La production mise en veilleuse

Dans la quatrième partie de notre série historique sur le développement de l’industrie de l’automobile au Canada, on s’attarde sur la Seconde Guerre mondiale, soit le début des années 1940.

Twin Cities Assembly Plant Timeline

La Grande Dépression des années 1930 est considérée comme l’un des pires moments vécus par les Canadiens et a eu des répercussions énormes sur l’industrie de l’automobile. Les ventes n’étaient plus au rendez-vous, et de nombreux constructeurs d’automobiles plus petits ainsi que de nombreuses concessions ont fermé leurs portes. Mais les années 1940 ont apporté leur lot de difficultés en Europe, la guerre, notamment.

Le Canada s’est allié au Royaume-Uni lorsque les Britanniques ont déclaré la guerre en septembre 1939. Les bouleversements majeurs dans l’industrie de l’automobile sont venus avec l’entrée dans la mêlée des États-Unis après l’attaque de Pearl Harbor en 1941, mais les concessionnaires canadiens étaient déjà impliqués. Le gouvernement fédéral examinait de nombreuses industries pour éliminer tous les profiteurs en temps de guerre. On remarquait que de nombreux concessionnaires finançant en privé leurs clients ajoutaient une prime sur chaque contrat pour aider à couvrir leurs pertes si ça tournait au vinaigre. Lorsque Ottawa a demandé qu’on mette un terme à ce type de pratique, les concessionnaires se sont regroupés pour se défendre. Ils ont finalement gagné, et cet effort a conduit à la formation de la CADA.

Chevrolet a publié une affiche montrant sa production de guerre (Photo courtoisie de General Motors)

Chevrolet a publié une affiche montrant sa production de guerre (Photo courtoisie de General Motors)


Bien que certaines des industries canadiennes faisaient déjà dans la fourniture militaire pour la Grande-Bretagne en 1939, l’effort de guerre n’a vraiment pris son élan grave que lorsque les Américains se sont embarqués. Le gouvernement américain a affecté 52 milliards à l’effort de guerre, ce qui comprenait des commandes de 60 000 avions et 45 000 chars d’assaut. De toute évidence, les fournisseurs de ce type de matériel étaient les constructeurs d’automobiles, déjà équipés pour la production de masse, et le président Roosevelt à mis un terme à la production d’automobiles pour adapter les usines à la fabrication du matériel de guerre. Le dernier véhicule civil construit aux États-Unis était une Ford qui est passée sur la chaîne d’assemblage le 10 février 1942.

Inutile de vous dire que quand votre entreprise vend des véhicules neufs et que les constructeurs ne vous alimentent plus, c’est désastreux. Les ventes étaient déjà au ralenti lorsque le gouvernement du Canada a imposé une taxe sur les véhicules neufs dans l’espoir que les prix plus élevés découragent les acheteurs pour permettre à la fabrication du matériel de guerre de durer plus longtemps ; et comme la guerre progressait, la vente de voitures neuves était strictement limitée aux services essentiels comme les médecins et le personnel d’urgence. Les concessionnaires ont dû trouver de nouvelles sources de revenus pour rester à flot.

Durant la guerre, on construisait encore des camions, dont cette ambulance Dodge de 1944 (Photo courtoisie de FCA)

Durant la guerre, on construisait encore des camions, dont cette ambulance Dodge de 1944 (Photo courtoisie de FCA)

Craignant de n’avoir rien à vendre, les concessionnaires ont commencé à acheter toutes les voitures d’occasion qu’ils pouvaient. Même la vente de ces véhicules était réglementée et limitée à un par an par client et à un prix plafond, même s’ils changeaient régulièrement de propriétaire.

Dans les usines de fabrication d’automobiles, chaque fabricant a reçu de nombreux contrats du gouvernement pour des éléments spécifiques. À titre d’exemple, des moteurs d’avions et des canons de fusils fabriqués par Chrysler; des bombardiers et des transporteurs de troupes blindés construits par Ford; des canons et tubes lance-torpilles produits par Hudson; des mitrailleuses et des chars fabriqués par General Motors; des camions militaires produits par Studebaker; et des moteurs marins conçus par Packard. Un appel d’offres du gouvernement pour un véhicule militaire robuste mais maniable a permis d’avoir un dessin gagnant d’un fabricant de minivoitures nommé American Bantam. Également construit par Willys et par Ford, ce véhicule est devenu la Jeep que nous connaissons.

La guerre a entraîné des coupures dans l’approvisionnement de caoutchouc brut de l’étranger, et les pneus sont très rapidement devenus l’un des produits les plus recherchés sur le marché noir. Les conducteurs étaient limités à cinq pneus, et ceux qui possédaient un véhicule haut de gamme comptant deux pneus de secours, ce qui était populaire dans les années 1930, devaient renoncer à l’un de ces pneus. Si un pneu était à plat, il fallait le réparer avant d’en acheter un nouveau.

Les gouvernements des deux côtés de la frontière ont demandé aux citoyens de limiter volontairement leurs déplacements. Ce n’était pas pour économiser le carburant, mais pour permettre aux pneus de durer plus longtemps. Lorsque ç’a arrêté de fonctionner, le rationnement est entré en vigueur ainsi que les limites de vitesse et l’interdiction de conduire pour le plaisir. On a défini des restrictions sur la quantité de carburant que chaque personne pouvait acheter, et on a distribué des autocollants de rationnement et des coupons en fonction de la profession de chacun : les travailleurs des services essentiels avaient le droit d’acheter plus de carburant que les conducteurs occasionnels. Naturellement, il était aussi possible de se procurer ces coupons sur le marché noir.

La construction de chars d'assaut à l'usine de General Motors (Photo courtoisie de General Motors)

La construction de chars d’assaut à l’usine de General Motors (Photo courtoisie de General Motors)


Les usines exigeaient d’énormes quantités de matières premières pour la production du matériel de guerre, et il en restait peu pour les autres produits. Certaines pièces de remplacement essentielles d’automobiles étaient encore produites, mais leur vente, limitée, et les concessionnaires devaient retourner les pièces défectueuses après une réparation pour être en mesure d’en obtenir une nouvelle en inventaire. Mais les accessoires non essentiels stockés avant la guerre étaient acceptés. De nombreux concessionnaires ont consulté leurs dossiers pour savoir quelles voitures avaient été livrées sans accessoires comme une horloge ou une radio, et ont contacté les clients pour voir s’ils étaient intéressés à les acheter.

De plus, le simple fait d’avoir un technicien pour les installer devenait un problème pour les concessionnaires, comme pour beaucoup d’autres entreprises à la recherche d’employés. Avec 1,1 million de Canadiens impliqués dans l’effort de guerre, de nombreux concessionnaires manquaient d’employés qui allaient servir outre-mer, et peu restaient derrière pour combler les emplois.

Lorsque la guerre a pris fin, il en a été de même de la production du matériel de guerre, et les usines ont commencé à produire des véhicules civils en 1945. L’âge moyen des véhicules était alors de neuf ans. Pour éviter de favoriser un constructeur d’automobiles, il y a eu un accord tacite entre les fabricants d’automobiles de ne pas travailler sur le design des véhicules pendant la guerre ; ainsi, jusqu’en 1949, les voitures, pour la plupart, reprenaient les designs de 1942 avec quelques changements cosmétiques. La demande pour les voitures neuves était refoulée depuis des années, et les clients étaient prêts à payer ce qu’il fallait pour en obtenir une ; cependant, les usines ne pouvaient pas suffire à la demande. Pour certains constructeurs, l’offre n’a pu satisfaire la demande qu’au début des années 1950 ; surtout que certains étaient frappés par de longues grèves des travailleurs qui craignaient pour leur sécurité d’emploi quand les soldats ont commencé à rentrer chez eux.

La production de matériel de guerre a eu un effet positif sur l’industrie ; en effet, les nouveaux matériaux et les nouvelles technologies qui avaient été développés pour les militaires s’appliquaient désormais aux véhicules automobiles. On peut parler notamment de la direction assistée, du caoutchouc synthétique, de plastiques nouveaux et des boîtes de vitesses automatiques. De telles innovations ont pu prendre encore plus d’importance alors que l’industrie de l’automobile reprenait pied et entrait avec confiance dans la prospérité initiale des années 1950.

About Linda Nadon

Linda Nadon est l'Éditrice d'Affaires automobiles. Elle peut être joint par courriel à lnadon@universusmedia.com.

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