引领世界 (À la conquête du monde)
En avril dernier, au cours d’un voyage d’études de cinq jours organisé par la Corporation des associations de détaillants d’automobiles (CADA), un groupe de concessionnaires d’automobiles canadiens a eu la chance d’apprendre les rouages de l’industrie de l’automobile chinoise. De retour et en toute connaissance, ils ont encouragé leurs collègues concessionnaires à aller constater par eux-mêmes. Si les constructeurs d’automobiles chinois s’installent au Canada, il serait judicieux, d’un point de vue économique, d’en savoir plus à leur sujet.
En matière de commerce et de politique, les Chinois sont réputés pour leur vision à long terme. En ce qui a trait au secteur de l’automobile, leur objectif à long terme est on ne peut plus clair : dominer le monde en matière de production d’automobiles mondiale, d’exportation, de technologie et d’innovation.
La montée rapide des constructeurs d’automobiles chinois suscite curiosité et inquiétudes à l’échelle de l’industrie mondiale de l’automobile. Ces craintes sont bien fondées, car le reste du monde n’est pas encore prêt à rivaliser directement, surtout en termes de prix.
En 2023, la Chine a dépassé le Japon à titre de premier exportateur mondial de véhicules. En 2024, elle a exporté plus de 6,4 millions de véhicules, soit une hausse de 23 % par rapport à l’année précédente. Elle ne se limite pas à la vente de véhicules électriques, puisque seulement 21,9 % de ses exportations comprenaient des véhicules électriques à batterie (VÉB) ou des véhicules hybrides rechargeables (VHR).
Les concessionnaires se sont rendus au cœur même de l’industrie de l’automobile, principalement à Shanghai et dans ses environs, et sont revenus avec de nouvelles perceptions et perspectives.
L’augmentation spectaculaire de la production, alimentée par des investissements gouvernementaux ciblés, est la clé de l’histoire. Cela a donné lieu à un environnement extrêmement concurrentiel entre 90 et 100 constructeurs chinois qui ont produit 31 millions de véhicules l’année dernière. (La situation est tellement intense que personne ne parvient même à s’accorder sur le nombre exact de constructeurs en activité.)
Certains, comme BYD, Geely et Chery, sont des géants bien établis, tandis que d’autres sont de nouveaux acteurs spécialisés dans des créneaux précis. Ils ont un point commun : ils luttent farouchement pour leur survie et leur utilité. Une fusion est inévitable, et il reste à voir qui émergera lorsque les choses se seront calmées.
Qu’est-ce que cela signifie exactement pour le Canada et les concessionnaires d’automobiles canadiens ?
C’est précisément ce qu’un groupe de 13 concessionnaires canadiens ont entrepris de découvrir par eux-mêmes ce printemps, lorsqu’ils ont participé à un voyage d’études de cinq jours en Chine, dirigé et organisé par leur Corporation des associations de concessionnaires d’automobiles (CADA).
Le voyage était mené par Bruce Rosen, directeur des Relations industrielles de la CADA, et un seul délégué non concessionnaire en faisait partie, Niel Hiscox, éditeur du magazine Canadian auto dealer et chef de la Direction Clarify Group, un cabinet-conseil.
Les concessionnaires se sont rendus au cœur même de l’industrie de l’automobile, principalement à Shanghai et dans ses environs, et sont revenus avec de nouvelles perceptions et perspectives.
La CADA et les concessionnaires ont clairement indiqué que cette délégation n’avait pas pour objectif de rechercher des partenariats ou des franchises avec les constructeurs chinois, mais plutôt de s’informer sur la croissance rapide du secteur de l’automobile en Chine, de visiter des usines de fabrication et des commerces de vente au détail, et de s’entretenir avec des experts de premier plan.
La question de savoir ce qui se passera au Canada, si et lorsque les constructeurs chinois s’y installeront, reste ouverte, mais ce n’était pas une question à laquelle la délégation cherchait réponse.
Affaires automobiles a rencontré certaines personnes qui participaient au voyage d’études en Chine et leur a demandé de partager leurs impressions dans ce reportage spécial.
Ce qui est ressorti de tous les entretiens est leur enthousiasme à partager leurs récits de ce dont ils ont été témoins et leur désir de promouvoir la possibilité de visiter la Chine auprès d’autres concessionnaires.
La CADA envisage organiser d’autres voyages d’étude et d’élargir la participation afin d’inclure davantage de concessionnaires canadiens.
Dans un sondage réalisé auprès des participants au retour du voyage, 100 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles recommanderaient le voyage d’études en Chine à un ami ou à un collègue. Soixante-sept pour cent d’entre elles ont déclaré que la CADA devrait organiser un voyage d’études similaire chaque année, tandis que 17 % ont estimé que cela devrait être fait tous les deux ans.
Personnes participant au voyage d’études en Chine
- Mal Barber
- Marc Bourassa
- Steve Chipman
- Michael Croxon
- Patrice Demers
- Craig Dunn
- Mark Falkenberg
- Jonathan Hickman
- Niel Hiscox (Universus)
- Brian Leggat
- Jordan Romeril
- Bruce Rosen (CADA)
- Alexandre Saillant
- Charles Saillant
- Debbie Yannakidis
Objectifs du voyage d’études en Chine
- Permettre aux personnes participantes de se plonger dans une exploration approfondie du marché de l’automobile chinois
- Accroître leurs connaissances et élargir leurs perspectives sur l’approche chinoise en matière d’innovation dans le domaine des véhicules électriques
- Découvrir la technologie, le design et les expériences de vente au détail des avancées chinoises
- Visiter des salles d’exposition, assister à des séances interactives et à des échanges avec des experts
- Acquérir une compréhension approfondie des stratégies qui façonnent le paysage chinois des véhicules électriques
- Informer et inspirer des perspectives sur la politique et l’innovation en matière de véhicule électrique
Source: CADA
En termes de véhicules électriques, elle est le pays le plus avancé du monde. C’est remarquable. La technologie, l’expérience électronique embarquée dans son ensemble, la qualité de fabrication : tout est absolument de classe mondiale.
— Niel Hiscox, président d’Universus et de Clarify Group
Programme du voyage d’études en Chine
JOUR 1
- Aperçu de l’écosystème chinois des véhicules électriques
- Rencontre avec les représentants des services de délégués commerciaux du Consulat général du Canada
- Visite d’un commerce de détail de véhicules électriques NIO et Li Auto
- Visite de la boutique phare mondiale de Huawei
JOUR 2
- Visite des commerces de détail de véhicules électriques Xiaomi, Li et IM
- Supermarché numérique d’Alibaba
- Rencontre avec un représentant eVTOL
- Discussion avec Lei Shing, propriétaire et exploitant de Hong Kong Auto Group
- Visite de bureaux d’architectes et visite du site du complexe urbain « 1 000 arbres ».
JOUR 3
- Visite de l’usine de fabrication NIO
- Visite de l’usine de fabrication VW Anhui
JOUR 4
- Présentation conjointe et réunion avec la Corporation des concessionnaires de l’Australie
- Visite d’un commerce de détail à Ludong
- Présentation de Connie Cha, OMD Chine, sur l’évolution des comportements des consommateurs
JOUR 5
- Visite au Salon de l’auto de Shanghai 2025
- Rencontre avec le Consul général du Canada
Source: CADA
Charles Saillant, coprésident du Groupe Saillant, Québec, Québec
Mon frère Alex a également participé au voyage. À notre retour, je lui ai demandé : « M’aurais-tu cru si je t’avais raconté tout ce que j’ai fait et vu pendant ces six jours en Chine ? » Et savez-vous ce qu’il a répondu ? « Non, Charles, je ne t’aurais pas cru. »
C’est le genre de voyage qu’il faut faire pour le croire. Je savais que la Chine n’est pas un pays du tiers-monde, mais je pensais visiter un pays en développement. J’ai été impressionné par ce que j’ai vu là-bas. Le pays est en avance sur nous à maints égards.
Le gouvernement chinois subventionne les constructeurs chinois, mais il laisse véritablement le marché décider des gagnants. Il existe actuellement un grand nombre de constructeurs, mais je pense qu’à long terme, il n’en restera peut-être plus que 12 à 15, et que les 5 principaux seront trop importants pour faire faillite et bénéficieront du soutien du gouvernement.
J’ai appris que 59 % des acheteurs chinois n’ont jamais acheté de voiture auparavant. Ils ne se soucient pas autant de la fiabilité ou des performances de conduite; ce qui les intéresse, c’est la technologie et la connectivité. C’est le Saint Graal que tous les fabricants recherchent actuellement : permettre aux consommateurs d’être connectés en temps réel à toute l’information dont ils ont besoin.
En matière de technologie de connectivité, ils ne sont pas seulement quelques pas devant nous, ils en sont à des années-lumière. Ils disposent d’applications dont nous ne pouvons même pas rêver actuellement. Ils les appellent les « super-applications ». Certaines proposent de bons restaurants, affichent les menus, et vous permettent de commander pendant que vous conduisez. Le repas est prêt lorsque vous arrivez.
Une autre application vous informera lorsqu’il sera temps pour vous de vous faire couper les cheveux, trouvera un salon à proximité et prendra un rendez-vous qui correspond à votre emploi du temps. Tout est vraiment connecté, c’est incroyable. Il est impossible de s’ennuyer dans des véhicules chinois avec la technologie dont ils sont équipés actuellement, c’est tout simplement impressionnant.
Pour tous les véhicules électriques, les VUS et les véhicules rechargeables, ces gens sont très sérieux. Je pense que les droits de douane sont une bonne chose, mais il ne s’agit que d’une mesure temporaire. J’espère que cela laissera suffisamment de temps aux constructeurs traditionnels pour s’adapter rapidement afin que nous puissions rivaliser avec les Chinois et suivre le même rythme qu’eux.
Le voyage n’avait pas pour objectif de conclure des accords pour attirer les Chinois ici. Si vous êtes concessionnaire et que vous envisagez de passer les dix prochaines années dans ce secteur, il est essentiel de bien comprendre ce qui vous attend.
Les constructeurs chinois, pour la plupart, ont adopté un modèle basé sur les concessions plutôt qu’un modèle d’agence ou un modèle Tesla. Il existe donc des possibilités. À titre de concessionnaires, nous vendons les véhicules les plus performants sur le marché à un moment donné. Cependant, je comprends parfaitement que nous investissons dans nos installations et dans les marques, et que nous souhaitons rester fidèles à ces marques.
En ce qui concerne les installations des concessions que nous avons observées, elles sont différentes. Il n’y a pas de fenêtres, seulement du béton, pas de carreaux décoratifs, pas même de fenêtres. Parfois, ils se trouvaient dans les sous-sols des centres commerciaux. Peut-être qu’ils changeront lorsqu’ils devront rivaliser avec les très belles salles d’exposition des constructeurs traditionnels. En Chine, on consacre la totalité de l’argent aux véhicules.
Jonathan Hickman, vice-président, Hickman Automotive Group
Je ne suis pas parti en Chine avec beaucoup d’idées préconçues. J’y suis allé l’esprit ouvert. Je n’ai pas effectué de recherches, j’ai préféré laisser aller les choses, suivre le courant et regarder ce qui se produirait.
J’ai été stupéfait par la rapidité avec laquelle ils accomplissent toutes leurs tâches. Non seulement dans l’industrie de l’automobile, mais dans leur façon de penser, d’interagir. Ils sont tellement avant-gardistes que je me suis demandé si je pourrais suivre leur rythme. Je ne suis tout simplement pas habitué à la rapidité avec laquelle ils travaillent et à la façon dont ils font avancer les choses à un rythme aussi effréné.
C’est également bien pensé. Il ne s’agit pas simplement de « faire ». Ils ont bien réfléchi, puis ils ont concrétisé leur projet. Ils ne se tournent pas les pouces et ne se remettent pas en doute. Ils ne se laissent pas arrêter par de menus obstacles. Une fois qu’ils ont pris une décision et élaboré un plan efficace, ils passent à l’action.
Je pensais que nous allions voir des véhicules bon marché, fabriqués en série. Les véhicules qu’ils ont conçus sont en harmonie avec les souhaits des consommateurs. C’était impressionnant de voir toute la technologie qu’ils ont intégrée. Ils n’ont pas surchargé le véhicule de technologie au point de se sentir perdu à l’intérieur. Vous pouvez personnaliser votre véhicule bien plus que ceux qu’on voit au Canada. Les véhicules avaient un style remarquable. Ils ont utilisé des couleurs très intéressantes, ce qui a rendu leurs véhicules beaucoup plus attrayants.
Je suis convaincu qu’ils considèrent l’Amérique du Nord comme un marché très important à conquérir. Ils ne peuvent donc pas se permettre de commettre d’erreur. Ils n’aiment pas commettre des erreurs. Je pense donc que lorsqu’ils arriveront en Amérique du Nord, non pas « si » mais « quand » ils arriveront, leur stratégie sera bien pensée et reposera sur la rentabilité des concessionnaires, en collaboration avec ceux-ci. Nous ne verrons probablement pas autant de fabricants qu’il y en a actuellement. Une fois qu’ils auront fusionné, la concurrence ne sera plus aussi intense qu’aujourd’hui.
Ce n’est pas tout à fait nouveau pour eux, ils construisent des voitures depuis des années. Ils se réinventent à une vitesse fulgurante, tandis que nous restons prisonniers d’une mentalité héritée du passé : « Nous avons toujours fait comme ça, donc nous continuons comme ça. » À mon avis, la Chine tient compte de ce que le monde entier souhaite et affirme qu’elle changera pour lui, elle n’attend pas du monde qu’il change pour elle.
Au Canada, tout est une question de prix. S’ils parviennent à proposer des prix concurrentiels, leurs véhicules sont attrayants et je pense qu’ils répondraient à la demande du marché nord-américain ou canadien.
Bruce Rosen, directeur des Relations industrielles à la CADA
Notre visite en Chine a toujours été qualifiée de voyage d’études. Nous ne nous sommes pas rendus là-bas dans le but de rechercher des acquisitions de franchises. Nous nous sommes rendus sur place afin de nous assurer que tout le monde comprenait bien ce qui y était disponible et que, si les véhicules automobiles chinois ont un avenir au Canada, les concessionnaires devraient disposer de connaissances avancées sur ce qui les attend.
Il n’y avait aucune confusion quant à la raison de notre présence. Nous souhaitions préciser clairement que si les Chinois devaient venir au Canada, cela se ferait par l’intermédiaire de la Corporation des associations de détaillants d’automobiles. Les Chinois l’ont bien compris.
Nous avons eu de nombreuses rencontres avec le personnel de l’ambassade et les consuls généraux, de même qu’avec nos homologues de la Corporation de concessionnaires de l’Australie, et nous avons visité des usines et des installations de vente au détail. Il ne s’agissait pas d’un groupe formé au hasard : nous avons rencontré des personnes sélectionnées pour des raisons précises.
Nous souhaitions nous assurer que nos concessionnaires découvrent le caractère moderne de la Chine, et ce, à plusieurs égards, car ils sont tous liés. Le commerce de détail est lié à l’automobile, et l’automobile est liée à la technologie et à l’innovation. Le design est étroitement lié à tout cela.
Beaucoup de choses formidables se produisent en Chine, que ce soit dans le domaine de l’intelligence artificielle, des interfaces, de la robotique ou de l’automobile. Le rythme auquel les changements se font en Chine n’a pas son pareil dans le monde. Nous souhaitions donc que nos concessionnaires comprennent réellement pourquoi ils en sont là, comment ils y sont parvenus et aient un petit aperçu de la direction à prendre.
La grande révélation a été la disponibilité du produit, et cela nous a tous ouvert les yeux. J’ai vécu en Chine pendant 10 ans, et aujourd’hui, le niveau des produits sur le marché, en particulier dans le domaine des véhicules électriques, mais pas uniquement, est incroyable. En examinant les produits, nous les avons trouvés intéressants.
La visite du salon de l’auto de Shanghai a été une véritable révélation. J’ai l’impression que mes jambes me font encore souffrir. J’ai fait 27 400 pas le vendredi du salon de l’auto. Une fois arrivés au salon, nous avons encouragé tous les concessionnaires à rendre visite aux fabricants qu’ils représentent actuellement au Canada et à examiner les modèles sur le marché en Chine. Nous leur avons demandé de se poser la question suivante : « Ces produits sont-ils disponibles au Canada ? » Dans la négative, pensez-vous que vous devriez les avoir ? Car c’est maintenant qu’il faut lever la main si c’est possible de le faire.
Tous ces produits sont tous agréables à regarder et je suis certain que la conduite est plaisante, mais l’interface est bien supérieure à celle de la plupart des fabricants occidentaux. L’expérience utilisateur entre leur appareil mobile et leur dispositif de mobilité est bien supérieure à ce que nous sommes en mesure d’offrir ici. Leur interface utilisateur est remarquable.
Les Chinois n’hésitent pas à exceller dans le segment bas de gamme, mais ils s’aventurent également dans les segments moyen et haut de gamme, ce qui me semble judicieux, car ils ont également besoin de générer des revenus.
Je constate que de nombreux fabricants vantent le rendement 0-60 fois. Je ne suis pas certain que le consommateur s’en soucie réellement. Cela semble intéressant, mais ce n’est pas réaliste. Nous devons nous préparer dès aujourd’hui à répondre à la demande des consommateurs de demain, et le bruit d’échappement est probablement inconnu de la plupart d’entre eux. Ils ne connaissent pas l’odeur de l’essence ni de l’huile. Cela ne revêt aucune importance pour eux.
Nous devons nous préparer à l’état d’esprit des nouveaux acheteurs. Qu’il s’agisse de véhicules chinois ou de merveilleux fabricants américains ou européens, cela n’a aucune importance. Les consommateurs sont sur le point de changer leurs habitudes, et nous devons nous y préparer.
Michael Croxon, président et chef de la Direction, The NewRoads Automotive Group
J’ai quitté la Chine avec l’impression que je devais y retourner chaque année pour rester au fait de ce qui s’y passe, tant dans le domaine de l’automobile que dans celui de la technologie, car tout semble évoluer si rapidement.
À mon avis, d’une façon générale, et cela dépasse le secteur de l’automobile, l’image que nous avons de la Chine et qui est véhiculée dans les médias, notamment en ce qui concerne les droits humains, les conditions de vie de la population et le confinement lié à la COVID-19, est exagérée et inexacte compte tenu de ce que nous avons observé à Shanghai.
La ville m’a complètement renversé par son modernisme, son caractère contemporain et aussi par la façon dont elle semblait fonctionner à plusieurs niveaux, malgré ses quelque 25 millions d’habitants. Le réseau de métro, le réseau routier, la variété des restaurants, les centres commerciaux, tout ce que nous avons vu était tout simplement époustouflant. Ce n’est pas nécessairement ce que j’avais imaginé; c’était bien plus impressionnant que ce à quoi je m’attendais en arrivant.
Les deux usines que nous avons visitées, celles de NIO et de Volkswagen, ne semblaient pas être des lieux où les travailleurs étaient opprimés ni où les conditions de travail étaient inhumaines. Au contraire, les conditions de travail étaient aussi bonnes, meilleures même, que celles dont bénéficient les travailleurs dans les usines occidentales.
Je m’attendais à voir de nombreux véhicules bon marché mais fonctionnels circuler dans les rues de Shanghai, et cela est vrai dans une certaine mesure. Ce qui a retenu davantage notre attention, ce sont les véhicules de milieu de gamme très bien conçus, impressionnants tant sur le plan technologique que sur celui du design. La qualité perçue de la peinture, le luxe et le design intérieur étaient comparables à tout ce qu’on peut trouver en Amérique du Nord. Ils sont en avance sur tout ce que nous voyons en Amérique du Nord en matière de technologie d’écran et d’intégration de leurs véhicules dans le reste de leur vie, en grande partie grâce à leurs téléphones intelligents.
On pourrait supposer qu’une fusion est à prévoir, car il est difficile d’imaginer que beaucoup d’entre eux réalisent des bénéfices dans le contexte actuel, compte tenu de la concurrence acharnée qui règne manifestement sur leur propre marché. C’est une bonne chose pour les consommateurs chinois, car ils peuvent acquérir des véhicules de qualité à des prix abordables. En revanche, cela n’est pas aussi avantageux pour les constructeurs et les concessionnaires qui font face à une concurrence intense. Nous sommes portés à croire que personne, qu’il s’agisse des fabricants ou des concessionnaires, ne réalise des profits dans ce domaine. Un grand concessionnaire que nous avons rencontré là-bas affirme que la seule façon pour lui de gagner de l’argent c’est grâce aux subventions gouvernementales ou à l’aide des fabricants.
Je pense que, comme pour tout partenariat avec un constructeur, il est important de faire preuve de diligence et de nouer une collaboration en toute connaissance de cause. À mon avis, les Australiens rencontrés là-bas nous ont aidés à mieux comprendre la situation, les constructeurs chinois sont très, très agressifs, ce qui est compréhensible compte tenu de la surcapacité de leur secteur manufacturier national. Ils ne s’arrêteront pas tant qu’ils n’auront pas gagné leurs parts de marché. Et à titre de concessionnaire, si vous êtes victime de cette situation, vous êtes victime de cette situation.
Marc Bourassa, propriétaire en titre à Cadillac Laval
Juste voir la façon de faire les choses en Chine était incroyable. Non seulement dans le secteur de l’automobile, mais partout. Les Chinois sont extrêmement concentrés sur tout ce qu’ils font. Ils accomplissent des choses remarquables, mais ce qu’il faut retenir avant tout, c’est qu’ils sont prêts à conquérir le monde.
Leur capacité à innover et à créer à un rythme aussi soutenu est remarquable. Ils sont en mesure de construire des véhicules et ils peuvent construire des usines d’automobiles en 17 mois. Mission impossible ici. Il nous faudrait plus de 17 mois ici juste pour obtenir un permis environnemental pour l’utilisation de l’eau.
Ils sont très vifs et concentrés sur tout ce qu’ils font. Nous en avions déjà entendu parler, mais quand vous le voyez par vous-même, c’est impressionnant. Les véhicules sont remarquables. Les habitacles sont hautement personnalisables. Mais plus important encore est la connectivité. Tout est connecté.
Ils ont commencé par copier ce que nous faisions, mais ils ont ensuite atteint un niveau tel que je pense que nous allons devoir copier certaines de leurs pratiques. Quand ils établissent un plan quinquennal, vous pouvez être certain qu’il sera réalisé au cours des cinq prochaines années.
Je suppose que la question n’est pas de savoir s’ils viendront, mais plutôt quand ils viendront au Canada, et nous verrons alors ce que nous ferons au sujet des droits de douane. Cependant, nous devons être prêts. Nous devons nous organiser et nous assurer qu’ils passent par un système de concessions franchisées. Nous devons collaborer avec ces gens pour nous assurer qu’ils ne nuisent pas à notre marché.
En Europe, des droits de douane sont effectivement appliqués sur les véhicules chinois, mais ils ne sont pas de 100 %. Les Européens manipulent ce chiffre afin de s’assurer que les véhicules sont proposés au juste prix. Si le Canada est un jour disposé à recevoir davantage de véhicules chinois sur son marché, c’est une mesure que nous devrons envisager.
Je pense que nous procédons de la bonne manière, mais il est essentiel que la CADA participe à toutes les décisions que nous prendrons avec la Chine, afin de garantir que tout se déroule correctement si cela se concrétise. C’est pourquoi nous avons une corporation. Si ces gens arrivent, nous devons comprendre comment ils vont procéder, leur façon de travailler et de mettre en marché leurs produits. À titre de corporation, il est essentiel que nous comprenions ces aspects. Notre corporation doit bien saisir le marché et s’assurer que nous allons procéder conformément aux attentes des concessionnaires. Vous ne souhaitez pas que les gouvernements prennent toutes les décisions.
C’est à la fois excitant et inquiétant. Vous bénéficiez du meilleur des deux mondes. C’est très intéressant de voir ce qu’ils font. Nous sommes tous concessionnaires et travaillons dans le secteur de l’automobile depuis de nombreuses années. Mais du même souffle, c’est également très inquiétant. Il n’est pas souhaitable que ces entreprises entrent sur le marché sans droits de douane, car elles risqueraient de tuer une partie de notre marché. C’est passionnant de découvrir de nouvelles choses, mais en même temps, nous ne souhaitons pas qu’elles soient mises en place sur-le-champ sans aucun contrôle.
Niel Hiscox, président d’Universus et de Clarify Group
À bien des égards, ils sont en avance sur le reste du monde. Je vous conseille de vous rendre sur place et de constater par vous-même. Du point de vue de la fabrication d’automobiles, la Chine a commencé par créer des coentreprises avec des marques étrangères traditionnelles. Elle a maintenant atteint un niveau où elle est tout aussi performante. Le niveau de compétitivité et les investissements considérables réalisés là-bas l’ont poussée à aller encore plus loin. Du point de vue des produits, se rendre en Chine, c’est comme faire un voyage dans le futur. Le pays est à la pointe de la technologie. Le produit est exceptionnel.
Du point de vue des véhicules électriques, elle est le pays le plus avancé du monde. C’est remarquable. La technologie, l’expérience électronique embarquée dans son ensemble, la qualité de fabrication : tout est absolument de classe mondiale.
La technologie ne se limite pas aux véhicules. La Chine a construit des stations de batteries interchangeables qui fonctionnent comme un lave-auto. Vous n’avez même pas besoin de conduire. Vous stationnez votre véhicule à l’extérieur de la station d’échange, le véhicule communique avec la station, qui le conduit automatiquement à l’intérieur, le stationne, puis un robot vient en dessous et retire la batterie. L’une des batteries déjà chargées est ensuite insérée dans le véhicule. L’ensemble de l’opération prend environ le même temps que de remplir un réservoir d’essence. Une fois que c’est terminé, votre véhicule ressort, se stationne et vous indique qu’il est prêt.
Les constructeurs chinois ont suivi des parcours très divers. Certains proviennent d’entreprises industrielles, et lorsque le gouvernement chinois a défini l’automobile comme un pilier stratégique pour l’entreprise, d’importants financements ont été débloqués. Plusieurs autres entreprises issues du secteur de l’électronique grand public ont également fait leur apparition. Ainsi, des entreprises comme Xiaomi et Huawei étaient à l’origine des fabricants de téléphones cellulaires. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils ont transposé dans le secteur de l’automobile toute la mentalité d’écosystème qui caractérise les fabricants de téléphones cellulaires. Il existe une fluidité et une intégration que nous ne voyons pas ici. Il est remarquable de constater comment cela se manifeste dans le véhicule lui-même et dans les autres produits.
Les concessionnaires connaissent bien les produits. D’après les conversations que j’ai eues avec les concessionnaires au cours de ce voyage, j’ai eu l’impression que cette expérience était très enrichissante et qu’il y avait des produits vraiment intéressants. Les choses évoluent si rapidement là-bas que, dans un an, tout aura changé en termes de rythme de développement de nouveaux produits, d’innovation, d’évolution des environnements de vente au détail et d’expérience client. Une partie de la leçon que j’ai apprise est que ce n’est pas une tâche ponctuelle. Nous allons revenir dans un an, et il y aura beaucoup de nouveautés à découvrir.
Il était très intéressant d’avoir la présence des concessionnaires australiens et des membres de la corporation de concessionnaires de l’Australie lors de notre visite. Étant donné que l’Australie ne fabrique plus de véhicules sur son territoire, il était logique pour elle d’ouvrir son marché aux constructeurs chinois et d’offrir ainsi plus de choix aux consommateurs. À l’heure actuelle, le produit chinois représente environ 20 % des parts de marché en Australie.
Les concessionnaires de ce pays ont acquis une expérience que les concessionnaires canadiens n’ont pas encore. Je pense qu’il est juste de dire que cela représentait un défi. L’Australie est un marché établi, les ventes de voitures n’augmentent plus. Donc, si elle vend beaucoup plus de véhicules chinois, elle vend beaucoup moins d’autres produits. Il ne fait aucun doute que les concessionnaires y subissent une certaine pression sur quelques-unes de leurs autres marques.
