Les corporations de concessionnaires d’automobiles intensifient leurs efforts pour aider les concessionnaires à combler les pénuries de techniciens qualifiés
La pénurie de techniciens demeure une réalité et une menace réelle pour les entreprises au Canada, bien que les efforts visant à combler ces lacunes se soient intensifiés depuis notre dernière mise à jour sur le sujet en 2024.
À ce moment-là, Affaires automobiles avait communiqué avec la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ) et avait appris que celle-ci venait de lancer une campagne publique intitulée « Ma carrière en concession ».
QUÉBEC
La formation de techniciens sur le terrain n’est pas une nouveauté pour les corporations de concessionnaires provinciales, mais l’approche récente de la CCAQ est digne de mention. Ian P. Sam Yue Chi, président-directeur général, l’a qualifiée de « Tinder » de l’industrie automobile, car la campagne dirige les gens vers un site Web qui met en communication les concessionnaires et les candidats. Une sorte de « rendez-vous surprise ».
« Nous nous adressons à des personnes qui n’ont pas nécessairement envisagé une carrière dans l’industrie automobile, nous leur présentons la diversité des professions et des carrières que nous offrons dans notre secteur. Et nous le faisons de manière positive afin de susciter leur intérêt », a déclaré M. Sam Yue Chi.
La campagne s’est déroulée de juin à fin novembre 2024. Cette campagne a été couronnée de succès : 10 000 personnes qui n’avaient jamais envisagé de travailler dans le secteur automobile ont soumis leur candidature. La CCAQ a également reçu de nombreux commentaires de la part de ses membres.
« La gestion des visites sur le site de certains concessionnaires a présenté certains défis, alors ils nous ont demandé d’affiner quelque peu la stratégie. La campagne, qui était diffusée dans tous les médias québécois, a dirigé les gens vers un site Web qui les mettait en contact avec les employeurs. »
La CCAQ effectue présentement des tests bêta de la nouvelle version du site Web auprès de certains concessionnaires. Les besoins et le profil des candidatures soumises sur le site Web seront plus précis, et les candidats auront la possibilité de joindre leur curriculum vitæ. La prochaine grande campagne sera lancée en août 2025.
En ce qui concerne les travailleurs étrangers, la corporation bénéficie des progrès réalisés par son agence de recrutement international, créée il y a environ huit ans sous la filiale Mobilö. Bien des choses peuvent changer en quelques mois.
« Cette année a été particulière en termes de recrutement et de main-d’œuvre, a mentionné M. Sam Yue Chi. Depuis notre dernier échange il y a un an (au sujet de Mobilö), nous avons cherché à développer le service afin de répondre aux besoins du plus grand nombre possible de concessionnaires au Québec. »
La CCAQ a principalement recruté des talents marocains et tunisiens, mais depuis notre dernière discussion, M. Sam Yue Chi a indiqué que les gouvernements fédéral et provinciaux ont adopté des politiques restrictives en matière d’embauche de travailleurs étrangers temporaires et de maintien de la main-d’œuvre étrangère.
« Le gouvernement provincial a haussé le seuil de la catégorie d’emplois à salaire élevé à près de 33 $ de l’heure, ce qui signifie que plusieurs professions ne sont plus admissibles au programme pour les employés à salaire élevé, a-t-il expliqué. Ce changement complique le processus d’embauche et de maintien en poste. »
Il a également indiqué que le gouvernement fédéral avait imposé un plafond obligatoire de 10 % de la main-d’œuvre pour les travailleurs étrangers temporaires sur tout lieu de travail.
Ces changements ont eu des répercussions sur chacune des organisations représentées par la CCAQ dans certaines régions du Québec, notamment en Abitibi et sur la Côte-Nord, où les concessionnaires membres emploient plus que le maximum de 10 % de travailleurs étrangers.
Les nouvelles mesures signifient que ces concessionnaires devront se départir des employés qui dépassent le plafond fixé par le gouvernement. Il s’agit de travailleurs qui sont venus de partout pour commencer une nouvelle vie au Québec, qui sont déjà pleinement intégrés et qui ont progressé dans leur apprentissage du français. (Le Québec impose des exigences précises en matière de promotion et d’augmentation de l’utilisation du français comme langue de travail.)
Il y a également un enjeu de sécurité à prendre en considération. « N’oublions pas que nous réparons également des camions lourds, et que cela représente un besoin auquel nous devons répondre en termes de main-d’œuvre, notamment de mécaniciens spécialisés en camions lourds. » Le président-directeur général de la CCAQ a souligné qu’il existe des risques en matière de sécurité pour le grand public dont les deux paliers de gouvernement doivent être conscients.
M. Sam Yue Chi a indiqué que le ministre québécois de l’Immigration, Jean-François Roberge, plaidait auprès du gouvernement fédéral pour que celui-ci abandonne le plafond de 10 % afin que les travailleurs étrangers temporaires déjà présents au Canada puissent obtenir le statut de résident permanent. « Nous soutenons le ministre Roberge et exerçons actuellement des pressions pour influencer les décisions du gouvernement fédéral. »
ONTARIO
La situation diffère en Ontario. Todd Bourgon, chef de la direction et directeur général de l’association Motor Vehicle Retailers of Ontario (MVRO), a mentionné que le plafond fédéral ne nuisait pas à leurs efforts pour recruter des techniciens venant d’autres pays.
« Le Québec doit mener plusieurs combats qui ne se posent pas en Ontario, notamment en ce qui concerne la preuve de la nécessité de l’emploi », a précisé M. Bourgon, ajoutant que le Québec impose également un test linguistique qui n’a pas lieu dans les autres provinces.
Il a déclaré que la MVRO avait réussi à faire valoir la nécessité de disposer de travailleurs qualifiés et à fournir des données pertinentes aux concessionnaires. Pour chaque aire de service inutilisée, lorsque le concessionnaire ne dispose pas de technicien pour l’occuper, la concession perd entre 600 000 $ et 750 000 $ en pièces et en main-d’œuvre, en termes de revenus non réalisés, a indiqué M. Bourgon.
Il a également souligné qu’il y a présentement des milliers de postes pouvant être pourvus à l’échelle nationale. À ce sujet, M. Bourgon a fait remarquer que l’association avait pourvu « probablement un peu plus de 300 postes ».
Todd Bourgon retournera aux Philippines en septembre dans le cadre de l’initiative de recrutement international de la MVRO. Le processus est désormais beaucoup plus fluide, et le besoin de se déplacer souvent n’est plus aussi présent. « La demande est plus facile à gérer, tout comme l’offre. »
Brent Ravelle, président de la MVRO et de Ravelle Group of Companies, interviewé par Affaires automobiles en 2024, a déclaré qu’il était l’un des premiers concessionnaires à avoir embauché des travailleurs issus du programme dans sa concession.
À ce moment-là, il avait spécifié que le processus prendrait environ un an, voire plus. Maintenant, cela ne prend que quelques mois, à compter du moment où un concessionnaire membre contacte la MVRO et où M. Bourgon se met en quête d’un technicien.
« Ensuite, toute la faisabilité commence par les démarches administratives nécessaires pour les faire venir ici en tant que travailleurs étrangers. Et cela peut prendre trois ou quatre mois dans le meilleur des cas. Et à long terme, cela dépend généralement de l’endroit où se trouve le travailleur à ce moment-là. Le temps a donc été considérablement réduit. »
M. Ravelle emploie quatre travailleurs étrangers. Deux d’entre eux ont obtenu la certification Sceau rouge il y a environ un an, et deux autres suivent actuellement un programme d’apprentissage et passeront bientôt leur examen pour obtenir leur licence de technicien. L’un d’entre eux sera résident permanent d’ici l’automne et a installé toute sa famille ici.
COLOMBIE-BRITANNIQUE
La New Car Dealers Association (NCDA) de Colombie-Britannique s’est récemment jointe à ses collègues de la MVRO lors d’un voyage à l’étranger afin de mieux comprendre leurs efforts de recrutement. Blair Qualey, président et chef de la direction de la NCDA, a déclaré que les concessionnaires ontariens accomplissaient un travail remarquable aux Philippines depuis un certain temps déjà.
Il a indiqué qu’ils procédaient à des évaluations et qu’ils recherchaient des professionnels compétents, des candidats pour des postes de techniciens en entretien et en réparation d’automobiles, des candidats pour des postes de techniciens en carrosserie, et plus encore. « Nous avons pris un peu de retard dans ce domaine, mais j’ai été très impressionné par le processus. »
M. Qualey a expliqué que le processus comprend de nombreuses questions directes, posées en personne, ainsi que des tests pour évaluer les compétences des travailleurs étrangers. Il y a également un ancien maître de métier qui évalue les connaissances des candidats en matière de diagnostic, de véhicules, de freins et de divers autres sujets. « On peut ainsi constater directement les compétences des candidats. »
Blair Qualey a passé quelques jours à Manille avec son collègue Gerald Wood, de la Motor Dealers Association of Alberta. « Je pense que nous avons tous deux été très impressionnés par le processus. Par la suite, nous avons bien sûr informé nos membres de nos intentions en leur disant : « Voici ce que nous faisons. Il faut saisir l’occasion. »
