Les joueurs nationaux débarquent

Une nouvelle ère pour l’industrie des concessionnaires d’automobiles du Québec

PAR FRÉDÉRIC SÉGUIN ET FRÉDÉRIC BOUCHARD

L’année 2014 restera marquée par l’entrée officielle des joueurs nationaux sur le marché québécois. L’entreprise publique AutoCanada, l’un des plus importants regroupements de concessions d’automobiles au pays avec 45 franchises dans huit provinces, a finalisé l’achat de ses premières concessions au Québec avec l’acquisition de BMW Canbec et de BMW Laval. Il en va de même pour Dilawri Group qui a poursuivi son expansion pan canadienne avec l’achat de ses premières concessions québécoise, soit Honda Des Sources et Subaru Des Sources. Ce nouvel engouement pour le Québec changera le portrait de l’industrie et apportera une nouvelle dynamique de marché. Voici ce que vous devriez savoir sur le sujet.

1 Pourquoi les regroupements nationaux de concessionnaires démontrent-ils désormais de l’intérêt pour le marché québécois ?
Les grands groupes canadiens de concessions d’automobiles souhaitent répliquer le modèle d’affaires éprouvé par les mégaconcessionnaires américains comme AutoNation qui possèdent plus de 230 concessions dans 15 États américains. Ces derniers fondent la profitabilité de leurs opérations sur leur habileté à implanter les meilleures pratiques de gestion, à générer des économies d’échelle et des synergies de revenus tout en diversifiant leur portefeuille de marques et leur présence géographique.

À lui seul, le Québec représente approximativement 25 % du marché canadien avec plus de 400 000 véhicules neufs vendus annuellement dans plus de 800 concessions. Combiné avec la restriction des constructeurs concernant le nombre de franchises qu’un seul groupe peut détenir dans une région métropolitaine, un territoire, une province et un pays, le Québec est indéniablement un marché de choix pour permettre la diversification recherchée par les grands groupes canadiens.

À ceci s’ajoute le phénomène de transfert d’entreprise qui n’échappe pas au Québec et qui procurera de nombreuses occasions pour des acheteurs externes. En 2012, dans le rapport PwC sur les tendances de l’industrie de l’automobile « Paving the way to smooth transition », 71 % des concessionnaires du Québec disaient vouloir prendre leur retraite complète ou partielle d’ici 5 ans, et 49 % avouaient ne pas avoir de plan de transfert d’entreprise en place.

2 Quel est le profil type d’un regroupement national de concessionnaires ?
De façon générale, la structure organisationnelle des groupes interprovinciaux est décentralisée au niveau des opérations alors que certaines fonctions administratives sont centralisées telles que la stratégie d’affaires, le plan marketing, le support TI et la gestion des inventaires. Cette structure permet de tirer avantage des effets de la proximité de marché tout en bénéficiant de ressources compétentes et expérimentées au sein du groupe.

À titre d’exemple, le « Dealer Support Service » d’AutoCanada compte maintenant 90 employés qui travaillent à l’amélioration de la profitabilité des concessions en instaurant de nouvelles pratiques commerciales, en partageant l’intelligence de marché et en faisant une analyse comparative des indicateurs clés de performance.

PwC observe également que plusieurs autres mesures sont adoptées par les regroupements nationaux pour mettre en œuvre un modèle d’affaires profitable dont une profonde évolution de la fonction marketing avec l’avènement de l’ère numérique. Les résultats obtenus sont fort impressionnants. En 2013, les revenues d’AutoCanada pour les mêmes franchises ont bondi de 17,2 %, alors que les profits se sont accrus de 17,5 %.

Enfin, un aspect qui différencie les joueurs nationaux avec la moyenne des entrepreneurs québécois est la souplesse par rapport à l’achat ou la location du parc immobilier. Étant donné que leur modèle de création de valeur est basé sur les opérations courantes, ces derniers vont même jusqu’à privilégier la location de l’immeuble dans certains cas afin de limiter l’investissement en capital et de favoriser une meilleure capacité financière pour de futures acquisitions.

3 Quelle est la stratégie de pénétration de marché adoptée par un regroupement national de concessionnaires ?
PwC anticipe que la pénétration du marché québécois se fera principalement en trois phases. Tout d’abord, les joueurs nationaux seront en mode exploration avec l’acquisition de quelques concessions ciblées afin d’approfondir leurs connaissances du marché. Par la suite, ils rechercheront une plateforme intégrée de plusieurs franchises sur laquelle ils pourront bâtir leur stratégie de croissance. Enfin, ils poursuivront leur expansion par l’entremise d’acquisitions de concessions uniques ou multifranchisés de moyenne envergure.

Les critères d’investissements les plus susceptibles d’influer sur leur décision seront une marque en demande dans un emplacement recherché, la rentabilité des opérations, une attente de profits à moyen terme et une équipe de direction chevronnée.

4 Quel est l’impact attendu de l’arrivée des regroupements de concessionnaires nationaux sur le marché québécois ?
Outre la compétitivité accrue dans le marché, les effets attendus sont d’ordre positif. À titre d’exemple :
• Un effet d’entraînement du côté des autres concessionnaires nationaux, instigué par les précurseurs, augmentera la demande pour des franchises au Québec;
• Un montant de vente aux enchères plus élevé pour de futures transactions, à la condition qu’un processus concurrentiel soit mis en place;
• Une alternative dans les choix actuellement restreints de certains concessionnaires dont l’exploitation est de moyenne ou grande taille et qui peinent à trouver un repreneur, à générer de la croissance organique ou par acquisition.

5 Acheteur ou vendeur, comment profiter de l’essor du marché ?
Le vendeur devra s’assurer de réaliser comme il se doit toutes les étapes préparatoires à la vente d’entreprise, de bien identifier les acheteurs potentiels, de mettre en place un plan de succession et de gagner la confiance des constructeurs par rapport à son plan.

L’acheteur devra s’assurer de bien identifier les cibles les mieux positionnées, de travailler à l’élaboration d’une structure de financement adéquate et de gagner la confiance des constructeurs grâce à un plan stratégique de croissance solide.

En conclusion, la clé pour profiter du marché et de son essor actuel réside en une préparation adéquate de chacune des parties afin de bien positionner la transaction et ainsi maximiser la valeur du patrimoine et le retour sur investissement.

À propos de Linda Nadon

Linda Nadon est l'Éditrice d'Affaires automobiles. Elle peut être joint par courriel à lnadon@universusmedia.com.

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