Réalité ou illusion ?

2025, l’occasion unique d’améliorer la compétitivité du Canada

Durant presque toute la dernière décennie, la compétitivité et la productivité du Canada n’ont pas été des sujets de discussion très présents dans les débats nationaux, loin derrière les gros titres plus urgents consacrés aux querelles partisanes, aux objectifs climatiques ou à l’inflation. 

Au cours de la campagne fédérale de 2025, la tendance a lentement mais sûrement évolué vers un débat économique complètement différent de celui qui prévalait ces dernières années. 

En réalité, tout au long de la campagne, une bonne partie du débat politique a porté sur l’incertitude qui entoure les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis. Pour notre industrie, plus précisément, cette vague d’insécurité découle d’un argument légitime : tout ce qui touche à l’automobile en Amérique du Nord est profondément intégré à l’économie et à la capacité de production des États-Unis. 

Malheureusement, cette incertitude, cette insécurité et cette crainte ont provoqué un sentiment qui pourrait faire entrer notre économie et notre industrie dans une ère totalement différente. 

Au Canada, le débat a dépassé le cadre de la défense contre les menaces extérieures et a commencé à intégrer des arguments économiques importants sur notre propre compétitivité : nécessité d’investir dans des infrastructures modernes, de faire de la productivité une priorité nationale et, même, de réduire prudemment notre dépendance excessive à l’égard des États-Unis, actuellement notre principal partenaire commercial.

Il est évident que, avec les visites trop fréquentes et trop organisées d’une ferme ou d’une usine locale, chaque campagne électorale est marquée par la promotion et le soutien public de diverses causes par les politiciens. En réalité, le débat inévitable sur la croissance de l’industrie canadienne a donné lieu à quelque chose d’unique et d’important : des arguments mieux structurés et des propositions de politiques sur la résilience économique nationale.

À présent, alors que le gouvernement du premier ministre Mark Carney s’installera au cours des prochains mois, la volonté politique de se concentrer sur la productivité, la résilience économique et la coordination nationale se renforce, non seulement en réaction à l’incertitude américaine, mais aussi comme fondement nécessaire à la prospérité à long terme.

Bien qu’il n’ait jamais été question de rompre les liens économiques profonds et précieux avec les États-Unis, cela reflète une prise de conscience croissante que la prospérité ne repose pas uniquement sur l’espoir d’une stabilité au sud de la frontière. Il s’agit de cultiver et de créer davantage de débouchés ici au pays. 

Pour l’industrie de l’automobile canadienne, cela signifie qu’il faut élaborer de nouvelles politiques innovantes et éliminer celles qui sont inefficaces, élargir les cadres réglementaires et favoriser un environnement où la concurrence stimule le marché, et non des initiatives partisanes. 

Naturellement, le sujet le plus facile à aborder dans le cadre de cette introspection nationale a été celui du commerce entre provinces. La reprise de ce débat économique important mais longtemps négligé vient de l’initiative publique de nombreux premiers ministres provinciaux canadiens, comme Tim Houston, de la Nouvelle-Écosse, qui a insufflé un nouvel élan à la réduction des frictions réglementaires qui continuent de segmenter le marché intérieur du Canada. 

Les concessionnaires attendaient cette mesure depuis longtemps, car leurs activités peuvent parfois s’étendre sur plusieurs provinces. Bon nombre des défis auxquels ils sont confrontés, disparités réglementaires, accessibilité et coût des véhicules, pénurie de main-d’œuvre qualifiée, ne sont pas limités aux frontières provinciales, comme le font souvent nos règles.

La simplification de la réglementation entre les provinces pourrait réduire les coûts pour les entreprises, accélérer la vente ainsi que la livraison des véhicules et améliorer la mobilité de la main-d’œuvre, autant de facteurs essentiels qui stimulent l’efficacité dans un marché difficile et changeant. 

Certes, l’ambition est réelle, mais il serait naïf de penser que cela se fera sans heurts. Un grand nombre des obstacles actuels découlent de politiques régionales, de structures économiques ou de préférences institutionnelles profondément enracinées. 

Ils ne sont pas apparus du jour au lendemain, et leur suppression sera tout aussi complexe. Dans bien des cas, les barrières commerciales existent parce qu’elles protègent certains intérêts, certains plus évidents que d’autres, ce qui signifie que toute réforme deviendrait rapidement politique. 

Cependant, même des progrès très réels sur le plan interprovincial, qui restent encore à confirmer, ne suffiront pas. Cette discussion était nécessaire avant et pendant les élections, mais elle a également permis aux premiers ministres provinciaux de faire preuve de leadership à un moment où il faisait défaut l’échelle fédérale.

Si nous sommes vraiment déterminés à améliorer la compétitivité et à soutenir la croissance des petites entreprises à long terme, le gouvernement fédéral ne peut pas se contenter d’observer les efforts des provinces. Ottawa a un rôle direct à jouer pour s’assurer que les politiques nationales soutiennent, plutôt que d’entraver, les petites entreprises comme les concessions d’automobiles.

C’est là que les concessions d’automobiles entrent en jeu. À titre de l’un des plus importants employeurs du secteur privé au pays, présent dans presque toutes les circonscriptions électorales et comblant le fossé entre les zones urbaines et rurales, notre secteur est particulièrement bien placé pour démontrer à quel point le commerce de détail d’automobiles est souvent touché par les barrières commerciales interprovinciales ou par les politiques et la réglementation fédérales. 

Il faut atténuer certains des effets inflationnistes des droits de douane sur les véhicules et les pièces d’automobiles, mais également revoir les exigences politiques ou réglementaires actuelles qui limitent la capacité des concessions à être concurrentielles, à optimiser leurs activités et à obtenir des produits moins coûteux et plus accessibles. 

À cet égard, la Corporation des associations de détaillants d’automobiles (CADA) a récemment lancé un Cadre sur la compétitivité de l’industrie de l’automobile en cinq volets qui établit une feuille de route claire sur la manière dont le gouvernement fédéral peut agir, non pas d’une manière isolée mais en partenariat avec l’industrie, afin d’améliorer la compétitivité du secteur de l’automobile canadien. 

Ce cadre propose des mesures pragmatiques, réalistes, applicables et ciblées qui permettraient de réaliser des gains d’efficacité, d’alléger les pressions liées à l’abordabilité et, en fin de compte, de profiter aux consommateurs canadiens. 

L’amélioration de notre résilience économique n’a jamais été une question de grands gestes ni de programmes coûteux. Si l’on tient compte de la réalité à laquelle les concessions d’automobiles et les consommateurs doivent faire face, Il s’agit de mesures concrètes qui peuvent éliminer les obstacles inutiles en cette période d’incertitude économique.

L’occasion de repenser le modèle économique du Canada se présente, car il semble que les politiciens et les particuliers soient prêts à discuter de cette question. Il faudra du leadership de la part des provinces, du secteur de l’automobile et du secteur privé dans son ensemble, mais cela dépendra en fin de compte de la volonté du gouvernement fédéral d’aller au-delà de la simple reconnaissance du problème. 

Les prochains mois permettront à plusieurs Canadiens et Canadiennes de déterminer si ce discours sur le renforcement de notre économie était légitime ou s’il s’agissait d’une manœuvre électoraliste habituelle. Néanmoins, si nos élus manifestent une réelle volonté d’améliorer la compétitivité du Canada, les concessionnaires d’automobiles sont et seront prêts à apporter leur aide.

À propos de Charles Bernard

Charles Bernard est économiste en chef à la Corporation des associations de détaillants d’automobiles (CADA). Vous pouvez le joindre à l’adresse suivante : cbernard@cada.ca

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