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mars 9, 2025

2025 sera une année volatile pour l’industrie de l’automobile au Canada

Les ventes de voitures neuves, à essence ou électriques, ont augmenté au Canada en 2024. En revanche, les ventes de véhicules d’occasion ont fléchi et devraient continuer à diminuer. 

Mais l’année 2025 pourrait se révéler on ne peut plus volatile pour l’industrie de l’automobile canadienne, selon plusieurs personnes interrogées par Affaires automobiles. 

Les principaux facteurs qui expliquent cette volatilité sont la situation précaire du gouvernement libéral, la menace d’imposition de tarifs douaniers élevés du président américain désigné Donald Trump, la faiblesse du dollar par rapport à la devise américaine et certaines décisions controversées prises par les gouvernements provinciaux concernant le retrait des subventions pour véhicules électriques.

Le volume des ventes de voitures neuves a continué à augmenter en 2024 – environ de 15 % pour les véhicules à moteur à combustion interne et de plus de 5 % pour les véhicules électriques – ce qui s’inscrivait dans la tendance à la hausse amorcée en 2023. 

Les hausses enregistrées en 2024 s’expliquent en grande partie par la baisse des taux d’intérêt de la Banque du Canada, de 1,75 point de pourcentage, ainsi que par l’augmentation des stocks fournis aux concessions par les fabricants.

Daniel Ross, directeur principal, Analyse de l’industrie et Stratégie valeur résiduelle, Canadian Black Book, a déclaré que les baisses de taux d’intérêt en 2024 ont incité les consommateurs à acheter des véhicules neufs ; il prédit également que l’engouement des consommateurs se maintiendra en 2025.

« Aujourd’hui, les consommateurs constatent que la disponibilité des stocks et de nombreuses mesures incitatives sont proposées pour les inviter à visiter les salles d’exposition et à acheter un véhicule neufs, et les fabricants soutiennent et réduisent les taux d’intérêt de manière à faire baisser les mensualités de location ou du prêt auto, a déclaré M. Ross.

« Nous sommes un organisme au service des consommateurs qui fournit des perspectives utiles sur le marché de l’automobile canadien. Cela correspond maintenant à ce que les gens souhaiteraient. Peut-être pas encore autant, mais cela évolue maintenant dans la bonne direction d’une manière assez constante. En constatant ces mesures incitatives, les gens décident d’acheter un véhicule neuf.

« Si vous êtes un acheteur qui recherche une marque qui dispose d’un gros stock et qui offre des mesures incitatives, vous ne paierez pas plus cher qu’il y a 24 ou 36 mois. Ce scénario n’existe plus pour la plus grande part du marché. »

En revanche, selon M. Ross, « les perspectives ne sont pas très bonnes » pour les concessionnaires.

« À mon avis, ils reviennent à des profits normalisés, ce qu’ils ne souhaitent probablement pas, a déclaré M. Ross. Les acheteurs continuent à attendre les offres qui les inciteront à acheter un véhicule. »

L’engouement des consommateurs pour l’électrification enthousiasme l’industrie des véhicules électriques, même si certains critiques affirment que la croissance n’est pas assez rapide pour atteindre l’objectif du gouvernement fédéral de faire en sorte que 20 % de toutes les ventes de voitures neuves soient des véhicules zéro émission d’ici 2026.

« Le problème qui exacerbe cette image négative des véhicules électriques réside dans le fait que nous n’avons jamais vraiment eu une année de production régulière, a expliqué M. Ross. Les stocks commencent à s’accumuler, mais ils ne représentent encore qu’une faible part de nos marchés. »    

En 2024, le gouvernement du Québec a déclaré qu’il souhaitait éliminer tous les remboursements provinciaux d’ici 2027 et qu’il les supprimerait progressivement chaque année jusqu’à cette date.

Le remboursement de 7 000 $ en 2024 passera à 4 000 $ en 2025, puis à 2 000 $ en 2026. Selon Daniel Breton, président et directeur général de Mobilité électrique Canada, si vous regardez la courbe d’adoption des véhicules électriques au Québec au cours des deux dernières années, les ventes ont augmenté progressivement et régulièrement, mais l’annonce du rabais n’a pas fait exploser les ventes comme certains l’ont prétendu.

« Les gens pensaient que les ventes étaient passées de bonnes à excellentes aussitôt après l’annonce du gouvernement, mais il s’agit du même niveau de croissance que celui que nous avons observé pendant deux ans », a déclaré M. Breton.

À son avis, l’augmentation des stocks et la baisse des taux d’intérêt, en particulier, ont eu un effet presque aussi grand que l’annonce du rabais.

À la mi-décembre, le gouvernement du Québec a causé la surprise en annonçant qu’il reportait la suspension de son programme de rabais, ce qui touche également l’installation et la borne de recharge résidentielles de véhicules électriques, de février à la fin du mois de mars. Selon M. Breton, tout cela fait partie d’un plan visant à améliorer les chiffres du ministère des Finances en vue du prochain budget. 

« Cela perturbe vraiment le marché québécois, a déclaré M. Breton. Pendant deux mois, les ventes seront presque au point mort. »

En Colombie-Britannique, les concessionnaires ressentent les effets de la décision du gouvernement provincial de modifier le programme de rabais sur les véhicules électriques, financé par B.C. Hydro. Le plafond des rabais sera abaissé de 55 000 $ à 50 000 $. 

Blair Qualey, président et chef de la Direction de la New Car Dealers Association of British Columbia, a déclaré que les ventes de véhicules électriques ont chuté d’environ 66 % d’août à décembre 2024 par rapport à la même période l’an dernier. Selon M. Qualey, les concessionnaires ont été informés que la décision était liée à des problèmes de financement. 

M. Ross a ajouté qu’il y avait déjà un problème avec les véhicules électriques, car certaines marques n’avaient pas assez de modèles hybrides et de modèles hybrides rechargeables pour répondre à la demande des consommateurs. Les concessionnaires se plaignent souvent de ne pas avoir assez de modèles hybrides, qui se vendent rapidement, et d’être coincés avec un surplus de véhicules électriques qui n’ont pas de moteur à combustion interne.

« L’industrie de l’automobile américaine est tellement importante qu’elle est constamment à la recherche d’occasions – et d’économies – et les véhicules canadiens, les camions en particulier, sont moins chers à l’achat (pour les Américains). » 

— David McQuilkin, concessionnaire en titre et directeur général de Gallinger Ford Lincoln à Milton

« Il n’y a rien pour soutenir les véhicules abordables, et qu’il y ait ou non des mesures incitatives sur les véhicules, ceux-ci sont très chers », a déclaré M. Ross.

À l’échelle nationale, on craint que le rabais fédéral, plafonné à 5 000 $ pour certains véhicules, ne soit touché négativement si le gouvernement libéral est renversé par les conservateurs lors des élections prévues en 2025. 

M. Ross a souligné qu’un gouvernement conservateur pourrait mener à l’élimination des rabais ou à leur « lente dégradation ».

Jérémie Bernardin, directeur de la Formation et de l’Innovation liées aux véhicules électriques à Integrated Automotive Experience, a déclaré qu’un changement de gouvernement aurait, à court terme, un effet négatif sur les véhicules électriques, mais il a ajouté que l’électrification n’était pas près de disparaître.

« L’arrivée d’un nouveau gouvernement n’empêchera pas l’industrie de fabriquer ces produits », a déclaré M. Bernardin. 

Malgré toutes les nouvelles positives concernant la hausse des ventes de voitures neuves, l’industrie craint que les stocks limités de voitures d’occasion ne chutent de manière significative. Selon M. Ross, la situation pourrait s’étendre jusqu’en 2027 avant de s’améliorer. 

Il a noté que les consommateurs, qui ont opté pour un financement s’étirant de 84 à 96 mois pour les voitures neuves ou les propriétaires qui achètent leur voiture à l’échéance de leur contrat de location en raison d’une équité négative et du coût plus élevé de l’achat d’un nouveau véhicule, ont contribué à la pénurie de voitures d’occasion.

Comptant 30 ans d’expérience dans le domaine de la vente en gros d’automobiles entre le Canada et les États-Unis, Bob Manor a déclaré que la pénurie avait commencé avec les bouleversements causés par la COVID-19 et les pénuries de semi-conducteurs, qui ont entraîné une réduction de la production de véhicules neufs, ce qui a bloqué le flux de véhicules entrant sur le marché de l’occasion. 

Il a également indiqué que, en raison du nombre réduit de véhicules neufs offerts pendant la pandémie, les programmes de location ont été revus à la baisse, ce qui s’est traduit par une diminution « significative » des retours de location. 

Il a ajouté que la demande de véhicules a explosé après la levée des restrictions liées à la COVID-19 et la réouverture de l’économie. À son avis, les consommateurs qui ont reporté leur achat ont inondé le marché, dépassant l’offre et réduisant encore les stocks.

David McQuilkin, concessionnaire en titre et directeur général de Gallinger Ford Lincoln à Milton, explique que la faiblesse du dollar canadien est un autre facteur qui a incité les acheteurs américains à se tourner vers les ventes aux enchères ou à traiter directement avec les concessionnaires pour acquérir des voitures.

« L’industrie de l’automobile américaine est tellement importante qu’elle est constamment à la recherche d’occasions – et d’économies – et les véhicules canadiens, les camions en particulier, sont moins chers à l’achat (pour les Américains), a déclaré M. McQuilkin. Nous avons une division des exportations dans notre entreprise et nous expédions deux ou trois semi-remorques de camions d’occasion chaque semaine. Là encore, les consommateurs en bénéficient. Les Américains paient plus que ce que nous obtenons dans les ventes aux enchères ici (de la part des acheteurs canadiens). Mais là encore, qui est le bénéficiaire? Le consommateur. Aujourd’hui, nous ajustons nos prix de reprise, car nous savons ce que nous pouvons obtenir lors de la vente aux enchères. Le dollar canadien favorise les valeurs de reprise pour les consommateurs. »

M. Manor a déclaré, pour sa part, que les acheteurs américains et les exportateurs canadiens sont pressés de sécuriser les stocks devant la menace du président désigné Donald Trump d’imposer un tarif douanier de 25 % sur les importations canadiennes. 

« Si la menace prenait exécution, le réseau d’exportation vers les États-Unis, évalué à environ 15 milliards de dollars par année avec quelque 370 000 véhicules exportés, fermerait du jour au lendemain, a indiqué M. Manor. Cela serait désastreux non seulement pour les exportateurs, mais aussi pour le marché intérieur où les véhicules d’occasion sont actuellement soutenus par la demande américaine. Les prix des véhicules canadiens s’effondreraient sans les acheteurs américains, ce qui entraînerait une correction du marché sans précédent dans l’histoire récente. »

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