Démission d’un employé avec préavis – la Cour Suprême se prononce

La Cour suprême du Canada infirme la décision de la Cour d’appel du Québec mettant fin au débat sur la question à savoir si un employeur peut renoncer au préavis donné par un employé démissionnaire.

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Il est fréquent qu’un employé démissionne et donne à son employeur un préavis de cessation d’emploi. Ainsi, à titre d’exemple, l’employé pourra aviser son employeur le 1er décembre 2014 du fait qu’il démissionne, laquelle démission sera toutefois effective le 15 décembre suivant. Le Code civil du Québec oblige en effet l’employé démissionnaire à donner à son employeur un préavis, dit aussi « délai de congé », lequel doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l’emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s’exerce et de la durée de la prestation de travail.

L’employé travaillera donc jusqu’à la fin de son préavis et, la dernière journée de son travail, l’employeur lui remettra alors son relevé d’emploi spécifiant le départ volontaire de l’employé.

L’employeur peut-il renoncer au préavis donné par l’employé démissionnaire et mettre fin au contrat de travail avant l’expiration du délai ou sera-t-il contraint à lui payer les sommes qui seraient normalement payables jusqu’à la fin du préavis si l’employé avait effectivement travaillé jusqu’à la fin ?

L’AFFAIRE COMMISSION DES NORMES DU TRAVAIL C. ASPHALTE DESJARDINS INC.
Dans cette affaire, la Commission des normes du travail (la « CNT ») réclame pour le compte d’un ex-salarié d’Asphalte Desjardins inc., trois semaines de salaire à titre de préavis.

Le salarié en litige occupait un poste de directeur de projets chez Asphalte Desjardins inc. (« Asphalte ») depuis plus d’une dizaine d’années. Son poste l’oblige à manipuler des données confidentielles dans un secteur hautement concurrentiel. Le 15 février 2008, le salarié remet sa démission à Asphalte en indiquant qu’il a trouvé un emploi chez un concurrent, il offre cependant de travailler 3 semaines supplémentaires afin de terminer ses dossiers. Toutefois, étant donné que le salarié a accès à de l’information sensible et qu’il quitte pour travailler chez un concurrent, l’employeur met fin au contrat de travail le 19 février 2008, plutôt que d’attendre la date de prise d’effet de la démission du salarié, soit trois semaines plus tard.

• 1re instance – La Cour du Québec
En juillet 2010, la Cour a condamné Asphalte à payer à la CNT la somme de 6 518,99 $ représentant l’indemnité de préavis de cessation d’emploi prévu par la Loi.
• 2e instance – la Cour d’appel du Québec
Le 19 mars 2013, la Cour d’appel du Québec a infirmé ce jugement, et l’action de la CNT a été rejetée. Les juges de la Cour d’appel ont conclu que le l’employeur ne consent pas et n’a du reste pas à consentir au préavis qui lui est donné par le salarié. Il lui est donc permis de renoncer entièrement ou en partie au préavis de démission donné par le salarié.
• 3e instance – La Cour Suprême du Canada
Le 25 juillet dernier, la Cour Suprême du Canada a accueilli l’appel de la CNT de la décision rendue par la Cour d’appel du Québec, et le jugement de première instance est rétabli condamnant ainsi Asphalte à payer à la CNT une indemnité de délai-congé équivalant à trois semaines de salaire, ainsi que la somme due au titre du congé annuel.

Pour la Cour, il n’y a pas résiliation automatique du contrat de travail dès réception d’un délai de préavis et, au contraire, la relation contractuelle perdure jusqu’à la date prévue par le délai de préavis donné par le salarié ou l’employeur. En conséquence, même après que l’une des parties au contrat de travail à durée indéterminée a donné un délai de préavis à son cocontractant, chaque partie demeure tenue de respecter les obligations qui lui incombent en vertu du contrat de travail jusqu’à l’expiration de ce délai. Le fait de donner un délai de préavis annonce la fin du contrat de travail ; il ne permet pas de déroger au principe selon lequel une partie ne peut unilatéralement cesser d’exécuter ses obligations contractuelles au détriment des droits de l’autre partie. En renonçant au délai de préavis qu’un salarié lui donne, l’employeur empêche le salarié de fournir sa prestation de travail et cesse de le rémunérer, manquant ainsi aux obligations contractuelles auxquelles il est tenu jusqu’à l’expiration du délai de préavis.

En résumé, un employeur qui reçoit d’un salarié le délai de préavis prévu par la Loi ne peut mettre fin unilatéralement au contrat de travail à durée indéterminée sans donner à son tour un délai de préavis ou une indemnité qui en tient lieu. Évidemment, on ne peut imposer à l’employeur le délai de préavis décidé unilatéralement par le salarié. À cet effet, un employeur peut refuser qu’un salarié se présente sur les lieux de travail pour la durée du délai, mais il doit néanmoins le rémunérer pour cette période, dans la mesure où le délai de préavis fourni par le salarié est raisonnable. L’employeur peut également choisir de mettre fin au contrat moyennant un délai de préavis raisonnable ou une indemnité correspondante, le tout conformément à la Loi.

NOS COMMENTAIRES
Évidemment, il est toujours possible que les deux parties s’entendent et consentent à une fin d’emploi immédiate pour ainsi se soustraire à l’obligation de donner un délai de préavis. En ce sens, il est suggéré d’inviter le salarié à faire une lettre de démission effective le jour même, démission que l’employeur accepte.

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