Devoir cesser d’employer des pratiques éprouvées depuis toujours peut créer de l’incertitude, mais c’est à ce moment-là que l’occasion d’innover se présente.
On a beaucoup parlé de rehausser l’expérience client en ce qui touche les produits financiers et d’assurance. Alors que les concessions utilisent des technologies plus efficaces pour présenter leurs produits, les organismes de réglementation, quant à eux, adoptent des changements qui alourdissent la tâche des concessions qui doivent clarifier le jargon des assurances pour garantir la conformité.
Québec et Alberta
Cet enjeu est particulièrement évident au Québec, en Alberta et en Colombie-Britannique, où les organismes de réglementation surveillent davantage le secteur de l’automobile. Certains sont cependant d’avis que le Québec a été plus intensément sous les feux de la rampe que d’autres provinces.
« Le Québec a toujours eu, je dirais, les réglementations les plus strictes en ce qui concerne les produits à vendre et la manière dont ils peuvent être vendus », a déclaré Will Wheaton, vice-président — Ventes et Marketing à Groupe financier First Canadian, au cours d’une entrevue accordée à Affaires automobiles. « Et l’Autorité des marchés financiers a certainement gardé dans sa mire l’industrie de l’automobile pendant des années, et c’est devenu une priorité. »
En février 2015, l’AMF a publié un communiqué de presse qui cible les pratiques en matière d’assurance automobile. À l’époque, elle a déclaré instaurer des mesures pour mettre un terme aux pratiques commerciales non conformes et ajouté que ces mesures faisaient suite à quatre années d’encadrement de l’assurance de remplacement et des pratiques commerciales associées, y compris plusieurs rappels concernant les obligations légales.
« Je pense qu’elle a fini par décider d’adopter une approche un peu différente et d’apporter des changements assez importants aux produits financiers et d’assurance », a déclaré M. Wheaton.
Pour ce qui est des plus grands ajustements à venir, il voit deux changements majeurs : l’un auquel les concessions devront s’adapter, car la vente de l’assurance-crédit se transforme. Et l’autre est l’assurance de remplacement.
« Elle doit être vendue par un agent agréé… tâche qui, à mon avis, incombera au courtier automobile ou au courtier en assurance collision. Et les concessions sont autorisées à orienter leurs clients vers le courtier automobile, mais elles ne peuvent pas la vendre à moins qu’une personne agréée ne fasse partie de leur personnel. Et je ne sais pas s’ils pourraient le faire ou non. »
Quant à l’Alberta Insurance Council (AIC), il a publié en décembre un bulletin mis à jour sur plusieurs produits financiers et d’assurance qui définit plus clairement ce qu’il souhaite voir, à savoir si les produits sont considérés comme des assurances ou non.
Sur son site web, l’AIC a déclaré que les concessions et les concessions d’équipement qui cherchent à vendre des programmes de fidélisation ou des produits accessoires de protection des véhicules, devront faire souscrire ces produits par des assureurs agréés. Ils devront également « demander et détenir un nouveau type de certificat d’autorisation restreint auprès de l’AIC pour les programmes de fidélisation des concessions et les produits de protection des véhicules » qui autorise la vente de ces produits.
Colombie-Britannique
Quant à la Colombie-Britannique, ni le temps ni la clarté ne semblent être à la disposition des concessions de cette province. Adam Hill, fondateur et président-directeur du Groupe financier LGM, a déclaré que les concessionnaires sont probablement les plus préoccupés, en raison d’un manque de transparence quant aux raisons pour lesquelles l’organisme de réglementation intervient et prend des mesures concrètes.
« Le point, un brin discutable, est le fait de ne pas donner de contexte pour expliquer ces changements, a-t-il déclaré. Mais ce qui inquiète les concessionnaires de la Colombie-Britannique en particulier en ce qui concerne les produits financiers et d’assurance, c’est la volte-face, pour ainsi dire, entre la façon dont la BCFSA examine et applique en ce moment la réglementation sur les produits financiers et d’assurance actuellement sur le marché, et la façon dont elle interprétait ces produits les années précédentes. »
La BCFSA, ou BC Financial Services Authority, est une société d’État. En 2008, alors qu’elle s’appelait la Financial Institutions Commission ou la FICOM, M. Hill a déclaré que l’organisme de réglementation avait publié un bulletin similaire à celui de l’Alberta paru en décembre.
« Il a permis de clarifier quels produits étaient considérés comme des assurances, lesquels ne l’étaient pas et lesquels étaient exemptés. C’était logique et… les concessions se conformeraient à ces paramètres. Mais l’année dernière, la BCFSA a changé d’avis. »
M. Hill a déclaré que l’interprétation de la Loi par l’organisme de réglementation a évolué de telle sorte qu’il est désormais plus difficile pour les concessions de vendre certains produits sans « l’obtention de nombreux permis ».
« Certains de ces changements nous permettront de créer toute une série de nouveaux produits qui seront très pertinents pour les clients, et dont les concessions pourront tirer parti et accélérer la mise en œuvre » — Derek Sloan, président de Sym-Tech Dealer Services
Le fait que l’Insurance Council of British Columbia, comme l’a fait remarquer M. Hill, travaille main dans la main avec la BCFSA vient compliquer encore davantage une situation déjà complexe. Il a déclaré que le conseil n’avait pas été en mesure, ces deux dernières années, de délivrer des permis restreints aux concessions pour leur permettre de vendre certains produits financiers et d’assurance. L’alliance de l’Insurance Council et de la BCFSA, avec leur nouvelle interprétation de la Loi sur les assurances, a amené les concessionnaires à se demander ce qu’ils peuvent vendre.
« Elle (la BCFSA) veut que certains produits soient retirés de l’environnement des concessions afin qu’ils ne puissent plus être proposés aux consommateurs, a déclaré M. Hill qui cite l’exemple du produit de protection esthétique. Dans le contexte actuel, la BCFSA prétend que nous pensons qu’il s’agit d’un produit d’assurance. Une concession devrait être une agence d’assurance à part entière, et les personnes qui représentent ce produit, les directeurs financiers, devraient également être agréées. »
LGM conteste activement la nouvelle interprétation que la BCFSA a apportée au marché. La société a demandé à la Cour suprême que l’organisme de réglementation interprète la Loi et détermine quels produits actuellement vendus par les concessions sont en réalité des produits d’assurance et lesquels ne nécessitent pas de permis.
« Nous cherchons d’autres personnes pour se joindre à nous à titre d’intervenants ou pour fournir des affidavits, et cela pourrait inclure des concessions qui sont touchées négativement par ce nouveau bulletin, des fabricants ou, même, d’autres fournisseurs tiers de produits financiers et d’assurance qui estiment que l’interprétation de la Loi sur les assurances a été un peu trop élargie dans le bulletin », a déclaré M. Hill.
Aller de l’avant sous surveillance réglementaire
Derek Sloan, président de Sym-Tech Dealer Services, pense que les changements réglementaires que nous observons ne sont que la pointe de l’iceberg. Il conseille donc de faire preuve de diligence tout au long du processus, de travailler avec l’organisme de réglementation et de tenter de comprendre les changements.
« Certains changements sont apportés parce que certaines règles n’ont pas été respectées par le passé et sont devenues une source de frustration, a déclaré M. Sloan. Je serai plus précis. L’AMF […] a été très frustrée par son expérience de collaboration avec les concessions et les fournisseurs, et a simplement eu l’impression qu’elle n’obtenait pas les résultats attendus. Elle a donc procédé au changement, et c’est très bien. »
« Maintenant, si je suis un concessionnaire, est-ce que cela me concerne ? a demandé M. Sloan. Vous êtes toujours préoccupé quand vous employez des pratiques éprouvées et que, soudainement, elles pourraient être modifiées. Absolument. Je vous dirai que le changement prend en fait son temps en termes de processus, plus qu’en Colombie-Britannique. La Colombie-Britannique prend simplement une décision, et hop, c’est fait. Ce qui représente un défi. Est-ce la bonne approche ? Non, ce n’est pas vraiment la bonne approche. »
Cependant, selon M. Sloan, ces changements représentent une occasion d’innover. Il a déclaré que quand les choses restent les mêmes pendant de nombreuses années, une certaine léthargie peut s’installer. On peut devenir « un peu plus passif ».
Mais le changement est aussi l’occasion de devenir novateur. Selon M. Sloan, cela permet de prendre en compte l’environnement changeant et en évolution, et de trouver une meilleure façon de faire les choses ou d’apporter quelque chose de nouveau.
« Certains de ces changements nous permettront de créer toute une série de nouveaux produits qui seront très pertinents pour les clients, et dont les concessions pourront tirer parti et accélérer la mise en œuvre », a déclaré M. Sloan, faisant mine de le dire en secret.
Alors que les concessions se familiarisent avec le jargon de l’assurance et travaillent avec leurs fournisseurs pour mieux comprendre les changements réglementaires à venir, l’innovation est probablement en train de sortir de sa léthargie.
Sébastien Alajarin est vice-président Québec d’iA Services aux concessionnaires et président de Garantie Nationale. Pour ce qui est de l’environnement des services financiers au Québec, il affirme que les changements profiteront à terme aux consommateurs. « Le contexte réglementaire mondial évolue rapidement et vise à offrir un traitement plus équitable aux consommateurs », a déclaré M. Alajarin.
« Les provinces sont en train de modifier leurs réglementations en fonction des problèmes qu’elles ont détectés. Bien que certains changements nécessitent des ajustements importants des points de vue opérationnel et technologique, nous pouvons affirmer que les consommateurs en tireront des avantages considérables », a-t-il déclaré.
Plus précisément, les changements au Québec perturberont la manière dont les produits sont actuellement achetés et vendus. « Le projet de loi 72 obligera le créancier d’un produit d’assurance à contacter le consommateur après l’annulation de la protection, afin de déterminer comment le montant à payer sera appliqué à son prêt », a expliqué Sébastien Alajarin. En outre, le projet de loi 30 marquera la fin de l’assurance-crédit à prime unique et retirera aux concessionnaires le droit de vendre une assurance de remplacement.
Toutefois, M. Alajarin a indiqué que ces changements pourraient également améliorer les relations entre les concessionnaires et les acheteurs de véhicules. « J’encourage les concessionnaires à accueillir le changement. Quand une page se tourne, cela signifie qu’il est temps de passer à la suivante. Chez iA Services aux concessionnaires, nous serons prêts à aider nos partenaires à répondre aux nouvelles exigences réglementaires. »
