On fait la guerre aux voitures !

juillet 29, 2024

Les nouvelles politiques gouvernementales et le contrôle accru des organismes de réglementation qui visent à protéger les consommateurs rendent la vente de voitures et de produits de financement et d’assurance plus difficile.

De nombreuses concessions canadiennes de même que les associations de concessionnaires sont de plus en plus frustrées par les obstacles que les organismes de réglementation fédéraux et provinciaux leur imposent et qui peuvent avoir des répercussions négatives sur leurs activités. On pourrait mieux décrire le phénomène comme une guerre contre les voitures. Ou, du moins, une guerre contre les gens qui les vendent pour gagner leur vie.

On en a eu un bon exemple en Ontario, au mois de mai, alors qu’une proposition a été présentée au ministère Services au public et aux entreprises pour accorder aux consommateurs un délai de réflexion de deux jours pour renoncer à une voiture après l’avoir achetée. Pourquoi ? Parce que les consommateurs doivent être protégés contre eux-mêmes.

L’association Motor Vehicle Retailers of Ontario (MVRO) avait de nombreuses réserves quant à cette proposition, estimant qu’elle créerait des formalités administratives et rendrait plus difficile la conduite des affaires pour les vendeurs et les autres personnes impliquées dans la vente de véhicules si elle était adoptée. L’association et ses membres ont collectivement exprimé leurs inquiétudes au ministère qui a rapidement retiré la proposition. 

« Je pense que c’est une grande victoire pour les concessionnaires puisque l’écart n’était pas très judicieux par rapport à la situation actuelle de notre secteur », a déclaré Shahin Alizadeh, président-directeur général de Downtown Auto Group, au cours d’une entrevue avec Affaires automobiles. « Nous sommes plus transparents, nous sommes ouverts à la législation et à la réglementation, mais nous sommes régis de six façons différentes. Nous n’avons pas besoin de plus de bureaucratie. Dans les faits, cela ralentit le processus pour nous et pour le consommateur. »

La période de réflexion était l’une des 14 propositions présentées au ministère à partir des recommandations du MVRO et d’un rapport du Vérificateur général. Il n’y a pas de calendrier précis pour l’adoption de ces propositions par voie législative. Ces propositions visent à améliorer l’efficacité réglementaire de l’Ontario Motor Vehicle Industry Council (OMVIC) et à renforcer la protection des consommateurs.

M. Alizadeh a mentionné que les concessionnaires espèrent que le gouvernement rationalisera les propositions en les réduisant à 2 ou à 3 éléments importants sur lesquels tout le monde pourra s’entendre.

« En général, je trouve que certaines agences gouvernementales cherchent simplement une raison d’être, et la période de réflexion en est un exemple classique », a déclaré M. Alizadeh. « Je pense que le ministre s’en est rendu compte grâce aux commentaires de l’industrie. »

John White, directeur national Développement des affaires du First Canadian Financial Group et ex-président et chef de la Direction de la Corporation des associations de détaillants d’automobiles (CADA), a déclaré qu’il y avait trop de réglementations et d’interférences gouvernementale appliquées à l’industrie de l’automobile canadienne.

« Le problème, ce n’est pas que nous ne leur parlons pas ou qu’ils ne nous écoutent pas ; le fait est qu’ils ne tiennent pas compte de ce que nous leur disons dans leurs décisions. Nous nous battons avec beaucoup d’ardeur, notre association est bien organisée, c’est donc une opération au quotidien avec ce gouvernement. » 

— Ian P. Sam Yue Chi

« Dans certaines juridictions, la situation est devenue incontrôlable », a déclaré M. White. « Je pense que les gouvernements mettent parfois naïvement en œuvre des lois qu’ils croient utiles aux consommateurs. Souvent, ils ne se rendent pas compte que la législation qu’ils proposent peut avoir des effets négatifs. Bien sûr, nous voulons nous assurer que les consommateurs soient traités de manière juste et équitable, mais dans quelle mesure ? »

La directrice générale et registraire de l’OMVIC, Maureen Harquail, a déclaré à Affaires automobiles qu’elle ne pouvait pas parler au nom des autres organismes gouvernementaux et leur demander s’ils exerçaient une réglementation excessive. Elle a déclaré que l’OMVIC existe depuis 27 ans et elle estime qu’il fait du bon travail.

« Il faut garder à l’esprit que nous fonctionnons avec la même réglementation et la même législation depuis 2010, donc pour ce qui est de nos pouvoirs, ils n’ont pas changé », a déclaré Mme Harquail. « Certaines de nos pratiques, peut-être même certaines de nos procédures, ont changé, mais en fin de compte, nous avons la législation que nous sommes tenus d’administrer et de faire respecter et nous le faisons avec les outils dont nous disposons.

« Je pense que ce dont de nombreux concessionnaires doivent se souvenir, c’est que, même si notre mission première consiste à protéger les consommateurs, nous sommes également là pour protéger les concessionnaires. Nous recevons souvent des plaintes de concessionnaires sur d’autres concessionnaires.

« Si l’expérience d’un consommateur avec un concessionnaire est claire, ouverte et transparente, et que tout le monde sait ce qu’il attend des autres, n’est-ce pas une meilleure façon de procéder ? »

Shahin Alizadeh estime que certaines provinces et certains territoires canadiens fonctionnent selon le « concept du Far West ». Toutefois, en Ontario, il existe simplement une réglementation « constante et continue » qui oblige les directeurs de concessions à consacrer plus de temps à la formation de leur personnel.

« Je ne pense pas que nous ayons besoin de nouvelles réglementations, très franchement », a déclaré M. Alizadeh. « De notre côté, nous avons un très grand nombre de clauses restrictives qui s’appliquent à notre entreprise. Certaines d’entre elles nous coûtent de l’argent si nous ne les respectons pas. La protection est donc suffisante. Dieu seul sait combien de fois nous avons surmonté ce type de problèmes au cours des 40 dernières années où j’ai travaillé dans le secteur. »

Au Québec, l’industrie de l’automobile s’adapte et s’ajuste aux décisions prises par le gouvernement provincial. Dans le budget de mars 2024, par exemple, le gouvernement a annoncé son intention de mettre fin aux rabais à l’achat ou à la location d’un véhicule électrique par les consommateurs d’ici la fin de 2027.

Le programme de rabais a été introduit en 2012 pour stimuler les ventes de véhicules électriques, mais le gouvernement a décidé qu’il n’était plus nécessaire en raison de l’intérêt déjà suffisant des consommateurs, et du coût de son financement d’environ 400 millions de dollars entre avril 2023 et janvier 2024.

À compter de janvier 2025, l’incitatif actuel de 7 000 $ offert aux consommateurs qui achètent un véhicule entièrement électrique passera à 4 000 $. En 2026, il sera ramené à 2 000 $. Les véhicules hybrides rechargeables sont actuellement admissibles à une subvention de 5 000 $ qui passera à 2 000 $ l’an prochain, à 1 000 $ en 2026, puis à rien.

Ian P. Sam Yue Chi, président-directeur général de la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec (CCAQ), a déclaré à Affaires automobiles que son groupe avait fait pression sur le gouvernement du Québec pour qu’il modifie sa décision, estimant qu’elle aurait « absolument » un impact sur les ventes de véhicules électriques et sur les objectifs ambitieux de véhicules à zéro émission.

« Il n’y a pas encore de parité entre le prix des véhicules à combustion interne et celui des véhicules électriques, la différence est de plus de 20 000 $ par véhicule », a déclaré Ian P. Sam Yue Chi. « S’ils vont de l’avant avec cette décision d’y mettre fin d’ici 2027, ce sera le mauvais message à envoyer aux Québécois en ce qui concerne la transition vers les véhicules électriques. À mon avis, les rabais n’ont jamais été aussi pertinents qu’aujourd’hui et dans les prochaines années, car les gens ne sont pas convaincus des avantages des véhicules électriques. »

Trois mois après son arrivée au pouvoir en Ontario en 2018, le premier ministre Doug Ford a annulé le programme de rabais à l’achat d’un véhicule électrique mis sur pied par les Libéraux ; ce programme offrait jusqu’à 14 000 $ aux acheteurs d’un véhicule électrique. L’annulation du programme a immédiatement entraîné une chute considérable des ventes annuelles de véhicules électriques en Ontario. Son gouvernement a plutôt choisi d’investir des milliards de dollars dans des entreprises qui fabriquent des véhicules électriques et dans les infrastructures.

Ian P. Sam Yue Chi a déclaré que même si son association reste proche de l’environnement et des ressources naturelles du gouvernement provincial, cela n’a peut-être pas d’importance.

« Le problème, ce n’est pas que nous ne leur parlons pas ou qu’ils ne nous écoutent pas ; le fait est qu’ils ne tiennent pas compte de ce que nous leur disons dans leurs décisions », a déclaré Sam Yue Chi. « Nous nous battons avec beaucoup d’ardeur, notre association est bien organisée, c’est donc une opération au quotidien avec ce gouvernement. »

M. White a émis une opinion similaire.

« Les législateurs doivent prendre du recul et veiller à tenir compte des commentaires des parties prenantes et à prendre leurs recommandations au sérieux avant de rendre leur décision », a déclaré M. White. « Malheureusement, les décisions sont souvent prises d’avance. »

Plusieurs projets de loi adoptés au Québec au cours des deux dernières années ont également eu un impact sur l’association et ses membres. La loi 29 – le droit à la réparation – vise à protéger les consommateurs contre l’obsolescence programmée et à favoriser la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens. Elle ne vise pas strictement les automobiles, mais on la qualifie de loi citron, car un véhicule serait considéré comme désuet si les pièces nécessaires à sa réparation étaient en attente indéfiniment ou n’étaient plus produites.

Ian P. Sam Yue Chi a déclaré que des éléments du projet de loi existaient déjà, et que c’était « plus politique que pratique ». Il a ajouté qu’il ajoutait beaucoup de « complexité et de paperasserie » pour répondre aux demandes des consommateurs en temps voulu et gérer le délai prévu par la loi.

« Nous devons être plus rigoureux dans notre documentation concernant ce que nous faisons sur les voitures, plus rigoureux dans notre communication avec le fabricant pour nous assurer que nous ne créons pas artificiellement des voitures à problèmes qui ne sont pas des voitures à problèmes », a déclaré Ian P. Sam Yue Chi.

Le Québec est la première province canadienne à avoir adopté une loi sur le droit à la réparation. À l’heure actuelle, cette loi n’est en vigueur qu’en Australie, en Afrique du Sud et aux États-Unis, bien que les modalités varient selon les pays et les États.

Le projet de loi 30 s’applique à la distribution de produits et de services financiers vendus par les concessions d’automobiles neuves et d’occasion et de véhicules récréatifs. Il s’applique plus particulièrement à l’assurance de remplacement, qui, à compter du 1er juillet 2026, ne pourra être vendue que par des courtiers ou des vendeurs d’assurance inscrits. Les directeurs F et A actuels des concessions ne sont pas considérés comme des représentants certifiés.

Un autre aspect du projet de loi 30 touche les polices d’assurance-vie, d’assurance-maladie et d’assurance-perte d’emploi — l’assurance-crédit — qui seront limitées à une période d’un an.

Par la suite, le concessionnaire devra s’informer auprès du consommateur pour savoir s’il souhaite ou non conserver sa couverture. L’assurance de remplacement et l’assurance-crédit sont actuellement intégrées dans les versements mensuels. On estime que l’assurance de remplacement et l’assurance-crédit représentent collectivement 400 millions de dollars par année au Québec pour toutes les concessions de véhicules neufs et d’occasion, ainsi que pour les véhicules récréatifs et les sports motorisés.

« Nous verrons comment concevoir le produit pour garantir la pérennité de notre activité », a déclaré Ian P. Sam Yue Chi. « L’assureur nous le dira, mais, à partir d’aujourd’hui, il pourrait être plus difficile de distribuer ces produits. »

La raison pour laquelle le projet de loi 30 n’entrera pas en vigueur immédiatement réside dans le fait que la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec a fait pression pour obtenir plus de temps.

« Je pense que les concessionnaires devront s’assurer de vendre le bon produit et de s’assurer qu’il soit totalement pertinent à l’avenir afin que le client ait ce dont il a besoin pour entretenir la voiture pendant toute la durée du prêt », a déclaré Ian P. Sam Yue Chi. « Cela pourrait modifier le temps que nous passons avec le client pour présenter les produits. »

Norman Hebert Jr, président du Groupe Park Avenue, a embauché il y a 18 mois un responsable de la conformité à temps plein dans le but précis de s’assurer que l’entreprise exécute correctement les divers changements apportés par les gouvernements au cours des dernières années. Son père, qui a fondé l’entreprise, avait une formation juridique, et M. Hebert Jr a donc déclaré qu’il n’était pas nécessaire d’embaucher un responsable de la conformité pour gérer toutes les initiatives gouvernementales.

« Je n’ai rien à redire sur les initiatives, mais quand on fait tout en même temps, nous ne voulons pas courir le risque de rater quelque chose », a déclaré M. Hebert Jr.

Lorsqu’on a demandé à Ian P. Sam Yue Chi s’il y avait trop de lois au Québec, il a répondu par l’affirmative et a ajouté que ça s’étendait également au fédéral.

« Nous n’en avons pas besoin de plus, nous en avons besoin de moins », a déclaré Ian P. Sam Yue Chi.

M. White a déclaré que les concessionnaires devraient être conscients de ce qui se passe sur le plan législatif et travailler en étroite collaboration avec leurs associations et tous les autres intervenants de l’industrie.

« Avec tout ce qui se passe, les concessionnaires doivent être au courant de tout et essayer d’apporter des changements avant que ceux-ci ne leur soient imposés », a déclaré M. White.

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