Dans la troisième partie de notre série spéciale, nous retournons en arrière pour parler des années de la grande Dépression et de leurs répercussions sur les constructeurs d’automobiles et leurs concessionnaires.
Les Années folles ont été positives pour l’industrie de l’automobile. La prospérité et la production de masse qui ont suivi la première grande guerre a mis le Canada sur les rails, et de nombreux nouveaux constructeurs d’automobiles avaient ouvert leurs portes. Cependant, le 29 octobre 1929, tout s’est écroulé.
Le Canada figurait parmi les pays les plus touchés par la grande Dépression qui a duré jusqu’en 1939. Dépendant du commerce, les Canadiens ont regardé, impuissants, chuter les prix à l’exportation et ont été témoins de sécheresses massives dans les Prairies; de plus, les États-Unis augmentaient leurs prix pour protéger leurs intérêts. En 1929, les usines d’automobiles canadiennes ont exporté 102 000 véhicules. En 1931, ce nombre est tombé à seulement 13 000 véhicules, et, dans la ville de l’automobile, Windsor, en Ontario, on avait un taux de chômage de 50 % alors que la moyenne nationale était de 30 %.
Tout comme aujourd’hui, une automobile prenait du temps à se développer à cette époque, ce qui constituait un vrai problème par rapport aux modèles produits quand les jours étaient meilleurs. Les collectionneurs appellent souvent le début des années 1930, l’« âge d’or de l’automobile » parce que c’est à cette époque que certains des plus beaux modèles ont été construits et que, pour leur temps, ces voitures étaient les plus technologiquement avancées dans les salles d’exposition. Cadillac et Marmon ont lancé des modèles à moteur V16; Duesenberg, déjà l’une des marques les plus chères sur le marché, a mis un compresseur sur son moteur à 8 cylindres; et les fabricants comme Chrysler, Stutz et Auburn ont lancé de gros modèles qui, finalement, sont restés sur le plancher des salles d’exposition. Avec une exploitation limitée au minimum, les constructeurs d’automobiles indépendants plus petits, pour la plupart, ont fermé leurs portes, alors que certains fabricants de véhicules de luxe comme Lincoln et Packard ont introduit des modèles plus petits à prix moyen pour essayer de regagner des parts de marché. En tout, on estime que les ventes de voitures neuves ont chuté de 75 % au cours des trois premières années de la Dépression.Si la santé des constructeurs d’automobiles était en mauvais état, celle des concessionnaires était encore pire. En 1932, la National Automobile Dealers Association des États-Unis a presque fait faillite. Sur le terrain, c’était souvent « chacun pour soi ».
Certains constructeurs d’automobiles ne tenaient pas compte des territoires des concessionnaires et vendaient des voitures par l’entremise de tous points de vente prêts à le faire, alors que certains concessionnaires établis vendaient des véhicules de marques concurrentes si cela pouvait inciter un acheteur à venir à la concession. Les voitures d’occasion coupaient des ventes de voitures neuves, et certaines entreprises prenaient des mesures pour les sortir de la circulation. General Motors, par exemple, versait une indemnité aux concessionnaires pour chaque voiture d’occasion démolie ; la concession devait prouver qu’il avait suivi le plan de cession de l’entreprise en brisant tous les composants primaires du véhicule.Une partie de la nouvelle entente du président américain Franklin Roosevelt pour surmonter la Dépression comportant un Code de concurrence loyale de 1933 pour le commerce des véhicules automobiles. Le code fixait le salaire minimal et les heures maximales pour les employés de la concession (ceux des grandes villes avaient au moins 15 $ par semaine garantis), définissait des valeurs de marché équitables pour les voitures d’occasion et les échanges, et interdisait aux concessionnaires de vendre des voitures neuves sous le prix affiché. Elle interdisait également aux concessionnaires de vendre une marque dans un territoire qui comptait déjà un concessionnaire franchisé. Mais en 1935, la Cour Suprême a déclaré cette entente inconstitutionnelle et l’a annulée.
Aujourd’hui, les directives du code donnent un aperçu des pratiques utilisées par certains concessionnaires de l’époque. Il met en garde contre la publicité mensongère, les conditions de crédit plus faibles que les institutions financières, et le débranchement du compteur de vitesse sur les véhicules de démonstration pour les vendre comme des neufs. Il contenait également une clause que nous ne verrions pas aujourd’hui : une voiture décapotable pouvait être offerte sous le prix affiché si elle était en stock depuis au moins 45 jours et si l’hiver s’en venait.
Les nouveaux modèles, pour la plupart, sortaient en janvier, mais en 1935, Roosevelt a demandé que les constructeurs d’automobiles passent au mois de novembre précédant l’année modèle pour stabiliser l’emploi manufacturier. Les concessionnaires ont ensuite fait pression contre cette mesure pour ne pas avoir à supporter de nouveaux stocks pendant l’hiver, mais cette nouvelle date était coulée dans le béton.
Les voitures changeaient aussi. Beaucoup ou la plupart désormais recevaient du verre de sécurité, des freins hydrauliques et une boîte de vitesses synchronisée. En 1935, Chevrolet a présenté son « Turret Top » un toit tout en acier qui remplaçait le toit de bois et de toile qui était la norme dans l’industrie. Mais tout ne s’est bien passé : en 1934, Chrysler a lancé l’« Airflow », un modèle radicalement aérodynamique qui a été la première voiture de production conçue dans une soufflerie. Trop avancée sur son temps, elle s’est mal vendue et n’a duré que trois ans.
Une autre innovation a vu le jour en 1938 lorsque le styliste de GM, Harley Earl, a créé la Buick Y-Job. C’était le premier véhicule concept et il allait paver la voie à ces voitures d’exposition.
Les années 1930 ont vu la montée du travail organisé, alors que les travailleurs qui avaient encore un emploi dans les usines de fabrication d’automobiles étaient aux prises avec des réductions de salaire et des semaines de travail raccourcies. La United Auto Workers a d’abord ciblé GM avec une série de grèves en décembre 1936, et ce constructeur d’automobiles est devenu le premier à signer une convention collective. Chrysler a également signé, mais Ford a refusé, et, le 26 mai 1937, les forces de sécurité a brutalement battu les organisateurs de l’UAW qui distribuaient des tracs à l’usine de Ford Rouge. Curieusement, cependant, lorsque Ford a signé un mois plus tard, ses travailleurs ont obtenu le meilleur contrat dans l’industrie.
Les États-Unis et le Canada comptaient toujours pour la majorité des voitures construites dans monde, mais de nouveaux noms montaient à l’étranger. En 1932, BMW a fait son premier modèle d’origine (ses voitures précédentes avaient été des Austin construites sous licence), et Audi est devenue partie de Auto Union. En 1933, Yoshisuke Aikawa a repris la filiale automobile Datsun qu’il renommait Nissan, tandis que Toyota a été fondée cette année comme une extension d’une usine de tissage et a construit sa première voiture trois ans plus tard. Et en 1934, Ferdinand Porsche a été chargé de concevoir une « voiture du peuple » qui deviendra Volkswagen.
Mais, bien sûr, ce n’était pas tout ce qui se passait à l’étranger. Comme les années 30 tiraient à leur fin, les Canadiens regardaient avec anxiété la guerre avec l’Allemagne qui commençait.