de quatre. À titre de référence, le tableau B de la page suivante montre le nombre de crédits que rapportent divers véhicules admissibles.
Que se passe-t-il si un constructeur d’automobiles ne vend pas suffisamment de VZE dans un an pour générer les crédits dont il a besoin ?
Il dispose de trois options :
- Compenser en utilisant les crédits inutilisés générés et mis en banque au cours d’une autre année;
- Acheter des crédits d’un autre constructeur qui a des crédits inutilisés;
- Acheter des crédits du gouvernement. (la norme Qc ZEV Std précise que le coût pour le constructeur est de 5 000 $ par crédit manquant).
En 2018, cinq constructeurs d’automobiles ont choisi d’acheter des crédits d’un autre fabricant pour compenser les crédits manquants. Les acheteurs et les vendeurs pour 2018 se trouvent dans le tableau C de la page suivante :
Jusqu’à présent, aucun constructeur n’a choisi d’acheter des crédits du gouvernement à 5 000 $/crédit.
La prochaine période officielle d’évaluation de la conformité sera de 2019 à 2021. Mais les chiffres vont augmenter : en 2018, un constructeur d’automobiles n’a eu besoin que de couvrir 3,5 % des ventes moyennes de véhicules par an avec des crédits. Ce pourcentage est passé à 6,5 % en 2019 et passera à 9,5 % en 2020 et à 12 % en 2021.
Compte tenu du reste des crédits inutilisés de 2018, le tableau D de la page suivante montre combien de crédits chaque constructeur d’automobiles doit accumuler en moyenne chaque année de 2019 à 2021 — si leurs ventes moyennes de véhicules par an sont restées stables de 2014 à 2016 et de 2016 à 2019. Le tableau présente également deux scénarios de conformité de base comme point de référence.
Pourquoi les concessionnaires de partout au Canada devraient-ils porter une attention particulière à la norme VZE du Québec ? Parce que ses besoins toucheront bientôt un nombre croissant de concessions partout au Canada — à plusieurs égards.
D’abord, la Colombie-Britannique a maintenant adopté une loi visant à établir sa propre norme VZE. On s’attend à ce que cette règle reprenne de nombreux aspects de la règle québécoise à court terme.
Ensuite, si le défaut de vendre suffisamment de véhicules générateurs de crédits en Colombie-Britannique et au Québec peut coûter jusqu’à 5 000 $ par crédit manquant, les constructeurs ont très peu d’incitatifs pour envoyer des véhicules électriques dans d’autres provinces jusqu’à ce qu’ils aient comblé leurs besoins en matière de crédit. La demande est déjà plus élevée que l’offre pour la plupart des véhicules générant des crédits. Cela signifie que les constructeurs d’automobiles doivent prendre des décisions stratégiques sur la façon d’allouer les véhicules entre les régions.
Les constructeurs qui vendent déjà des milliers de véhicules électriques à longue portée par année peuvent facilement construire et vendre beaucoup plus de véhicules générateurs de crédits qu’ils n’en ont besoin pour répondre aux exigences de la Colombie-Britannique et du Québec de 2019 à 2021. D’autres fabricants qui ont une production limitée de VE, cependant, peuvent ne pas avoir ce luxe.
Cela signifie que les concessions de la Colombie-Britannique ou du Québec pourraient se retrouver avec leur fabricant qui les « encourage » à vendre de grands volumes de véhicules générateurs de crédits. Entre-temps, les concessions identiques d’autres provinces pourraient trouver qu’ils ont plus de difficulté à accéder à l’inventaire du constructeur.
Votre fabricant risque-t-il de vous priver de véhicules électriques ou de vous inonder d’un gros inventaire à vendre ?
Vérifiez les deux scénarios de base dans le dernier tableau pour avoir une idée de leur position et du groupe de concessions dans lesquel vous pourriez tomber.
