Le choc du futur

November 19, 2012

AFFAIRES AUTOMOBILES SE PENCHE SUR LE CONCEPT DE L’ÉLECTRIFICATION DES VÉHICULES, SUR L’EFFET QU’ELLE A EU SUR L’INDUSTRIE ET SON IMPACT POTENTIEL SUR L’AVENIR DE LA VENTE D’AUTOMOBILES.

Le progrès. C’est une réalité de la vie. Les choses avancent, évoluent et (en théorie du moins) s’améliorent. Dans l’industrie de l’automobile, nous assistons sans doute à l’un des plus grands changements depuis la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle quand une foule d’inventeurs et d’entrepreneurs ont tenté de mettre des voitures sans chevaux sur le marché.

Et tout comme à cette époque, où toutes sortes de configurations et de systèmes de propulsion ont été expérimentées, aujourd’hui, on a fait un bond important en mettant l’accent sur un certain nombre de technologies différentes. Une approche, qui consiste à fabriquer des véhicules plus efficaces, plus propres et plus sûrs, est le processus d’électrification. Ç’a commencé avec des véhicules hybrides essence/électricité comme la Toyota Prius et ça s’est élargi pour inclure les véhicules purement électriques (VE), les hybrides enfichables et l’adoption de caractéristiques d’économie de carburant sur les voitures particulières ordinaires. Dans chaque cas, l’introduction de ces véhicules et de composants a donné lieu à des défis uniques mais aussi à des occasions pour les concessionnaires.

Neetika Sathe, directrice principale, responsable du marketing de la Nissan LEAF au Canada

Changement fondamental
Nissan, qui fabrique la voiture LEAF tout à l’électricité (abréviation de Leading, Environmentally friendly Affordable Family car), a fait de gros efforts pour s’assurer qu’on accepte le véhicule sur le marché, ce qui, pour les concessionnaires, signifie un changement fondamental dans l’approche de la vente et de l’entretien.

Selon Neetika Sathe, directrice principale à Nissan Canada et responsable du marketing de la LEAF, de nombreux clients étaient déjà entichés de la voiture avant même de mettre les pieds dans la salle d’exposition ; alors, le concessionnaire met l’accent beaucoup plus sur l’expérience d’achat globale plutôt que d’essayer de vendre la voiture. « Dans le cas de la LEAF, les concessionnaires sont en territoire vierge », dit-elle. « Alors que, dans le cas des véhicules à moteur à combustion interne, les clients connaissent déjà le véhicule, et le processus de vente est souvent basé sur les paiements et le prix, en ce qui a trait à la LEAF, il y a le prix et les incitatifs provinciaux. Au lieu de cela, la voiture demande une sensibilisation et des connaissances, et il faut savoir si le véhicule répond au mode de vie du client. »

Afin de faire un entretien efficace des automobiles hybrides, hybrides enfichables et électriques, les concessionnaires doivent suivre un programme de certification.

Nissan a commencé le déploiement progressif de la LEAF au Canada, en commençant par les concessionnaires qui, un peu comme les premiers clients de la voiture, ont été considérés comme des initiés de prime abord. Mme Sathe dit que cela a commencé avec un total de 28 concessionnaires situés dans la région du Grand Toronto, à Ottawa, à Montréal et à Québec ainsi qu’en Colombie-Britannique (16 autres ont été ajoutés cette année, avec comme objectif d’assurer la certification EV de tous les détaillants de Nissan au Canada). « Les concessionnaires de la première vague ont embrassé la possibilité de vendre et d’entretenir quelque chose de différent », explique Mme Sathe. « C’était de l’apprentissage, mais ils étaient excités et enthousiastes au sujet de la LEAF. » Cependant, afin de bien s’adapter, les concessionnaires doivent suivre un programme rigoureux de certification.

Un investissement important
« Les concessionnaires sont tenus d’avoir un minimum de deux stations de recharge rapide à 240 volts, une dans la zone de service, et l’autre pour un usage général », explique Mme Sathe. « Ces stations peuvent être achetées auprès du fournisseur de chargeur EV, puis installées par le concessionnaire, ou fournies comme une solution clé en main, installées et garantie par le fournisseur. En outre, un audit des outils doit être effectué pour illustrer quel matériel est nécessaire pour que le concessionnaire réponde à la certification EV.

Si certains outils ne figurent pas dans l’inventaire du concessionnaire, il devra les commander. En outre, les concessionnaires doivent veiller à ce que leur personnel de vente et de service ait reçu la formation nécessaire pour les véhicules électriques. « Cela inclut l’affectation d’un directeur des Ventes et un leader de la vente ainsi que d’un chef de service et un ou deux techniciens à l’atelier de réparation pour en apprendre davantage sur le véhicule. Mme Sathe dit que chacun de ces aspects peut nécessiter deux à trois mois, et que le coût d’investissement pour la certification peut varier entre 25 000 et 50 000 $.

« C’est laborieux, mais les concessionnaires qui se sont engagés dans le programme finiront par voir des résultats », dit-elle. « Nous avons déjà vu que ceux qui ont réussi à faire la transition ont obtenu un nombre croissant de clients provenant d’autres marques de véhicules de même qu’un plus grand nombre de références. » Mme Sathe soutient que la LEAF et les futurs véhicules électriques de Nissan ne remplaceront pas les voitures classiques, mais viendront plutôt les compléter en offrant une alternative aux consommateurs qui voient les avantages de la propulsion électrique pure.

La technologie hybride eAssist de GM, par l’entremise d’une courroie, fait tourner un moteur électrique générateur pour améliorer les performances d’un moteur à essence relativement faible.

Des obstacles à la croissance
C’est une vision qui est partagée par Dave Hurst, analyste et prévisionniste du groupe Pike Research. « D’après ce que nous avons découvert, les véhicules purement électriques ne sont pas susceptibles de prendre une part importante du marché automobile mondial, surtout ici en Amérique du Nord », dit-il. Selon les prévisions, l’entreprise prévoit que ces véhicules ainsi que les hybrides enfichables ne représenteront environ que 2,4 % du marché global en 2020. « Il y a plusieurs problèmes qui pourraient entraver la croissance de la popularité des véhicules électriques », explique M. Hurst. « Tout d’abord, les Nord-Américains, habitués aux grands espaces, en général, n’aiment pas l’idée de limiter leur autonomie quand il s’agit de véhicules, qu’il en ait besoin ou non. » Il note également que le développement de l’infrastructure nécessaire pour appuyer les véhicules électriques continue de poser un défi de taille.

« Au départ, l’objectif consistait à fournir des stations de recharge aux habitations, cependant, pour les propriétaires de véhicules électriques et les concessionnaires qui vendent des véhicules, souvent les propriétés doivent être évaluées pour voir si elles sont aptes à accueillir une station de recharge. En outre, les coûts liés à l’investissement ainsi qu’à l’achat et à l’installation des stations font monter le prix (autour de 5 à 15 %) d’un véhicule de façon sensible. »

Il mentionne également que les lois de zonage dans certains endroits et un manque de compréhension de la part des fonctionnaires municipaux et des administrations municipales se révèlent aussi d’importants obstacles. « En fonction de la ville et de la région, vous pourriez devoir faire appel à un électricien qualifié pour faire installer la station de recharge chez vous ; il pourrait y avoir une mauvaise compréhension de la motivation à encourager le développement des infrastructures électriques. » Et pour ce qui est des bornes de recharge publiques, tandis que la Californie et d’autres États et provinces ont adopté une approche plutôt proactive, d’autres endroits sur le continent, comme les provinces des prairies et dans le centre-ouest, n’ont pas été et ne seront probablement pas susceptibles de mettre d’importantes ressources dans ces programmes, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’incitatifs.

« À l’heure actuelle, beaucoup de bornes de recharge publiques sont sous-utilisées parce qu’il n’y a pas beaucoup de véhicules électriques ni d’hybrides enfichables sur la route. » M. Hurst ajoute que, du moins aux États-Unis, le financement de l’infrastructure pour les véhicules électriques a tendance à provenir de sources fédérales ; aux niveaux régional et municipal, de nombreux organismes sont actuellement aux prises avec des budgets très limités dans des domaines clés comme l’éducation, la police et les travaux publics, de sorte que les ressources nécessaires pour pousser le développement des infrastructures pour véhicules électriques n’existent tout simplement pas ou sont extrêmement limitées. Sur le plan commercial, de nombreuses entreprises n’ont pas investi massivement dans la recharge des véhicules électriques parce qu’ils ne font tout simplement pas leurs frais.

Afin de faire un entretien efficace des automobiles hybrides, hybrides enfichables et électriques, les concessionnaires doivent suivre un programme de certification.

Les hybrides légers
Cependant, Hurst dit que les hybrides ordinaires et, en particulier, ce qu’on qualifie d’hybrides légers (véhicules à moteur à combustion interne qui utilisent des systèmes d’électrification auxiliaires comme la direction assistée, la climatisation et freinage), sont susceptibles de connaître une croissance importante au cours des années à venir. « Sur la base de nos propres prévisions à Pike Research, nous voyons que, d’ici 2020, les hybrides ordinaires sont susceptibles de rester relativement stables à environ 3 % du marché, mais l’utilisation de technologies électrifiées pour véhicules de tourisme classiques devrait plutôt doubler, à environ 10,5 millions de véhicules par an, ce qui est le gros du marché. »

C’est intéressant parce que, même si les consommateurs n’ont pas migré vers les hybrides enfichables et les véhicules électriques comme on s’y attendait il y a quelques années, les véhicules électriques, hybrides et hybrides légers représentent une alternative. « Ce que vous avez, ce sont essentiellement des voitures abordables qui sont en constante évolution et de plus en plus efficaces », explique M. Hurst. « C’est principalement dû à un besoin de respecter les normes d’économie de carburant et d’émissions à venir qui (aux États-Unis et au Canada) correspondent à une moyenne de 4,3 litres aux 100 kilomètres en 2025. De plus, vous avez aussi les éléments traditionnels qui rendent les véhicules attrayants comme la possibilité d’aller pratiquement n’importe où à tout moment. »

Par conséquent, au moins à court terme, les hybrides légers sont considérés comme la solution la plus logique à la nécessité d’accroître l’efficacité sans sacrifier la mobilité, tout en gardant le prix des véhicules raisonnables. Et tandis que la recherche faite par les constructeurs et les analystes indépendants tend à confirmer que les véhicules électriques et hybrides enfichables restent de petits joueurs dans le marché global de l’automobile, au moins dans un avenir prévisible, la technologie qu’ils utilisent est susceptible de passer aux véhicules plus classiques. À titre d’exemple, la télématique de pointe CARWINGS que Nissan utilise sur sa LEAF, ainsi que les batteries plus légères, plus puissantes et efficaces, la technologie régénérative au freinage et l’arrêt-démarrage, d’abord vues sur les hybrides et s’étendant maintenant à plus de véhicules traditionnels.

Pour les concessionnaires, cela représente un scénario intéressant, car en dépit de la pénétration du marché par les véhicules électriques et hybrides enfichables, le concept de leur technologie se propage à d’autres véhicules et est susceptible de les rendre plus attrayants à long terme. Au tout début, les concessionnaires acquerront de l’expérience et probablement récolteront les fruits de la satisfaction de la clientèle, de la visibilité et de la fiabilité. En fait, Toyota, reconnue comme une pionnière dans le processus de l’électrification des véhicules, a déclaré qu’elle est fermement engagée dans la technologie hybride qui représente le fondement de la propulsion automobile du 21e siècle.

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